A travers des accords de partenariat, l’Etat et les opérateurs du secteur cherchent constamment à améliorer les performances de la fi lière, particulièrement au niveau du taux d’intégration. Entretien avec Eyad Sobh, président de la commission du commerce extérieur à la Fédération nationale de l’agroalimentaire (Fenagri).
Finances News Hebdo : Quelle place occupe l’agroalimentaire dans l’économie nationale ?
Eyad Sobh : Historiquement, l’agroalimentaire a un ancrage socioéconomique très important au Royaume. Il est adossé à un amont agricole dynamique et présente des potentialités importantes à l’export. Les indicateurs du secteur sont remarquables à plusieurs niveaux. Ce secteur réalise un chiffre d’affaires annuel moyen de 165 milliards de DH et figure parmi les plus importantes filières à l’export, avec une valeur de 43 milliards de DH, soit 12% des exportations nationales. Au niveau de l’emploi, l’activité regroupe 2.000 entreprises employant plus de 200.000 personnes. Cela représente 27% du PIB et 19% de l’emploi de l’industrie. Grâce à de nombreux atouts, le secteur présente des perspectives d’avenir très prometteuses, dont notamment la position géographique du Royaume qui lui permet d’être plus proche des principaux marchés. La vocation agricole du Royaume est aussi un avantage de taille. La filière capitalise sur ces atouts pour viser de nouveaux objectifs.
F. N. H. : Comment évaluez-vous les perspectives d’avenir de la filière au niveau de l’export ?
E. S. : L’export est un axe important de notre stratégie de développement. Il incite les opérateurs à adhérer aux meilleurs process de production pour répondre aux normes, particulièrement celle de l’Union européenne avec qui nous réalisons une bonne partie du volume exporté. L’agroalimentaire ne peut se développer s’il se concentre uniquement sur le marché local. Nous faisons de la prospection pour développer notre activité dans les autres marchés. A cet égard, nous avons des partenariats et des plans programmes que nous avons développés avec le ministère de l’Industrie et du Commerce. Notre industrie ne peut se développer sans stimuler l’export. Il faut bien noter que la concurrence est acharnée avec les autres pays. Cela nous incite à rechercher le meilleur et être à l’affut des innovations. Nous devons donc penser à augmenter notre capacité de production, améliorer constamment la qualité et maîtriser également les coûts. C’est une question de survie.
F. N. H. : Pour être compétitif, le secteur est contraint de se tourner vers l’innovation. Qu’est-ce qui a été fait à ce niveau ?
E. S. : Au sein de la Fédération, nous avons le Centre technique des industries agroalimentaires (CETIA), qui est une association interprofessionnelle créée par la Fenagri et le ministère de l’Industrie, avec l’appui de la délégation de l’Union européenne à Rabat. C’est un laboratoire dédié aux industries agroalimentaires pour les accompagner en matière de recherche et développement. Il devrait jouer un rôle important pour développer l’innovation et répondre aux aspirations des opérateurs marocains dans ce domaine pour améliorer leur compétitivité.
F. N. H. : La filière ne peut être performante sans une parfaite intégration à l’amont agricole. Comment faut-il consolider ce lien ?
E. S. : Le partenariat du secteur agroalimentaire à l’amont agricole est très important pour les deux branches. Nous cherchons à avoir un approvisionnement adéquat et régulier durant toute l’année à un coût compétitif et une qualité supérieure. Cela nous permet d’être plus performants et de faire face à la concurrence des pays étrangers dans les marchés internationaux. L’objectif est d’approvisionner le marché local dans de bonnes conditions. Pour leur part, les agriculteurs peuvent vendre leurs produits à des prix intéressants pour ne pas dépendre des spéculateurs. Dans le cadre de l’agrégation, de nombreux groupes agro industriels ont scellé des partenariats avec des associations et des coopératives agricoles dans différentes filières. Cette coopération permet de prodiguer des conseils et d’accompagner les agriculteurs sur le plan technique, à savoir dans la production ou dans le conditionnement. In fine, le niveau de la production et de la qualité augmente au profit des exploitants et des industriels. Le Plan Maroc Vert a donné une forte impulsion à cette intégration. Il est prévu de l’améliorer avec Génération Green. Notre rôle est d’augmenter la valeur ajoutée de la production locale et de ne plus exporter les produits agricoles bruts.
F. N. H. : La question de la souveraineté alimentaire se pose avec acuité. Quel rôle peut jouer votre secteur dans ce domaine ?
E. S. : Avec la crise de la pandémie du Covid 19 et la guerre en Ukraine, la souveraineté alimentaire est devenue un axe stratégique pour tous les pays. L’intégration locale est très importante pour atteindre cet objectif. Il est primordial d’inscrire l’innovation et la R&D dans les stratégie des entreprises. Les opérateurs sont appelés à faire des économies des intrants et aussi des économies d’échelle pour être compétitifs. La filière doit s’affranchir des contraintes qui la perturbent, comme l’inadéquation entre l’approvisionnement de matières premières et la capacité de transformation, en vue de trouver un équilibre. Le nouveau contratprogramme des industries agroalimentaires à l’horizon 2030 va accorder une grande priorité aux filières d’intrants manufacturés. Nous voulons augmenter le taux d’intégration pour le porter à 70% à cette date.
F. N. H. : Avec la sécheresse, la résilience et la durabilité deviennent un sujet important. Qu’en est-il de votre secteur ?
E. S. : Notre secteur est sensible à ce sujet. Tous les professionnels et les intervenants qui interviennent dans notre filière sont conscients des enjeux que cela représente. La sécheresse est devenue un phénomène structurel qu’il faut prendre en considération dans chaque programme de développement. Outre le dispositif de production qui doit répondre aux meilleures normes pour préserver l’environnement, comme l’utilisation des énergies renouvelables, et le recyclage des déchets. Nous sommes très engagés pour assurer une bonne intégration avec l’amont agricole afin que les produits transformés soient, eux aussi, de bonne qualité et à des prix compétitifs.