Agroalimentaire: «Le système de subvention du secteur de la minoterie est contreproductif»

Agroalimentaire: «Le système de subvention du secteur de la minoterie est contreproductif»

Le secteur de la minoterie est fortement lié à l’amont agricole et reste dépendant des importations.

L’activité est aussi confrontée à des difficultés d’ordre structurel, qui nécessitent un vaste programme de mise à niveau des structures de production.

Entretien avec Moulay Abdelkader Alaoui, président de la Fédération nationale de la minoterie (FNM).

Finances News Hebdo : Face à une conjoncture difficile, comment se présente la situation du secteur de la minoterie ?

Moulay Abdelkader Alaoui : Le secteur de la minoterie passe par des moments difficiles en raison d’une production céréalière très en deçà de ce qu’on attendait (30 millions de quintaux). Le marché a été fortement impacté par la crise sanitaire. La guerre en Ukraine n’a fait qu’aggraver la situation. Notre pays, qui dépend de l’étranger pour satisfaire ses besoins, doit supporter cette mauvaise conjoncture et chercher à mieux la gérer. Contrairement à d’autres pays de la région où les organismes étatiques régulent le marché, au Maroc, ce sont les opérateurs privés qui font le marché. Heureusement, nous avons entamé très tôt les importations suite à une très bonne récolte (saison 2020/2021) qui a dépassé les 100 millions de quintaux. Nous avons commencé par le marché ukrainien qui était opérationnel au cours de l’automne 2021, et le gros de nos achats s’est fait en novembre 2021. A cet égard, nous avons acquis 525.000 tonnes sur les 600.000 tonnes que nous achetons habituellement. Pour la campagne actuelle qui est en phase finale, nous avons réalisé pratiquement 90% de nos achats en blé ukrainien. En Russie, on annonce des récoltes exceptionnelles pour la prochaine campagne de l’ordre de 85 millions de tonnes contre 75 millions habituellement. En dépit de la guerre, l’Ukraine s’attend à une bonne production. Mais la problématique réside au niveau de la logistique pour stocker et écouler ces récoltes à l’international. Les deux pays vont se retrouver avec des stocks très importants.

 

F. N. H. : Qu’en est-il des autres pays exportateurs de blé partenaires du Maroc ?

M. A. A. : Il y avait quelques inquiétudes pour la France qui est un fournisseur important et historique du Maroc à cause de certains aléas climatiques comme la chaleur ou les déficits hydriques. Mais les indicateurs préliminaires recueillis auprès de France Export révèlent que la situation s’est nettement améliorée. Nous avons d’autres fournisseurs européens comme l’Allemagne, la Hongrie, la Pologne ou la Roumanie. Pour les autres régions, nous avons l’Amérique du Nord. Nous importons beaucoup de blé dur du Canada, qui est notre premier fournisseur de ce produit. Les transformateurs marocains sont habitués à un produit de qualité, et ce afin de répondre aux exigences de la règlementation qui interdit la commercialisation des pâtes et des couscous mélangés au blé tendre. Avec l’ONSSA, nous avons bataillé dur pour préserver l’originalité et la qualité des pâtes et du couscous. En cas de mélange de la semoule à base de blé dur avec du blé tendre, ça doit être indiqué. Toutefois, quelques dérogations sont accordées aux petites coopératives qui produisent moins d’une tonne par jour. Pour les États-Unis, le blé est indexé sur la Bourse de Chicago. Les cours sont parfois plus chers de 50 dollars/tonne. Il y a donc des facteurs limitant à ce niveau. Nous avons également des fournisseurs en Amérique latine, notamment l’Argentine et le Brésil.

 

F. N. H. : Comment se présentent les capacités et les conditions de stockage pour le secteur ?

M. A. A. : Lors de l’ouverture de la session parlementaire en octobre 2021, SM le Roi avait appelé dans son discours à la nécessité de constituer un stock stratégique et de sécurité pour les matières premières, notamment tout ce qui concerne les médicaments, l’énergie et l’alimentation. L’objectif est de se prémunir contre les différents aléas. Le blé occupe une place de référence dans cette stratégie. Nous travaillons en concertation avec le ministère de l’Agriculture et l’Office national interprofessionnel des céréales et des légumineuses (ONICL) pour mettre en place un système de stockage de sécurité, soit à partir de la production nationale, ou à partir des importations.

 

F. N. H. : Le secteur regroupe 130 opérateurs, dont la plupart ont besoin d’une mise à niveau pour continuer à exercer. Existe-til un programme dans ce sens ?

M. A. A. : Plusieurs entreprises sont en cessation de paiement ou en liquidation judiciaire. Elles traversent des moments très difficiles. Certaines unités industrielles achètent la matière première auprès de leurs concurrents. A cet effet, nous travaillons sur plusieurs pistes pour aider les minoteries qui ne peuvent plus continuer à travailler. Le département de tutelle est compréhensif à cette problématique, mais d’autres acteurs, notamment le ministère des Finances et particulièrement la Direction générale des impôts (DGI), sont impliqués. Pour y remédier, il est possible de trouver des solutions pour les unités de production qui sont désormais dans le périmètre urbain et à qui on peut octroyer des primes à la casse pour les convaincre de cesser. Il est possible de créer le droit de mouture, comme c’est le cas en France, qui exige certaines conditions financières et techniques pour pouvoir lancer un projet de minoterie. Ces contraintes ont affaibli le secteur et je pense que le redressement devrait se faire naturellement.

 

F. N. H. : Dans ces conditions, faut-il toujours maintenir le système des subventions dans le secteur ?

M. A. A. : Personnellement, j’ai toujours dit que la compensation biaise la transparence, l’éthique et l’équité du secteur. Des opérateurs ont lancé des projets de minoterie au cours des années 80 et 90 dans le seul but d’obtenir le contingentement et la subvention. Aujourd’hui, 80% des conséquences désastreuses sont dues à la farine subventionnée. Si ce produit n’existait pas, tout le monde serait gagnant. Toute situation de rente donne lieu à des pratiques malsaines. Nous croyons en le registre social unifié qui aura pour objectif d’attribuer l’aide à la population précaire. Notre Fédération lancera une étude pour établir un plan comptable sectoriel afin de prouver notre bonne foi, couper l’herbe sous le pied des gens malhonnêtes et aussi moraliser le secteur.

 

 

 

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