Le potentiel du secteur agroalimentaire en Afrique pourrait se chiffrer à 1.000 milliards de dollars à l’horizon 2030. Une véritable manne à exploiter par les entreprises marocaines qui peuvent bénéficier de l’accompagnement des banques locales déjà présentes sur le continent. Il va falloir néanmoins composer avec un certain nombre de contraintes : multiplicité des frontières nationales, coûts des transactions très élevés, faiblesse des infrastructures et de la logistique liant le Maroc au reste des pays africains…
A la recherche de nouveaux débouchés à l’heure où l’Europe a bien du mal à faire face à la crise économique, le Maroc a fait depuis quelques années le choix de l’Afrique pour booster ses exportations. Cela, dans le cadre d’une politique de co-développement et d’une stratégie sud-sud efficace et solidaire, conformément à la vision royale. Le choix du secteur agroalimentaire de s’inscrire dans cette nouvelle orientation est d’autant plus légitime que l’Afrique présente d’énormes potentialités. D’ailleurs, selon les projections faites par la Banque mondiale en 2013, le potentiel du secteur agroalimentaire en Afrique pourrait se chiffrer à 1.000 milliards de dollars à l’horizon 2030, contre 313 milliards de dollars actuellement. Mais les opérateurs marocains exploitent-ils pleinement l’opportunité que représente le marché africain ?
Des exportations en hausse
Les exportations agroalimentaire marocaines vers l’Afrique ont enregistré, sur la période 2000-2013, un taux de croissance annuelle moyen (TCAM) de 15%, avec une prépondérance des produits transformés et une montée récente des produits frais. Toutefois, la part des exportations de produits transformés dans les exportations globales est en recul, passant de 93% en 2000 à 85% en 2013, soit une croissance annuelle moyenne (CAM) de 13%. C’est ce que révèle la dernière étude publiée par la Direction des études et des prévisions financières (DEPF) qui note que la part des produits agroalimentaires frais s’est toutefois renforcée durant la même période, passant de 7 à 15%, avec une CAM de 21%.
Par ailleurs, note la même source, «12 pays africains ont concentré en moyenne 76,2% des exportations agroalimentaires marocaines vers le continent entre 2007 et 2013, avec une prédominance de la Guinée (14%), suivie de la Mauritanie (13,6%), de l’Algérie (8,9%), de la Tunisie (8,5%), du Sénégal (8,3%) et de la Libye (7,5%)». Ces exportations ont essentiellement ciblé l’Afrique de l’Ouest (49%) et du Nord (29%), avec des TCAM de 22 et 7%, tandis que l’Afrique Centrale (11%) a enregistré un TCAM de 20%. Pour sa part, l’Afrique Australe et de l’Est ne capte que 2% des exportations, soit une évolution moyenne de 11%.
Et sur cette période, ce sont principalement les farines, gruaux, semoules et agglomérés de céréales (19%) qui ont été exportés vers l’Afrique, avec une moyenne à l’export de 357,3 MDH. Ils sont suivis des extraits et essences de café ou de thé (11%, soit 207,5 MDH) et du fromage (11%, soit 193,5 MDH).
Un potentiel à exploiter
«Un potentiel inexploité de commerce intra-africain existe dans de nombreuses catégories de produits, en particulier les produits agroalimentaires». C’est la conclusion à laquelle ont abouti les analystes de la DEPF qui soulignent que l’Afrique possède 27% environ des terres arables dans le monde (733 millions d’hectares, plus que l’Asie -628 millions d’ha- et l’Amérique latine -570 millions d’ha-) qui pourraient être exploitées pour accroître la production agricole, alors que de nombreux pays africains importent des produits alimentaires et agricoles d’autres continents. Dans un contexte caractérisé, entre autres, par l’expansion de la classe moyenne en Afrique, c’est une véritable opportunité qui s’offre aux opérateurs marocains de l’agroalimentaire, surtout que la présence de plusieurs banques nationales sur le continent peut servir d’appui aux entreprises qui souhaitent y développer leur business.
Sauf que le développement des exportations agroalimentaires marocaines vers le continent n’est pas exempt d’obstacles. La première contrainte, listée par la DEPF, concerne la multiplicité des frontières nationales et les différents régimes commerciaux (entraînant une faible intégration des marchés) qui constituent en soi un rempart évident au commerce intra-continental. Le second obstacle a trait aux coûts de transaction (transport et assurance) très élevés en Afrique et qui restent en moyenne beaucoup plus importants pour le commerce intra-africain que pour les échanges avec le reste du monde. Enfin, troisième obstacle et non des moindres : la faiblesse des infrastructures et de la logistique liant le Maroc au reste des pays africains. «En effet, et en plus de l’insuffisante infrastructure routière en Afrique, le transport maritime n’est pas suffisamment exploité entre les deux parties. De plus, l’absence d’accords de facilitation de transit vient aggraver ces carences», précise l’étude. Tout en édictant quelques mesures qui pourraient être prises afin que le secteur agroalimentaire marocain puisse pleinement bénéficier des potentialités qu’offre le marché africain. Il s’agit notamment de cibler des partenaires commerciaux prioritaires en fonction des potentialités de leurs marchés et d'améliorer le cadre juridique et réglementaire des accords de commerce et d'investissement conclus avec les pays de cette région. De même, les analystes de la DEPF préconisent aussi d'adapter l'offre agroalimentaire marocaine aux spécificités de ces pays et de renforcer la logistique commerciale liant notre pays à ses partenaires africains. Cela, outre le renforcement des infrastructures intra-africaines de transports routier, maritime et aérien.
Marché des jus : La Libye en raffole
Près de 40% des exportations marocaines de jus de fruits et de légumes ont été destinées au continent africain durant la période 2007-2013, avec comme principaux débouchés la Libye à hauteur de 28%, le Mali (12%), la Mauritanie (8%), le Burkina Faso (6%) et la Tunisie (5%). «La part du Maroc sur le marché africain des jus de fruits et de légumes a progressé légèrement de 0,1% en 2007 à 0,7% en 2013», note la DEPF. Deux grands pays importateurs restent à explorer par le Maroc : l’Afrique du Sud et l’Angola, qui s’approvisionnent de pays lointains comme la Chine, l’Argentine et le Portugal. Il s’agit également de renforcer la part détenue par le Maroc sur le marché égyptien de jus, qui a enregistré un TCAM de 39% entre 2007 et 2013.
David William