Administration publique : Grand corps malade

Administration publique : Grand corps malade

 

- L’administration marocaine souffre de plusieurs dysfonctionnements.

- M. Ben Abdelkader, ministre délégué chargé de la Réforme de l’administration et de la fonction publique, décline son approche pour une réforme en profondeur.

 

 

Dans un contexte de globalisation et d’internationalisation, le Maroc ne peut aller de l’avant avec une administration plus que jamais malade de sa bureaucratie et de sa lourdeur.

Le discours du Souverain du 29 juillet 2017 à l’occasion de la fête du Trône était clair comme de l’eau de roche sur les tares qui affectent l’administration, et l’inertie dans laquelle elle évolue.

Depuis ce fameux discours, les forces vives de la nation se sont mobilisées, à bon escient, pour rompre avec les mauvaises habitudes et surtout avec l’ancien modus operandi.

C’est dans ce sillage que s’inscrit le récent débat sur la gouvernance publique pour une administration au service du citoyen, animé par Mohamed Ben Abdelkader, ministre délégué chargé de la Réforme de l’administration et de la fonction publique. Ce dernier, appelé à dévoiler son approche, a dans un premier temps indiqué qu’«avant d’apporter des éléments de réponse à ce triptyque (administration, fonction publique, citoyen), il est important de jeter un regard sur la genèse de l’administration au Maroc».

 

Un diagnostic inquiétant

 

Mohamed Ben Abdelkader, ministre délégué chargé de la Réforme de l’administration et de la fonction publique : «Il est temps de changer de paradigme, parce le Maroc d’aujourd’hui mérite un nouveau modèle de l’administration»

 

Juste après l’indépendance, le Maroc s’est engagé dans un vaste chantier de construction de l’Etat moderne. A l’époque, un certain nombre de services publics était assuré par la société civile.

Or, l’Etat ne pouvait exister sans pouvoir garantir un minimum de services à ses citoyens. Autrement dit, la fonction publique constituait une source précieuse de légitimité de l’Etat.

«Le Maroc s’est retrouvé devant un double héritage, une administration embryonnaire du makhzen et celle protectorale. Il a par la suite essayé de construire son propre modèle», rappelle dans la foulée le ministre. C’est dire que ce double héritage a enfanté d’un monstre qui souffre de plusieurs maladies. Une analogie qui trouve toute sa raison d’être lorsque nous passons en revue les séquelles dont souffre l’administration.

Bref, le Maroc dispose d’une administration, certes au service du citoyen, mais qui ne le protège pas de l’autoritarisme, de la supériorité voire même de l’humiliation de ses fonctionnaires.

L’autoritarisme est donc la première tare de l’administration. L'autre imperfection à souligner est le centralisme ou plus précisément le pouvoir de décision hyper-concentré à Rabat, qui donne naissance à une machine bureaucratique très lourde.

De même, l’interventionnisme outrancier de l’Etat dans tous les services et domaines altère le service public dans ses multiples facettes. Il ne partage pas ses prérogatives avec les régions.

La quatrième maladie évoquée par le ministre a trait au carriérisme, au détriment des compétences, sur lequel se base le recrutement des profils.

Face à toutes ces défaillances, «comment appréhender en profondeur la réforme d’une administration très malade ?», s’interroge le ministre.

 

A nouveaux défis, nouveaux enjeux

 

Depuis sa nomination, le ministre a adopté une approche pour le moins innovante, qui se démarque complètement de celle de ses prédécesseurs.

«Aujourd’hui, le Maroc a signé une multitude de conventions avec des pays africains et subsahariens. Du coup, il a besoin d’une administration saine pour accompagner cette réelle dynamique», précise Ben Abdelkader.

Il n’a pas manqué de rappeler que depuis quelques années, des réformes techniques structurelles ont eu lieu, mais elles n’ont pas abouti, faute d’avoir remis en cause le modèle hérité.

«Il est temps de changer de paradigme, parce le Maroc d’aujourd’hui mérite un nouveau modèle de l’administration», martèle le ministre.

Son approche se décline en quatre axes. Le premier repose sur la révision du rôle de l’Etat qui devrait transférer un certain nombre de pouvoirs. Le deuxième est managérial et consiste à revoir tout le système de la gestion des ressources humaines en l’axant davantage sur les compétences au lieu du carriérisme.

Le troisième axe est relatif à la transformation digitale qui permettrait à l’administration de relever les défis d’un Maroc qui se modernise. A titre d’illustration, la dématérialisation du service public limiterait la corruption qui gangrène l’économie. La quatrième transformation, enfin, est d’ordre éthique.

Toutes ces réformes ont des passerelles entre elles et sont censées aboutir à une administration moderne au service d’un citoyen plus averti.

La volonté est là, la détermination à changer intelligemment de paradigme est aussi apparente dans le discours cohérent et concis du ministre, considéré par ceux qui l’ont côtoyé comme homme de concertation et de dialogue.

Mais cela n’empêche pas de dire que le combat sera de longue haleine pour mettre fin à des acquis considérés par les fonctionnaires comme étant légitimes.

 


Haute fonction publique : Un débat national prévu pour fin février

Une rencontre de la haute fonction publique est prévue pour la fin du mois courant. Son objectif est de réunir les hauts fonctionnaires de l’Etat et de se pencher sur la restructuration de la haute fonction publique, considérée comme la locomotive du changement de paradigme de l’administration. Une deuxième rencontre sera par la suite programmée et concernera les fonctionnaires moyens. «Dans les deux rencontres, les principaux mots d’ordre seront la contractualisation, la reddition des comptes et la mise en valeur des compétences à travers une transition du carriérisme vers les compétences», assure le ministre.


 

 

Par S. Es-siari

 

 

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