Adéquation formation-emploi : l’Afrique face à un défi de taille

Adéquation formation-emploi : l’Afrique face à un défi de taille

Avec une croissance projetée de 4%, parmi les plus dynamiques au monde, l’Afrique suscite un intérêt grandissant sur la scène économique mondiale. Cependant, cette croissance ne se traduit pas suffisamment en gains de productivité ni en création d’emplois de qualité.

 

Par Désy. M.

Malgré un potentiel démographique exceptionnel, avec une population active devant quasiment doubler d’ici 2050, le continent africain peine à transformer ses talents en moteur de développement inclusif. En cause : une inadéquation persistante entre les compétences enseignées et les besoins réels du marché du travail, une faible reconnaissance des acquis et des investissements insuffisamment orientés vers les secteurs à forte valeur ajoutée.

C’est sur cette problématique que les experts du Centre de développement de l’OCDE, de l’Union africaine et de Casablanca Finance City Authority ont axé le rapport «Dynamiques du développement en Afrique» pour l’année 2024. La présentation de ce document analytique s’est faite lors du «Casablanca Finance City Insight», tenue le 15 avril courant dans l’enceinte du Conseil régional de Casablanca-Settat.

Organisé par Casablanca Finance City Authority, cet événement «est un moment de dialogue unique entre décideurs publics, chercheurs, entreprises et investisseurs, pour faire avancer ensemble les chantiers prioritaires du continent», a affirmé lors de son allocution, Saïd Ibrahimi, CEO de CFC Authority. Dressant un état des lieux des politiques de formation, des défis d’emploi et des perspectives de transformation économique sur le continent, ce rapport met en évidence un impératif majeur  : celui d’aligner les compétences disponibles aux besoins d’un marché du travail en profonde mutation.

«On ne peut pas développer un écosystème économique viable sans le développement des ressources humaines», a déclaré Abdellatif Maâzouz, président du Conseil régional de Casablanca-Settat. En charge de présenter ledit rapport à l’assistance, Arthur Minsat, directeur Afrique et économiste principal au sein de l’OCDE, a souligné que «le continent africain regorge d’opportunités, mais reste freiné par un déficit de productivité structurel». L’enjeu n’est pas uniquement quantitatif, mais qualitatif. «Il ne suffit plus de créer des emplois. Il faut créer de bons emplois, stables, décents et adaptés à l’évolution des économies africaines, notamment dans l’industrie, les services ou les secteurs à forte intensité technologique», a affirmé Minsat.

Le rapport montre par ailleurs que 70% des emplois d’ici 2030 nécessiteront des compétences numériques de base, alors que seuls 9% des jeunes africains y sont actuellement préparés. Le fossé est encore plus criant pour les compétences avancées, notamment dans les domaines de l’intelligence artificielle ou de l’ingénierie verte. En réponse, les auteurs du rapport appellent à renforcer l’enseignement technique et professionnel, mais aussi à développer la reconnaissance des compétences informelles, qui représentent une large part des savoirs acquis dans les économies africaines.

Le Maroc : Un modèle de bonnes pratiques

Présent à la conférence, Nizar Baraka, ministre de l’Équipement et de l’Eau, a mis en avant l’expérience marocaine comme modèle de bonnes pratiques. «L’enjeu est de transformer notre capital humain en levier de croissance et d’inclusion. Cela passe par une réforme en profondeur de l’éducation, un renforcement de la formation professionnelle et une meilleure anticipation des besoins en compétences», a-t-il déclaré.

Le Maroc a ainsi lancé plusieurs chantiers, notamment la réforme de l’éducation axée sur la lutte contre l’abandon scolaire, l’initiative des écoles de la deuxième chance, l’exigence de la maîtrise de l’anglais dans l’enseignement supérieur et le développement de filières spécialisées dans les métiers de demain (énergies renouvelables, hydrogène vert, IA). Ces efforts s’accompagnent d’une stratégie d’investissement ambitieuse, visant à restructurer le tissu économique et à faire émerger de nouveaux pôles industriels régionaux comme Tanger Med, Nador West ou Dakhla Atlantique. Le ministre a également insisté sur le rôle croissant du secteur privé et l’importance d’un tissu productif plus inclusif, intégrant PME et TPE à travers des mesures concrètes telles que la territorialisation des aides à l’investissement et la simplification de l’accès aux marchés publics.

CFC, un hub africain de talents et de solutions

Pour Lamia Merzouki, Directrice générale adjointe de CFCA, l’ouverture des marchés africains aux talents et aux idées est essentielle: «À CFC, les entreprises peuvent recruter librement au sein du continent. Cette mobilité des compétences est un facteur clé de compétitivité». Le rapport met d’ailleurs en avant le rôle central que peuvent jouer des hubs comme Casablanca dans la structuration des chaînes de valeur régionales, en favorisant à la fois l’investissement, la circulation des savoirs et l’intégration économique. Dans cette perspective, CFC Authority prévoit la création de l’Africa Finance & Sustainability Institute, un institut de formation exécutive pour accompagner les professionnels africains dans les métiers de la finance durable et de la transformation économique.

«Nous voulons former les leaders de demain, avec des certifications internationales de haut niveau», conclut Merzouki. À l’échelle du continent, le rapport recommande cinq axes structurants : améliorer la collecte des données, garantir l’accès universel à l’éducation, reconnaître les compétences acquises de manière informelle, développer massivement la formation technique et renforcer l’intégration régionale des marchés du travail.


 

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