Activité des adouls: «Les méthodes archaïques ont fait leur temps, leur maintien n'est plus justifié»

Activité des adouls: «Les méthodes archaïques ont fait leur temps, leur maintien n'est plus justifié»

La profession est aujourd’hui en quête de modernisation de son activité.

La priorité absolue sera accordée en 2021 au chantier de la refonte de la loi en vigueur.

Entretien avec Abdellatif Jaid, membre du Conseil des adouls de Casablanca.

 

Propos recueillis par B. Chaou

 

Finances News Hebdo : Comment l’Ordre national des adouls exercet-il son activité ?

Abdellatif Jaid : Concernant le mode de gouvernance de la profession par l'Ordre national des adouls, il importe de rappeler que l'organisation et le fonctionnement de l'Ordre est fixé par le Dahir 1.06.56 du 15 mouharram 1427 (14 février 2006) portant promulgation de la loi 16.06 relative à la profession d'adoul. Conformément à ce dispositif, l'Ordre national des adouls est le représentant officiel de la profession. Cependant, et contrairement à d'autres professions judiciaires, le législateur a démuni cet organe de réels pouvoirs d'encadrement, de discipline, de mise à niveau ainsi que des outils de développement des valeurs de la bonne éthique au sein de la profession. En effet, tous les mécanismes de la gestion effective de la profession sont attribués au ministre de la Justice ou au corps de la magistrature. De surcroît, un ensemble de dysfonctionnements sont constatés, qui affectent la profession dans sa globalité, que ce soit sur la formation des adouls ou dans leur relation avec leur représentant légal en particulier.

 

F.N.H. : Comment s’est organisée votre activité durant cette crise sanitaire ? A-t-elle marqué un repli ?

A. J. : Dès la déclaration de l'état d'urgence sanitaire le 20 mars 2020 pour la lutte contre la prorogation de la covid-19 et des mesures de confinement prises dans ce cadre, la profession n’était plus en mesure de continuer à assurer ses prestations aux citoyens. Un arrêt total de l’activité a été enregistré, imputable à la faiblesse du cadre légal régissant la profession. Dans le contexte normal, les adouls n'avaient jamais cessé de déplorer les insuffisances du cadre légal et des multiples contraintes bureaucratiques imposées à leur activité. En effet, tout document établi doit parcourir plusieurs étapes et subir une multiplicité de formalités, nécessitant des délais très longs, incompatibles avec les orientations générales visant la conservation des droits et l'entière intégration du cycle économique. A titre d'illustration, la transcription manuelle des actes à partir des archives des tribunaux et l'apposition du sceau (l’estampille) du juge notarié. Ces formalités n'ont plus raison d'être. De même, l'échange électronique des données avec les composantes institutionnelles de l'écosystème des adouls, principalement la conservation foncière, accusent d’énormes retards. Ces méthodes archaïques et tant d'autres ont fait leur temps. Leur maintien n'est plus justifié. Cet état des choses restreint le développement de l'acte adulaire et met les adouls dans l'embarras face aux exigences légitimes de leurs clients. Il est urgent de réagir aux appels de la profession en quête de modernisation de son cadre juridique, selon les normes de la qualité et de modernité, et ce en symbiose avec les hautes orientations royales et en conformité avec les normes notariales scientifiques et internationales.

 

F.N.H. : Les adouls contestent leur privation du droit de conserver le montant de l'impôt sur le revenu généré par la plus-value des cessions immobilières. Pourquoi cela ?

A. J. : Effectivement, la procédure de dépôt des fonds, selon une démarche transparente et sécurisée, constitue un des mécanismes de sécurité de contracter et une garantie pour le recouvrement des créances publiques. Cependant, cette procédure ne peut être exercée par la profession, en l’absence d'un texte autorisant l'adoul à le faire. La profession se trouve, alors, privée d'une bonne partie de sa clientèle. Cette situation illustre la discrimination flagrante entre les professions dans notre pays et un cas d'inégalité des chances prévue par la loi de la concurrence. Le texte oriente d'office le client vers une autre profession exerçant dans le domaine. La profession a essayé, en vain, depuis les années 90, à travers ses représentants, l’activation de la caisse des dépôts. Ainsi, les adouls continuent à être privés d'un des droits notariés dans la cession immobilière, dont l’habitat social.

 

F.N.H. : Y a-t-il eu des propositions de solutions à ce problème ?

A. J. : La situation a été partiellement corrigée, à l'occasion de l’adoption par le législateur d’un amendement de l'article 63 de la Loi de Finances 2020, permettant la conservation auprès du notaire ou du trésor public, du montant de l'impôt sur le revenu afférant au profit immobilier résultant de la cession d'un immeuble occupé à titre d'habitation principale. Pour rappel, cet amendement n'a été adopté qu’à la dernière minute, suite à une manifestation organisée par les adouls devant la Chambre des représentants. A l'occasion, les adouls avaient attiré l'attention du législateur sur le fait que l'activité dans le domaine notarié est exercée par deux corps et, par conséquent, l'équité entre les clients de l'une et de l'autre doit être garantie. Il est aberrant qu'un citoyen marocain, acquéreur d'un logement social, soit exonéré de la TVA s'il accomplit les formalités d'achat auprès d'un notaire. Et pour ce même bien, il sera soumis à cette taxe s'il recourt au service d'un adoul. Cette discrimination n'a aucun sens, sauf obliger les citoyens à s'adresser à une profession bien déterminée, favorisant ainsi une situation de rente. Aujourd'hui, il est temps de couper court avec ces pratiques déloyales et rendre justice et équité à une profession profondément ancrée dans l'histoire et la société marocaine.

 

F.N.H. : Quels sont les chantiers et les nouveautés sur lesquels l’Ordre compte travailler en 2021 ?

A. J. : Les attentes de la profession sont énormes et multiples, mais il y a des priorités. De la lecture du programme électoral présenté lors des élections de l'Ordre national en décembre 2020 et des recommandations issues des différentes instances de la profession, en plus des opinions exprimées dans le milieu professionnel, il ressort que la priorité absolue sera accordée en 2021 au chantier de la refonte de la loi en vigueur. Le bureau actuel travaillera pour l'adoption d'une loi moderne qui puisse garantir l'équité entre tous les citoyens et traduire l'égalité devant la loi, et la liberté de contracter. Ces objectifs ne peuvent être atteints que par la transformation des moyens et méthodes de l'exercice du métier. Ces derniers devront être compatibles avec les exigences du client et aux normes garantissant la sécurité contractuelle, et ce dans le respect de l'ordre public et selon les règles de transparence, de précision et de célérité dans le traitement des actes, en privilégiant les solutions numériques.

 

F.N.H. : Quels sont les actes possibles à consigner chez les adouls ?

A. J. : Les adouls assurent leur mission depuis l’avènement de l’islam au Maroc, il y a des siècles. Aujourd'hui, ils se répartissent sur l'ensemble du territoire national, aussi bien dans les grandes villes que dans les petits villages les plus reculés. Leur domaine d'intervention est aussi vaste que l'espace qu'ils occupent. Nous pouvons citer, outre l'acte d'allégeance, les actes afférents à des affaires immobilières comme la vente d'appartements et les lots de terrains, même avec financement bancaire, les actes de vente des titres de participation et actions dans des sociétés, les fonds de commerce, en plus des actes d'état civil, de succession et de rédaction des moyens de preuve.

 

 

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