Rouage essentiel dans la généralisation de l’AMO, la CNSS est toujours fortement mobilisée pour s’assurer du bon déroulement de ce chantier sur le plan opérationnel.
Refonte des systèmes d’information, digitalisation, densification du réseau…, sont autant de dispositifs déployés visant à garantir la réussite de cette révolution sociale.
Tour d’horizon avec Hassan Boubrik, Directeur général de la CNSS.
Propos recueillis par D. William & A. Diouf
Finances News Hebdo : La généralisation de l’AMO est effective depuis trois mois. Aujourd’hui, avec le recul que vous avez, comment se passe l’intégration des plus démunis bénéficiant jusqu’au 30 novembre 2022 du Régime d'assistance médicale (Ramed) et des travailleurs non salariés ? Quel premier bilan pouvez-vous faire et quelles sont les contraintes majeures auxquelles vous faites face actuellement ?
Hassan Boubrik : Comme vous le savez, ce basculement a été opéré le 1er décembre 2002. Et c’était important de l’opérer à cette date pour rester dans le calendrier global qui a été fixé par la loi-cadre sur la protection sociale. Ce basculement a concerné à peu près 4.000.000 d'assurés principaux. En réalité, nous avons reçu une base de données de l’Agence nationale de l’assurance maladie (ANAM), qui contient un peu plus de 4.100.000 personnes. Après vérification, nous avons vu que sur ces 4.100.000 personnes, environ 250.000 disposaient déjà d’une couverture maladie (AMO TNS, AMO TS, AMO CNOPS, Mutuelle des FAR). A la fin, nous avons immatriculé un peu plus de 3.700.000 personnes et, avec leurs ayants droit, nous avons un total de bénéficiaires qui avoisine les 10.000.000 de personnes. Le basculement s’est fait dans de bonnes conditions. Je rappelle d’abord que ces personnes n’avaient besoin de faire aucune démarche pour pouvoir basculer du Ramed vers l’AMO Tadamon. Le basculement s’est donc fait de manière automatique à partir des fichiers des bases de données que nous avons reçues de l’ANAM. Et, depuis cette date, cela se passe plutôt bien sur le plan opérationnel. Le service est effectué de manière normale, et malgré une très importante augmentation de l’activité, nous n’avons pas constaté de détériorations particulières, ni dans les délais ni dans la qualité de service. C’était pour nous extrêmement important.
Pour donner quelques chiffres : depuis le lancement de l’AMO Tadamon jusqu’à la semaine dernière (semaine du 27 février au 5 mars), nous avons reçu 430.000 dossiers de remboursement de frais de soins, qui proviennent de cette population anciennement Ramediste pour un montant de 380 millions de dirhams (MDH). Nous avons également reçu 38.000 prises en charge pour un montant de 580 MDH. Cela, sans compter avec les dossiers qui viennent des hôpitaux publics. Parce qu’avec ces établissements hospitaliers, nous avons un processus qui est beaucoup plus fluide, puisqu’il y a un tiers payant. C’est-à-dire que le titulaire ou le bénéficiaire de l’AMO Tadamon n’avance aucun frais, car quand il arrive à l’hôpital, il est pris en charge et c’est l’hôpital qui nous facture directement. Pourquoi ? Parce que nous avons mis en place un process qui consiste en une interopérabilité entre le système d’information de la CNSS et celui des hôpitaux publics. En prenant juste en compte les chiffres que j’ai mentionnés plus haut, qui n’intègrent pas les consultations et les actes dispensés dans les hôpitaux publics, à date d’aujourd’hui, nous avons reçu environ 140.000 dossiers des hôpitaux publics. Et à travers notre système automatique de facturation avec les hôpitaux publics, nous pouvons estimer le nombre de dossiers dans ces établissements hospitaliers à presque 1.000.000 au moins. Aujourd’hui, je peux dire que l’AMO Tadamon est une réalité sur le terrain. Les gens bénéficient de ce service qui, pour nous, doit rester un service de qualité, en respectant les délais de remboursement et les délais de réponse rapides sur les prises en charge.
F.N.H. : Justement, pour que ces délais soient respectés et que l’ensemble du système soit fluide, il y a un volet très important qui est celui de la digitalisation. Comment se passe ce chantier qui accompagne l'AMO ?
H. B. : Pour ce qui est de la digitalisation, comme je l’ai déjà dit, nous avons travaillé avec les hôpitaux publics pour qu’il y ait une interopérabilité entre nos systèmes d’information. Ainsi, lorsqu’une personne qui bénéficie de l’AMO Tadamon se présente à l’hôpital public, celui-ci accède à une plateforme qui lui permet de savoir tout de suite si elle est dans l’AMO Tadamon et est-ce que son droit est ouvert. Si c’est le cas, la personne est prise en charge et tous les actes qui lui sont dispensés sont reliés à son numéro d’immatriculation. Cela permet à l’hôpital public de facturer par la suite cette prestation à la CNSS. Cette facturation se fait à travers un échange de données entre informaticiens de l’hôpital public et de la CNSS. Ce gros travail de dématérialisation avec les hôpitaux publics, qui a été fait avec le soutien de l’Agence de développement du digital (ADD), porte aujourd’hui ses fruits. Il s’agit d’un processus qui était important. Pourquoi ? Parce que dans les hôpitaux publics, on peut estimer à quelque 15 à 20.000 par jour le nombre de dossiers de la population de l’AMO Tadamon. C’était donc important pour ne pas avoir un flux matérialisé supplémentaire à gérer au niveau de la CNSS que cette digitalisation soit mise en place. Sur la partie privée, nous travaillons sur un nouveau système d’information de la CNSS, qui a été d’ailleurs mis en production au mois d’octobre. Ce système d’information permet une dématérialisation totale du process AMO, qu’on appelle la feuille de soin électronique. Le déploiement de cette feuille de soin électronique nécessitera probablement du temps. Au début, on estimait le délai nécessaire entre 18 et 24 mois.
Aujourd’hui, nous avons un peu plus avancé sur le projet et nous pensons que ce délai se situe plutôt entre 24 et 36 mois, pour un déploiement qui soit très significatif auprès de l’ensemble des prestataires de soins. Concrètement, comment cela va se passer ? Demain, si vous vous présentez chez un médecin, une clinique ou n’importe quel prestataire de soins, le prestataire va accéder à la plateforme de la CNSS où il va saisir l’acte, l’ordonnance ou l’examen biologique… directement sur le portail. Lorsque le client sort, par exemple, de chez le médecin, il dispose de son ordonnance dans son smartphone ou sur son espace privé MaCNSS. Et dès qu’il va chez le pharmacien, ce dernier saisit le numéro d’immatriculation et l’ordonnance apparaît, ce qui lui permet de l’exécuter. On aura ainsi un process qui est totalement dématérialisé avec au moins trois avantages très importants. Le premier, c’est une réduction de coût, parce que traiter des feuilles de soin papier coûte beaucoup d’argent, notamment sur le plan logistique.
Par ailleurs, il y a un gain dans la liquidation, parce que les liquidateurs ont besoin de saisir à nouveau les mêmes informations sur les systèmes d’information, ce qui demande beaucoup d’effort et de ressources, en plus des risques d’erreur. Le deuxième avantage est que ce nouveau système offre une qualité de service beaucoup plus élevée pour les assurés, notamment avec des délais de traitement très réduits. Aujourd’hui, nous avons des délais de remboursement qui sont très bons, en moyenne de 10 jours. Bien entendu, avec la dématérialisation, ces délais pourront être réduits de manière significative. Le troisième avantage de la digitalisation est la collecte de la donnée et comment la structurer pour lutter contre la fraude, et apporter de la valeur au système globalement. Mais aussi faire la chasse aux dépenses inutiles, augmenter les analyses sur le plan épidémiologique, sur la prévention, etc. Le fait d’avoir un système complètement dématérialisé nous permet de mieux structurer notre donnée. Pour nous, c’est l’un des sujets les plus importants pour l’avenir non seulement de la CNSS, mais aussi du régime AMO de manière générale.
F.N.H. : Concernant le réseau de proximité, disposez-vous de suffisamment d’agences et de ressources humaines pour répondre à cette montée en charge conséquente de votre activité ?
H. B. : Sur les points de proximité, comme vous le savez, la CNSS était habituée à servir les salariés du secteur privé. Lesquels étaient majoritairement localisés ou vivaient dans des milieux urbains ou périurbains. Et même pour les salariés du secteur agricole, ils relevaient généralement d’un employeur. C’était beaucoup plus simple pour nous, puisqu’il n’y avait pas besoin d’avoir un réseau étendu, car la collecte des feuilles de soin se faisait de manière satisfaisante. Avec l’intégration des TNS et des ex-bénéficiaires du régime du Ramed, notre clientèle provient désormais de toutes les régions du Maroc, y compris les régions rurales les plus reculées. De ce fait, on ne pouvait obliger quelqu’un à faire 200 à 300 km pour déposer un dossier de remboursement ou pour avoir un contact avec les services de la CNSS. C’est pour cette raison que nous avons d’abord commencé par étendre notre réseau, en passant de 120 agences à 170, dont 50 ont été ouvertes l’année dernière. Nous avons ensuite remarqué que c’était très insuffisant, d’où l’idée de nous appuyer sur un réseau qui existe déjà et qui a une capillarité extrêmement élevée. Nous avons donc retenu les établissements de paiement (EDP), notamment Cash Plus, Wafacash, Barid Cash, Damane Cash, etc.
Nous avons conclu un partenariat avec ces EDP pour que nos clients puissent faire un certain nombre d’opérations auprès de ces bureaux, à la fois en termes d’immatriculation, de paiement des cotisations et dépôt de feuilles de soins maladies. Aujourd’hui, nous recensons un peu plus de 2.000 points relevant de ces EDP où nos assurés peuvent, de manière sécurisée déposer, leurs feuilles de soins. Ainsi, lorsque la personne se présente chez un EDP agréé (qui arbore le logo de la CNSS), elle dépose la feuille de soins, et l’agent va simplement saisir une ou deux informations (le bénéficiaire et la dépense totale) et scanner le code à barre. Dès lors, nous savons en temps réel qu’un dossier avec un montant total de dépenses de X a été déposé dans cet EDP. Là aussi, il a fallu faire un travail énorme avec les points de proximité pour mettre à leur disposition une plateforme d’échange informatique, qui leur permet d’identifier les clients de la CNSS et qui nous permet à nous aussi le dépôt du dossier. Ainsi, ce dossier est tracé en temps réel jusqu’à son acheminement, soit dans un centre de traitement que nous avons mis en place à Casablanca, soit au niveau de nos services centraux. A partir de là, le remboursement se fait et le dossier est liquidé. Mettre en place ce dispositif était crucial pour que l’on puisse être proche de nos clients et pouvoir leur rendre ce service de remboursement rapide des frais de maladie. L’expérience a commencé en janvier 2022 et cela a bien pris.
Aujourd’hui, nous avons à peu près les 2/3 des dossiers de remboursement qui arrivent à travers les réseaux de proximité. Seul 1/3 est envoyé par nos agences. Cela veut dire que ce service est apprécié par nos clients et qu’il est sécurisé et fiable. D’ailleurs, nous avons vu une augmentation importante du nombre de dossiers. Nous étions à 15.000 à 20.000 dossiers traités par jour; aujourd’hui, nous sommes à 50.000 dossiers traités par jour, ceci sans compter ceux qui viennent des hôpitaux publics et qui sont complètement dématérialisés. Je pense qu’à terme, nous allons probablement augmenter encore de 10.000 à 15.000 dossiers traités par jour. C’était important de mettre en place cette logistique qui nous permet de collecter et de traiter ces dossiers; et je le répète, les délais sont extrêmement raisonnables. Parce que les 10 jours dont je parle tiennent compte aussi du délai de collecte des dossiers à partir des points de proximité, dont certains peuvent se trouver à 1.000, voire 1.500 km de Casablanca.
F.N.H. : Vous couvrez une population très hétérogène. Une partie de cette clientèle n’a-t-elle pas une aversion à l’usage des outils digitaux ?
H. B. : Aujourd’hui, l’usage du digital est extrêmement répandu au sein de la population marocaine. Mais je peux comprendre qu’une frange de la population n’ait pas les prérequis pour utiliser nos outils digitaux. Pour ce qui est de l’AMO, dans le processus de dématérialisation, ce n’est pas le client qui fait le travail, mais plutôt le médecin. C’est lui qui va prescrire et le client n’a rien à faire. Avant, le médecin prescrivait une ordonnance sur un document papier. Aujourd’hui, le médecin va prescrire son ordonnance sur la plateforme et le client va simplement recevoir sur son espace privé une copie de cette prescription. Même quand il se présente à la pharmacie ou au laboratoire d’analyses médicales, il n’a rien à faire sinon de donner son numéro d’immatriculation. Et en saisissant le numéro d’immatriculation, la pharmacie ou le laboratoire va tout de suite trouver l’ordonnance qui est sur notre plateforme. En fait, c’est très simple. Pour autant, le médecin peut toujours imprimer l’ordonnance et la mettre à la disposition du client. Il faut savoir aussi que, quelque part, nous ne pouvons pas totalement bannir le papier. Pour une simple et bonne raison qu’un problème peut survenir à un endroit ou à un autre du réseau (problème de connexion, non disponibilité d’Internet, etc.). Mais si nous arrivons à un taux de 85 ou 90% de dématérialisation, nous aurons fait un pas de géant et un progrès très important.
F.N.H. : Restons sur la digitalisation où la CNSS a également créé plusieurs outils digitaux. Qu’en est-il de l’utilisation de ces outils ?
H. B. : Sur les outils digitaux de la CNSS par contre, il est évident que le client devra prendre des initiatives. C‘est pourquoi nous l’avons largement consulté lors de nos chantiers de refonte de nos outils digitaux, actuellement en cours. L’objectif étant que l’usage de ces outils soit très simple. C’est dans ce but que nous sommes en train de procéder à une refonte totale de nos portails Damancom et Assurés et de l’application smartphone MaCNSS. La nouvelle version de Damancom sera opérationnelle fin avril ou début mai au plus tard. Pour les deux autres, ce sera plutôt vers fin mai ou fin juin. Nous travaillons sur ces outils depuis une année et nous veillons à leur conception et design afin qu’il y ait cette facilité d’utilisation qui permettra aux clients de les adopter. Par ailleurs, nous allons mettre en place un centre de gestion de la relation client externalisé, qui sera probablement opérationnel début ou mi-mai, avec 300 ressources humaines.
Ce centre aura pour mission de gérer essentiellement trois choses : les réclamations, les demandes d’information et l’assistance. Par exemple, si une personne a quelques difficultés dans l’utilisation du digital, elle n’a qu’à l’appeler pour bénéficier d’une assistance de A et Z. C’est dire que nous tenons compte de ces difficultés qu’ont certaines catégories de la population à utiliser nos outils digitaux, et nous allons apporter toute l’assistance nécessaire pour que cela se passe bien. A terme, probablement, certains services seront totalement digitalisés. C’est-à-dire qu’à un moment donné, nous allons prendre, par exemple, des décisions pour dire que tel service n’est plus disponible à l’agence. Et pour l’avoir, il faut s’adresser au centre de gestion de la relation client et laisser ce service disponible uniquement dans quelques agences, notamment lorsqu’il s’agit de services extrêmement simples. C’est déjà le cas au niveau des attestations qui sont téléchargées directement de l’application MaCNSS au niveau du portail. Quand une personne n’a pas nécessairement les prérequis pour faire cela, elle peut se faire aider à travers les réseaux de proximité, par de la famille ou des connaissances, comme elle pourra aussi recourir à ce centre de la relation client.
F.N.H. : Maintenant, une question sur l’actualité du moment, notamment la retenue à la source dans le cadre du tiers payant. Pouvez-vous nous expliquer cette mesure ?
H. B. : En pratique, ce n’est pas à un organisme gestionnaire de faire cette retenue. Parce que nous ne rémunérons pas, nous ne faisons que rembourser le client final. En effet, lorsqu’on paie la prise en charge à la clinique, ce n’est qu’une modalité de remboursement. Ceci étant, lorsqu’on a compris que nous devions faire cette retenue à la source, il a fallu se rapprocher de la Direction générale des impôts (DGI) pour savoir concrètement qu’est-ce qu’il faut mettre dans les «honoraires et rémunérations assimilés» et où s’arrête la responsabilité de la CNSS en tant qu’organisme qui va faire cette retenue et la reverser à l’Etat. Finalement, nous avons trouvé un terrain d’entente avec la DGI. Aujourd’hui, la retenue à la source va se faire sur une base déclarative : c’est-àdire que sur les factures qu’une clinique ou un prestataire de soins va nous adresser, il va mettre une ligne où il mentionne que le montant des «honoraires et rémunérations assimilées» est de X DH. Dès que nous recevons cette déclaration, nous procédons à une retenue de 5 ou 10%, selon le statut du prestataire (personne physique ou personne morale). Ainsi, la CNSS n’aura pas de responsabilité dans cette déclaration. A terme, on pourrait aller vers des choses plus compliquées où c’est la CNSS qui définira ces rémunérations. C’est très difficile à faire en réalité, notamment en matière d’analyse des actes, parce qu’aujourd’hui nous avons plus de 3.000 actes qui sont répertoriés, et ce nombre ne fait qu’augmenter. Analyser ces actes sur chaque prestataire et dire quelle est la part de ses honoraires, c’est assez compliqué pour nous et aussi pour notre système d’information. Pour le moment, nous avons trouvé un terrain d’entente et il fallait le faire rapidement, puisque nous avions arrêté de rembourser les cliniques. Ainsi, depuis la semaine du 6 mars courant, nous avons commencé les remboursements.
F.N.H. : Maintenant que la généralisation de l’AMO est effective, qu’en est-il du futur de la CNSS ? Va-telle basculer vers un établissement d’assurance maladie qui va gérer le risque ?
H. B. : Il est très important que la CNSS assume ce rôle d’assureur. Nous ne sommes pas une administration qui liquide des dossiers simplement sur le critère de la conformité. Encore moins une administration qui reçoit une feuille de maladie, la saisit et la liquide selon un barème. Nous sommes un réassureur, et je pense que l’un des challenges auquel le régime doit faire face, c’est justement cette augmentation des dépenses de maladie. Grosso modo, au Maroc, les dépenses de santé se situent entre 5,5 et 6% du PIB. Cela reste faible par rapport à des pays comparables, et je pense qu’avec la généralisation de l’AMO, nécessairement les dépenses de santé vont augmenter. Et c’est souhaitable, parce que si des gens veulent se faire soigner, c’est notre devoir de leur garantir un accès à la santé. En plus, le coût de la non-santé, on le paye autrement, notamment parce qu’on aura des gens improductifs (arrêts maladie, pathologies qui basculent vers des maladies beaucoup plus compliquées, etc.) Tout l’enjeu est que cette augmentation ne soit pas exagérée.
En tant que gestionnaire du régime AMO, nous avons une responsabilité de pilotage de ces dépenses de santé. Quand je dis piloter, cela veut dire faire la chasse aux dépenses inutiles, lutter contre la fraude, etc. Lorsque je parle de dépenses inutiles, c’est qu’il est anormal que pour la même pathologie, un médecin prescrive 3.000 DH de biologie et un autre 1.000 DH. Ou encore que le séjour à la clinique ou à l’hôpital soit multiplié par 2 ou par 3. Il peut y avoir un certain nombre d’abus, et nous devons analyser tout ce que font les prestataires de soins et donner l’information utile aux autorités gouvernementales, notamment au ministère de la Santé, pour que nous essayions tous d’optimiser et de rationnaliser ces dépenses de santé. L’idée est que l’argent de l’AMO parte là où il est vraiment utile : il faut que les ressources de l’AMO soient utilisées de façon optimale. Je parlais plus haut de la data et du nouveau système d’information. La donnée est pour nous quelque chose de crucial. Nous avons d’ailleurs un gros projet de transformation digitale, et l’un des chantiers identifiés cette année est d’avoir une vision 360° à la fois sur les prestataires de soins et sur nos clients. C’est ce qui nous permettra d’avoir des tableaux de bord pour alerter les ministères de la Santé, des Finances et les autorités gouvernementales sur certains abus et trouver rapidement des solutions pour les régler. Aujourd’hui, l’un des sujets sur lesquels le ministère de la Santé travaille, ce sont les fameux parcours de soins coordonnés. Il y a aussi les protocoles thérapeutiques qui deviennent opposables par l’assureur maladie. Je pense que c’est très important pour contenir ces dépenses afin qu’elles aillent là où elles sont utiles.
F.N.H. : Sur les parcours de soins coordonnés, il y a vraiment une campagne de sensibilisation qui doit être menée auprès du public...
H. B. : La mise en place des parcours de soins coordonnés nécessite beaucoup de préalables, y compris des préalables légaux et juridiques. Sans oublier la concertation avec les prestataires de soins et la communication avec les assurés. Je suis certain que le ministère de la Santé va mener tout cela en bonne intelligence et que nous allons arriver à un projet bien ficelé. En tout cas, à la CNSS nous sommes à la disposition du ministère et nous nous adapterons, parce que nous souhaitons nous inscrire dans ce grand chantier de parcours de soins coordonnés et de protocoles thérapeutiques opposables.
F.N.H. : Dans votre grand chantier de digitalisation, envisagez-vous des recrutements ?
H. B. : Nous avons approuvé, lors de notre Conseil d’administration, le principe de création d’une digital factory dans laquelle nous allons pouvoir recruter des ressources adéquates. Ce sont des ressources très particulières et le statut et l’environnement de la CNSS ne permettent pas de recruter ces profils. Nous sommes en train de préparer ce chantier, et cette digital factory va ellemême s’appuyer sur un écosystème plus large, car même si vous recrutez 60 à 90 personnes, elles ne pourront pas avoir une expertise sur l’ensemble des projets que nous avons abordés. Cette digital factory aura un écosystème de prestataires, qui lui permettra d’aller rapidement sur nos projets, sachant que nous avons identifié sur les 5 prochaines années une cinquantaine de projets de transformation digitale. Bien sûr, nous avons priorisé certains projets par rapport à d’autres. Et je pense qu’avec une bonne gouvernance, nous y arriverons.
F.N.H. : Ce sera une filiale ?
H. B. : Ce sera une filiale de la CNSS ou en partenariat avec une institution spécialisée. Notre statut ne nous permet pas aujourd’hui d’avoir cette filiale. C’est pourquoi nous sommes en train de travailler sur une modification éventuelle de la loi sur la CNSS pour nous permettre, entre autres, de filialiser certaines activités.
F.N.H. : C’est prévu pour quand, cette année ?
H. B. : Non. Nous avons déjà identifié six projets prioritaires que nous devons entamer cette année. L’idée est d’avancer par d’autres moyens, en attendant la filialisation.