Le Conseil de la concurrence a franchi un cap en 2024, confirmant son rôle central dans la régulation des marchés et le contrôle des pratiques anticoncurrentielles au Maroc. Son rapport d’acti vité annuel fait état d’une intensification visible de ses actions, aussi bien en matière de déci sions que d’investigations sur le terrain.
Au total, 171 décisions et trois avis ont été rendus par l’institution, couvrant ses trois champs de compétence : contrôle des concentrations économiques, lutte contre les pratiques anticoncurrentielles et missions consultatives. Le contrôle préventif des concentrations demeure dominant, représentant plus de 93 % des décisions. Cette dynamique reflète la vitalité de l’économie marocaine, marquée par la diversité des secteurs concernés et par l’importance croissante des investisseurs étrangers dans les grandes opérations de prise de contrôle.
En matière contentieuse, le Conseil a tranché sur neuf dossiers. Parmi eux, deux affaires se distinguent : un cas de pratiques anticoncurrentielles présumées sur le marché du paiement électronique. Ensuite, un cas de non-respect d’une autorisation de concentration par une multinationale opérant dans la gestion déléguée des services publics, qui a conduit le Conseil à activer pour la première fois l’article 36 de la loi 104-12.
Par ailleurs, sept procédures d’office ont été engagées contre des opérations de concentration réalisées sans autorisation préalable.
L’année 2024 a aussi marqué une étape majeure : pour la première fois, le Conseil a mené une opération de visite et de saisie inopinée, dans le cadre d’une enquête sur des pratiques anticoncurrentielles présumées dans le marché de la livraison à domicile via application. Réalisée le 22 octobre à Casablanca avec le concours du ministère public et de la Brigade nationale de la police judiciaire, cette intervention illustre la volonté de l’institution de recourir pleinement à ses prérogatives d’enquête.
Le Conseil a également enrichi sa mission consultative avec trois avis notables :
Secteur de l’électricité : le régulateur préconise une refonte en profondeur du modèle actuel, dominé par l’ONEE, afin de rendre le marché plus compétitif, ouvert et tourné vers les énergies renouvelables.
Filière fruits et légumes : son diagnostic met en lumière les failles des circuits de commercialisation, l’importance de l’informel et la nécessité d’une réforme globale pour améliorer traçabilité, transparence et gouvernance.
Aliments composés pour animaux : le Conseil alerte sur la concentration du marché, la dépendance aux importations et le déficit d’innovation, et recommande de soutenir la production locale et de structurer la filière avicole pour l’export.
Ainsi, en six ans de montée en puissance depuis sa réactivation en 2018, le Conseil de la concurrence a clairement consolidé sa place dans le paysage institutionnel. 2024 en apporte la démonstration : une production décisionnelle record, des pouvoirs contentieux renforcés et une capacité d’investigation désormais effective. Autant de signaux qui confirment que le régulateur est devenu un acteur incontournable pour garantir des marchés plus transparents et compétitifs, dans un Maroc en pleine diversification économique.
Un climat de compétition géoéconomique exacerbée est visible au niveau mondial. L’Union européenne, à travers le cadre temporaire de crise et de transition, a renforcé son soutien aux secteurs clefs tels que les semi-conducteurs, les technologies vertes et la production de batteries pour véhicules électriques, dans le but de réduire sa dépendance technologique vis-à-vis de puissances tierces.
Simultanément, plusieurs juridictions, notamment les États-Unis et la Chine, ont accentué leurs subventions publiques, suscitant des préoccupations quant à l’équité des règles du jeu concurrentiel à l’échelle internationale. En réponse, de nombreuses autorités de la concurrence ont engagé des enquêtes approfondies, cherchant à évaluer l’impact réel de ces politiques industrielles sur la distorsion des marchés.
Dans ce contexte, le montant mondial des sanctions infligées pour pratiques anticoncurrentielles a atteint un niveau record de 6,7 milliards de dollars, traduisant une intensification de l’action répressive, en particulier en Europe. La Commission européenne a ainsi prononcé plus de 3,8 milliards de dollars d’amendes, notamment à l’encontre de grandes plateformes numériques, confirmant la centralité croissante des abus de position dominante dans les préoccupations des régulateurs.