Croissance : La BAD établit la cartographie des vulnérabilités

Croissance : La BAD établit la cartographie des vulnérabilités

 altLe Maroc a enregistré un fort taux de croissance ces dernières années, aidé en cela par des investissements massifs dans les infrastructures et le soutien à la demande intérieure. Toutefois, la Banque africaine de développement a révélé récemment les secteurs et les facteurs qui asphyxient l’activité économique.

 La récente visite du président de la Banque africaine de développement (BAD), Donald Kaberuka, au Maroc, a été ponctuée par une kyrielle d’activités aussi importantes les unes que les autres. En effet, ce déplacement a permis au patron de la BAD d’assister au Conseil d’administration du Fonds Africa50 dont le siège se trouve à Casa Finance City (CFC), et de présider, conjointement avec le Chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, et l’ambassadeur des USA au Maroc, la cérémonie portant sur les conclusions du rapport de la BAD sur les contraintes qui entravent la croissance du Royaume. Cela dit, lors de son allocution pour la présentation du rapport, Donald Kaberuka a d’emblée rappelé les relations excellentes liant l’institution qu’il préside au pays. En effet, la BAD est le premier bailleur de fonds international du Maroc qui est par ailleurs son premier client (avec 30 Mds de DH d’engagements). «Nos relations sont basées sur une confiance mutuelle», assure le président de la BAD, tout en saluant les réformes courageuses conduites par le gouvernement de Benkirane, notamment celles inhérentes à la décompensation, à la réduction de la pauvreté et au rétablissement de l’équilibre des indicateurs macroéconomiques. 

Par ailleurs, en dépit de ces avancées significatives, des défis continuent de se poser au Maroc, comme l’a fait remarquer le Chef du gouvernement qui se réjouit du rapport de la BAD. Lequel a identifié les goulets d’étranglement qui brident la croissance nationale. A noter que l’étude de la BAD a été initiée par le programme Millenium challenge corporation (MCC) auquel le Maroc est encore une fois éligible pour la deuxième fois.

Les principaux maillons faibles

«Il est impératif de générer une croissance inclusive à long terme de façon irréversible et transformatrice pour l’économie», suggère le président de la BAD. Cependant, pour y parvenir, le Maroc devra incontestablement lever les contraintes qui pèsent sur l’entrepreneuriat et l’investissement privé. A en croire Vincent Castel, économiste- en chef de la BAD, l’investissement du pays (public et privé), relativement élevé (30%), n’est pas assez transformateur pour les différents secteurs. 

Autre bémol émis sur le modèle économique national : les services, qui représentent une grande partie du PIB, restent dominés par des secteurs à faible valeur ajoutée. A cela s’ajoute qu’il subsiste une prédominance de l’agriculture dans l’activité économique, sachant que l’industrie censée générer plus de valeur ajoutée ne représente pour l’heure que 15% du PIB. Dans la même foulée, Vincent Castel estime que le commerce extérieur joue un rôle minime par rapport à la demande intérieure en termes de contribution à la croissance. Il ressort aussi du rapport de l’institution financière africaine que la faible compétitivité du pays à l’export est à relier à la faible amélioration de la sophistication des produits nationaux sur une longue période. Cette faiblesse découle aussi du faible dynamisme du secteur privé. Selon l’étude de la BAD, une infime partie des start-up a la chance de devenir une PME sur un horizon temporel de 5 ans. 

L’innovation, facteur de compétitivité de taille, est étouffée par le manque de coopération public-privé. Toujours dans l’optique de dénicher les contraintes qui asphyxient la machine économique, les experts du premier bailleur de fonds du continent se sont penchés sur le capital humain du pays. En effet, ils pointent du doigt la grande proportion de la population active sans formation (1/3). De plus, les ingénieurs ne représentent que 6% des étudiants du supérieur. Autre chiffre qui retient l'attention : près de 18,6% des diplômés supérieurs décident d’émigrer, ce qui prive le Maroc d’une partie importante de sa matière grise. L’adéquation entre l’offre de formation et la demande du marché du travail demeure aussi un grand défi que le Maroc doit relever les années à venir. Aux yeux de la BAD, la Justice, la fiscalité et le foncier présentent pour leur part d’importants éléments de vulnérabilité pour la croissance. En cela, la Justice, qui se caractérise par sa lenteur, détériore le climat des affaires, notamment en matière de délai de règlement des litiges commerciaux. Concernant le volet de la fiscalité, la pression fiscale est jugée forte avec des exonérations pas toujours opportunes selon le rapport. 

Le foncier pèche au niveau du coût prohibitif des terrains industriels et en raison des contraintes juridiques pour l’acquisition ou l’occupation des terrains agricoles. 

En définitive, le diagnostic réalisé par l’institution financière et auquel les autorités marocaines souscrivent, constitue indéniablement un outil pour dessiner les contours d’un nouveau modèle économique, basé sur une croissance transformatrice, plus inclusive et moins volatile. 

 

Momar Diao

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