Entrepreneuriat social : Dans l’attente d’un cadre législatif et incitatif

Entrepreneuriat social : Dans l’attente d’un cadre législatif et incitatif

 altSous d’autres cieux, l’entrepreneuriat social a démontré sa grande propension à apporter des solutions innovantes et efficaces pour résorber des problèmes sociaux. Au Maroc, cette branche est à l’état embryonnaire, même si certaines voix se lèvent pour démontrer ses multiples vertus.

 L’un des plus grands défis du Maroc et de la région MENA est sans doute l’amélioration des indicateurs sociaux (réduction du taux de chômage des jeunes, lutte contre la pauvreté et vulnérabilité économique, etc.). Pour avoir un ordre de grandeur, la région MENA devra créer plus de 40 millions de postes de travail d’ici 15 ans afin de maintenir le même niveau de taux de chômage actuel. Autre élément factuel édifiant, la tranche d’âge 18-35 ans enregistre le taux de chômage le plus élevé au Maroc. Ce qui montre clairement que l’inactivité des jeunes continue d’être une épine dans le pied des différents gouvernements qui se sont succédé. Or, l’entrepreneuriat social, de par ses méthodes innovantes, peut constituer un rempart contre ce fléau au Maroc, à condition qu’il soit suffisamment développé et promu, comme c’est le cas dans les pays développés où 11% du PIB proviennent de ce secteur. 

Le récent forum intitulé : «L’entrepreneuriat social, accélérateur de croissance et révélateur de talents : une opportunité pour le Maroc», organisé par Attijariwafa bank (AWB), a permis aux intervenants de faire un balisage conceptuel de cette forme d’entrepreneuriat encore peu connue au Maroc. «Une entreprise sociale est une structure qui doit affecter près de 50% de ses bénéfices dans des activités sociales», martèle Younes Al Jaouhari, Président de Oléa Institute. «Une entreprise sociale doit apporter des solutions nouvelles, autres que celles proposées par les associations ou les pouvoirs publics», ajoute Nadia Guerch, directrice de International Youth Foundation. Au-delà de ces précisions, il est important de souligner que dans la philosophie de l’entrepreneuriat social, le profit n’est guère une fin en soi, mais uniquement un moyen pour résoudre un problème social, tout en ayant un impact sur une large frange de la population. Ainsi, une entreprise qui fabrique par exemple des chaussures destinées à la vente, peut avoir un objectif purement social en employant des diplômés chômeurs, ou d’autres catégories sociales vulnérables. Les bénéfices générés permettront de pérenniser ces emplois et de recruter d’autres personnes défavorisées. Compte tenu de ce qui précède, le business et le social peuvent aller de pair et faire bon ménage. Dans un autre registre, les discussions du forum ont permis de dresser les contraintes qui pèsent sur l’émergence de l’entrepreneuriat au Maroc.

Les principales entraves

«Le premier obstacle à l’essor de l’entrepreneuriat au Maroc est d’ordre législatif. Aucun dispositif juridique ne définit ce domaine», déplore Nadia Guerch. Pour l’heure, même si les 100.000 associations existantes au Maroc tentent d’apporter des solutions sur le front social, force est de reconnaître qu’elles font face à des difficultés pour lever des fonds. De plus, ces structures sont aussi fragilisées par leur carence en matière de gouvernance (prédominance d’équipes dirigeantes familiales, absence de Conseil d’administration indépendant, etc.). Autre faiblesse pointée du doigt par les experts, les associations manquent cruellement de moyens et d’outils pour évaluer l’impact de leurs activités sur les cibles. Par ailleurs, d’autres intervenants ont plaidé pour que l’Etat soutienne les entrepreneurs sociaux à l’aide de mécanismes innovants. 

Une idée à laquelle a largement souscrit Abderrahim Aquesbi, DGA de l'ANPME, qui a accompagné pas moins de 5.000 entreprises en 2014. Outre ces enjeux, le forum a été l’occasion pour 4 jeunes porteurs de projets ayant bénéficié de différents programmes (Injaz Al-Maghrib, Enactus et Cise Maroc), de partager leur expérience et les bienfaits de ces programmes. A en croire Abbad Al Andaloussi, président d'Injaz Al-Maghrib, outre l’impératif de lever des fonds, les associations devraient accorder plus d’importance au mécénat de compétence. Dans ce cas de figure, l’objectif étant de susciter l’esprit d’entrepreneuriat des jeunes, indispensable pour la diffusion de la culture de l’auto-emploi. D’ailleurs, le président d'Injaz Al-Maghrib a cité AWB en exemple pour son implication dans le domaine du mécénat de compétences, car bon nombre de cadres du groupe mettent leur expertise au profit de certaines associations. En définitive, l’entrepreneuriat social a de multiples vertus, car tout en apportant des solutions aux problématiques sociales identifiées, il permet de créer de la richesse. De plus, cette branche, qui en est à ses balbutiements au Maroc, va dans la droite ligne de la croissance inclusive fortement plébiscitée par toutes les institutions financières internationales partenaires du Royaume.

Parmi les conditions de succès de l’entrepreneuriat social au Maroc, il y a lieu de citer l’appui de l’Etat (concours financier, dispositif législatif, etc.) et la sensibilisation des principaux acteurs. 

 

Momar Diao

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