Entretien : «Les changements technologiques prennent tout le monde de court»

Entretien : «Les changements technologiques prennent tout le monde de court»

alt• Les nouvelles technologies de l’information sont responsables d'une profonde mutation de notre société, par la transformation de la connaissance et des savoirs, du monde de l’économie, et par une révolution des métiers dans tous les secteurs. Mohamed Benamour, président du Conseil du développement et de la solidarité (CDS), estime que ces changements prennent de court aussi bien les politiques que les entrepreneurs, qui font face à «l'ubérisation» de l'économie, dite collaborative. 

 

Pour tout Etat, l’enjeu est d’activer l’ensemble des leviers afin de capter le réservoir de croissance et de susciter cette croissance grâce à l’innovation et la recherche. 

Finances News Hebdo : Premièrement, qu’est-ce qui a motivé le choix de cette thématique, et selon votre analyse où le Maroc se situe-t-il aujourd’hui dans cette transition vers cette société de la connaissance, compte tenu la problématique réforme de l’éducation dans notre pays ? 

Mohamed Benamour : Aujourd’hui, la thématique de la nouvelle «société de la connaissance» pose la problématique de la numérisation par les nouvelles technologies de l’information qui sont responsables d'une profonde mutation de notre société, par la transformation de la connaissance et des savoirs, du monde de l’économie, et par une révolution des métiers dans tous les secteurs. Il s'agit pour nous de contribuer à la prise de conscience de ces révolutions dont nous n'avons pas encore pris la mesure, et de débattre des changements et des ruptures qui bouleversent notre environnement, afin de préparer l’avenir, et notamment faire vivre cette aventure scientifique dans l’éducation. 

Dans l’économie de la connaissance, le repère n’est plus uniquement le capital financier ou l’actif corporel. C’est aussi l’actif incorporel, immatériel, un sujet majeur au Maroc, souligné par le Souverain. En une décennie, notre capacité de recherche et de découverte a été multipliée par plus de 15 ! Ce monde, c’est aujourd’hui celui dans lequel nous vivons, et ce n’est plus de la prospective ou un concept éthéré. L’économie de la connaissance n'est donc pas un choix ou une option à prendre ou à laisser, la question est de s’adapter avec agilité, et de se faire porter par ce nouveau monde. 

F.N.H. : Vous êtes un acteur actif de la vie publique marocaine. Justement, pensez-vous que les politiques, acteurs de la société civile, opérateurs économiques … disposent de la souplesse nécessaire pour intégrer les transformations imposées par les changements impliqués par l’émergence du numérique ? 

M. B. : Ces changements prennent de court aussi bien les politiques que les entrepreneurs qui font face à l'ubérisation de l'économie, dite collaborative, et qui touche tous les secteurs : l’automobile, l'aérien, et la finance, en passant par le tourisme et bien d'autres… C’est l’économie réelle portée par la connaissance, l’immatériel, l’intangible, l’innovation boostés par les nouvelles technologies qui sont le carburant de l’économie mondiale. C’est un monde où l’humanité a produit en moins de dix ans, plus de connaissances nouvelles qu’elle ne l’a fait pendant les 7.000 premières années de l’époque moderne ! Certains nous prédisent que dans 30 ans, l'intelligence artificielle sera 1 milliard de fois plus puissante que nos 8 milliards de cerveaux réunis. Nous devons donc tous réfléchir sur les réponses et les défis auxquels doivent répondre les Etats, les entreprises et les citoyens à travers notamment la question de l’éducation et la préparation de la prochaine génération à ce monde nouveau qui nous tend les bras. 

Du côté des Etats, l’enjeu est d’activer l’ensemble des leviers qui vont permettre de capter le réservoir de croissance, et de susciter cette croissance grâce à l’innovation et la recherche. 

F.N.H. : Enfin, en tant que think tank indépendant et citoyen, comment contribuez-vous à la prise en compte de ces différents phénomènes pour justement appuyer le développement du pays ? 

M. B. : Le CDS joue son rôle de fédérateur autour des valeurs de la citoyenneté, du militantisme et du patriotisme, en abordant les problèmes économiques et sociaux du Maroc avec un esprit libre. Il met en commun une intelligence collective pour apporter des éclairages et des analyses sur différents sujets essentiels, et proposer les actions opérationnelles et pragmatiques à entreprendre vers des réformes nécessaires à partager avec les décideurs de notre pays.

Ces nouvelles technologies bouleversent la société et le marché du travail, et les différences intellectuelles sont la mère de toutes les inégalités. L’éducation étant au coeur de cette économie de la connaissance, l'école se trouve aujourd'hui disqualifiée et impuissante. Il faut donc une adaptation de l'éducation pour répondre à ces défis par un enseignement de 2ème génération qui ferait appel à toutes ces technologies de renforcement cérébral. Il faut préparer nos jeunes, éveiller la curiosité et travailler sur l’ouverture des esprits pour avoir en permanence une vision transversale. Il faut les préparer aux raisonnements de demain, aux capacités à se former dans l’avenir, et pour cela jamais il n’a été aussi nécessaire de connaitre les fondamentaux, écriture, lecture, instruction, culture générale, et de donner le goût des sciences et de la culture. Ce sont là de nouveaux défis qui nous attendent et qui ouvrent l’horizon à de nouveaux partenariats. 

 

 

Imane Bouhrara

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