La Compagnie marocaine des oeuvres et objets d’art (CMOOA), qui sert fidèlement l’art marocain, se prépare à un moment d’exception. Un pari même. C’est dans son fief habituel à Casablanca que se tiendra, samedi 27 juin, sa soixante-neuvième et importante vente aux enchères. Elle fera parler d'elle. Beaucoup.
L’économie du tissu artistique marocain est tirée au sort ! Pour mettre à mal ce cliché, la CMOOA réunit une quarantaine de peintres emblématiques. Pas moins de 93 œuvres (de 3.000 à 200,000 euros, pour un objectif total de - presque - 3 millions d’euros), dont neuf issues de collection privée ou provenant de collectionneurs divers (comme Salah Eddine Boujibar, Abderrahmane Serghini et Monsieur B. qui a beaucoup côtoyé Jilali Gharbaoui de 1960 à 1963), représentant 40 pionniers de la modernité marocaine, leurs héritiers et «premiers artistes européens installés au Maroc qui ont fait corps avec la culture de ce pays» seront mises à prix.
Nec plus ultra, cette vente réunit des œuvres extrêmement fortes témoignant des phases historiques marquantes de l’art produit au Maroc depuis le début du XXe siècle.
Des aventures plastiques marocaines
Henri-Emilien Rousseau, Etienne Dinet, Jacques Majorelle, Henri Jean Pontoy, Jean Gaston Mantel, Hassan El Glaoui, Ahmed Ben Driss El Yacoubi, Mekki Megara, Farid Belkahia, Mohamed Melehi, Chaïbia Tallal, Fatima Hassan El Farrouj, Fatna Gbouri, Moa Bennani, Fouad Bellamine, Malika Agueznay, Najia Mehadji, Abdelkebir Rabi…de grandes figures rassemblées pour rappeler le Maroc ancien, les premières années d’après-indépendance, l’affirmation d’une identité moderne, jusqu’à l’intensité de recherches plus contemporaines.
L’un des artistes phares, dont la compagnie cherche à assainir l’œuvre et «présenter la véritable substance de son génie» est le «père fondateur de la modernité marocaine» : Jilali Gharbaoui. Sa «composition de 1968» est estimée de150.000 à 170000 euros. Sa toile, créée techniquement huile sur toile, est le symbole ultime du lyrisme, de la complexité et d’atypisme, en résonance avec son mal de vivre.
La CMOOA œuvre également à «réparer l’un des épisodes les plus tristes de notre histoire artistique ‘la succession Kacimi’ qui a permis à l’œuvre de ce grand personnage de revenir au-devant de la scène et l’édition plus tard de son catalogue raisonné». Il peint les hommes, «polis, limés, poncés, fourbis», débarrassées de tout superflu.
Certes, ces artistes ne font guère de l’ombre à beaucoup d’autres, à leurs côtés seront aussi présents de nombreux peintres et plasticiens qui ont déjà une jolie cote.
Abbes Saladi, peintre du surréel, en est un bel exemple, entre autres. Avec lui, c’est un autre univers qui s’ouvre, un monde paradisiaque, mais sensuel. Peuplé d’hommes-singes, de créatures mi-félines, mi humaines…aussi des oiseaux au plumage coloré. Les tableaux de l’un des leaders de la peinture imaginaire populaire sont très narratifs, puisant dans les miniatures, les enluminures persanes et les simples scènes empruntées à la vie quotidienne, reliées aux sources primordiales, eut des amis proches qui l’ont accompagné dans sa vie souvent difficile.
Autres temps forts
La CMOOA rend hommage à trois figures de l’art (l’historien de l’art Félixe Marcilhac, le commissaire-priseur François Tajan et le co-fondateur du journal hebdomadaire Fadel Iraki) qui nous ont quitté en début d’année 2020.
En attendant l’éveil de ce marché sur le continent, l’Occident, lui, s’y intéresse de plus en plus près. Et, c’est en grande partie grâce au travail, d’arrache-pied, auquel se livre la compagnie que nos illustres artistes ont vu leurs œuvres rejoindre les plus prestigieuses collections au monde, et gagner en reconnaissance et parfois aussi en valeurs marchandes.
Depuis 2002, la CMOOA œuvre à rendre aussi bien visibles et accessibles les œuvres, mais également la vie et les archives de nos grands artistes. Comme elle a toujours favorisé la transmission de fragments d’histoire véridiques et documentés.
De là, la Compagnie marocaine des oeuvres et objet d’art nous invite à un voyage aussi inspirant que surprenant à travers les œuvres dont se dessine une partie de l’histoire de l’art marocain.
Catalogue : https://www.cmooa.com/catalogue/CMOOA-v69.pdf
Lire aussi «un jour, une œuvre : Mohamed Hamidi, l’abstraction en formes libres» : https://fnh.ma/article/actualite-culturelle/un-jour-une-oeuvre-mohamed-hamidi-l-abstraction-en-formes-libres
Par R.K.H