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Un jour, une oeuvre : Les dessous du «sortir»

Un jour, une oeuvre : Les dessous du «sortir»

Je viens de voir passer une thèse, de Mériam Cheikh, intitulée «Les filles qui sortent : Jeunesse, sexualité et prostitution au Maroc». Il y aurait donc, me demandé-je, des filles qui sortent et des filles qui ne sortent jamais. Le qualificatif n’est plus une coquille vide, à force d’être mis à une certaine sauce du rituel social.

D’après le dictionnaire, le latin «surgere» veut dire «jaillir, surgir, bondir, apparaître, éclore, poindre, s'élancer (etc.).» C’est beaucoup demander, car la nuance n’est jamais entièrement ce qu’on entrevoit.

Au Maroc, aussi bien que l'expression «filles qui sortent» désigne celles qui fréquentent les night-clubs et les bars la nuit pour gagner leur vie, mais au-delà du fait prostitutionnel, elle renvoie également plus largement aux écarts qu'une partie de la jeunesse féminine des classes populaires prend avec les normes, la moralité et la respectabilité. Mais comment glissent-elles dans la sexualité et dans cet univers : du «sortir» ?

Cohabitant avec une dizaine de jeunes femmes engagées dans le «sortir» à Tanger, Mériam Cheikh s’interroge : comment leur faire dire leurs peines abyssales ? Comment comprendre les moqueries qu’elles s’adressent les unes aux autres et, surtout, l’euphémisme qui désigne leur acte : Faire la vie, ou «sortir», tout simplement ?

Une étude que voilà retrouve le véritable sel des romans libertins du XVIIIè siècle : non pas seulement la chronique des splendeurs et des misères, mais un remarquable libertinage d’esprit.

C’est celui-ci qui conduit l’anthropologue à s’élancer à la poursuite de la moindre idée lui passant par la tête. Sans pour autant enserrer les filles dans une catégorie les reléguant à la prostitution, l’étude ne pointe pas uniquement la sexualité mais les nouveaux savoir-faire, les pratiques de certains lieux et les compétences qui permettent l’ascension sociale ou la déchéance et la redéfinition de soi.

Mériam Cheikh fustige les facilités de langage sans pour autant mettre des feuilles de vigne au dictionnaire; plus loin, elle interroge les déclarations produites avec les outils de l’analyse littéraire. S’ensuit cet ouvrage, qui témoigne d’une analyse adroite, à la simplicité parfaitement maîtrisée.

 

Par R.K.H

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