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Un jour, une œuvre : Lalla El Aliah, la purificatrice

Un jour, une œuvre : Lalla El Aliah, la purificatrice

Cette fille vient des confins de la terre… Quabli ha ya Lalla el Aliah ! Accepte-la ô glorieuse Aliah. Découvrez dans les 263 pages du livre «le chant de la dune», les raisons qui incitent Lalla à accepter cette fille.

Parmi les dunes dites Shorfa, il se trouve une des plus spéciales, celle que les gens du désert appellent Lalla et Aliah. Dénudée et enterrée, «chaque fois qu’une femme soulevait du sable pour [la] en recouvrir, elle scandait : Cette fille vient des confins de la terre. Puis les autres, reprenant la mélodie, entonnaient Quabli ha ya Lalla el Aliah ! Accepte-la ô glorieuse Aliah». C’est là quelque chose de magnifiquement émouvant.

Ecrit dans un style qui est un pur plaisir, le roman de Anissa M. Bouziane, en procédant à un va-et-vient, oscille entre la crête de Lalla El Aliah, la plus haute dune du désert marocain, et les canyons de béton de Manhattan dans les jours qui suivent l’écroulement des tours du World Trade Center.

Anissa donne, ici, à voir un certain clivage entre Orient et Occident. Et si Jeehan Nathaar est venue au Sahara, c’est uniquement pour y être enterrée.

«Captif de la montagne de sable, mon corps n’était plus mien mais celui de la femme qui avait traîné sa valise de part et d’autre de l’Atlantique, cherchant le repos. Dans le chant de la dune, le bagage creva et de cette rupture s’échappèrent l’écho de complaintes de cornemuses à travers des canyons de béton, des tours de fumée flétrissant des cieux étincelants, des éclats de verre, du béton broyé, de l’acier rompu, le bruit mat, assourdissant, de corps se fracassant sur le sol, une odeur brûlante de kérosène, des relents cendreux de mort (…)» Hormis les faits, il faut dire qu’Anissa M. Bouziane déboule, en littérature, de manière éblouissante.

Lyrisme et beauté du verbe pour décrie une Jeehan Nathaar enterrée, dénudée au sommet de Lalla El Aliah. Les phrases crépitent, s’enchaînent, sifflent. Vous essayez de suivre, de comprendre, fasciné par ce monde où la mort, le pardon et l’amour se tiennent par la barbichette.

«Mon exil de New-York ne devait pas m’amener à cette étrange inhumation, ici, au sommet de la plus majestueuse des dunes. Pourtant, lorsque les femmes se mirent à jeter un pelletée chaude après l’autre sur mon corps et que les grains marquaient ma peau comme autant de fers rouges, pour la première fois depuis la chute des tours, tout fut plus clair».

Anissa dresse un panorama de ce voyage qui a mené ainsi Jeehan dépouillée de tout, jusqu’aux confins nord-ouest du grand désert. Celui suscité par une dramatique confrontation avec la mort : Jeehan a vu les tours du World Trade Center s’effondrer. Ce face à face avec la destruction à l’échelle mythique bouleverse le cours de sa vie à New York et terrifie Jeehan. S’ensuit le retour à la patrie. A vous la purification.

(Le chant de la dune, Anissa M. Bouziane. Editions Le Fennec, 2017, 263 pages)

 

Par R.K.H

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