Sujet : En 185 pages sont étudiées les principales caractéristiques de la société marocaine. L’essai de Hassan Wahbi, «la Tyrannie du commun», invite à un débat aussi public que réfléchi. Pour que tout le monde ne soit pas sommé de choisir entre le tout-répressif et le tout-pensif. L’universitaire se tient à bonne distance.
«Notre vie sociale ne se nourrit pas uniquement de la dynamique et de la volonté factuelles, elle est aussi le lieu d'un excès idéologique, de représentations collectives mystificatrices qui transforment les crédos hérités en vérités naturelles comme l'obsession religieuse, l'exaltation de l'identité, les stratégies de l'imposture et de la censure, le ressentiment face à l'Histoire, les formes exacerbées de la tradition, le rapport au corps, etc. En démonter les fausses évidences est à l'origine de ce livre. C'est une sorte de chagrin sociologique devant certains phénomènes extrêmes et "fascisants" de ce qu'on croit être la norme, la correcte attitude. »
Dans une langue élégante et claire, Hassan Wahbi nous conduit dans le dédale des questions les plus sensibles comme dans la mosaïque des réponses religieuses et philosophiques. Ceci, est un fourre-tout de problèmes disparates qui méritent discussion au cas par cas. Autant de questions posées qui renouvellent l’infini dialogue des valeurs et d’éthique. Des différentes positions en présence, Hassan Wahbi dresse une étude originale.
«Critique non en vertu d'un relativisme béat, mais pour l'écart nécessaire qui permet de penser, de rêver, de vivre autrement la quête du sens, la beauté de la différence, l'émancipation du sujet, la sortie de la communauté conservatrice, des présuppositions admises sans discussion, de la domestication de l'esprit. Sans donner un texte organique mais s'attachant à divers phénomènes significatifs, le présent ouvrage est chaque fois une tentative d'élucidation car la tyrannie du commun reste le pouvoir du commun qui ne supporte la discussion, les clairières de la subjectivité, la société ouverte, la quête inachevée.»
Dans cet essai, Hassan Wahbi dégage : comment peut-on être « marocain » ; l’inquiétante prolifération des signes de la croyance dans l’espace social; le temps des imposteurs ; le censeur de l’échafaud ; les bibliothèques vides ; les choses ; la vie pesante ou l’éloge de la légèreté ; les livres invisibles ; l’homme aux horloges ou l’archiviste ; petits drames de la parole ; rends-moi hommage ; le syndrome du patrimoine ou la maladie de soi ; le kitsch marocain ; une histoire d’eau ; les mains avides ; le voyage de signifiants ; la tentation de la tradition ; l’Université rattrapée par la société ; les coquilles vides ; la sortie de l’Histoire ; le détournement du réel ou le nihilisme jubilatoire ; d’où nous viennent les idées. Il propose donc une étude de la controverse destinée à nous convaincre qu’il est d’autres choix que l’aveuglement fondamental ou le lamento intégriste. Pointant là une contradiction, ici une incohérence, Hassan Wahbi invite à réfléchir au-delà des compromis autour de la société. Une idée dont il refuse de faire une idéologie.
«Si l'auteur s'alarme à ce point du sort de sa société, c'est qu'il y va de la respiration intérieure et d'un autre horizon de la sensibilité intellectuelle hors la pesanteur des dogmes et de leurs thuriféraires.»
*La Tyrannie du commun (Editions La croisée des chemins), de Hassan Wahbi, 2019.
Par R.K.H