Jusqu’au 5 août, dans le hall de l’hôtel Martin Alonso Pinzon, à Mazagon, s’offre à voir des petits formats lumineux élaborés par Fatna Chanane, une peinture dissonante pétrie de rêves.
Une profusion de couleurs s’empare de vous. Vos yeux une fois dessillés discernent une symphonie de couleurs où le spectateur est progressivement happé d’un sentiment d’étrangeté.
De ce monde insolite vous en apercevez tantôt la démiurgie. Jeune maman qui a préféré de faire de la peinture sa préoccupation plutôt que de se lancer dans une carrière professionnelle en marketing, analyse et programmation.
Ce qui était pour la dilettante un exercice récréatif se mua en nécessité intérieure. Alors Fatna, refusant de se laisser bâiller d’ennui et dans le dessein de parfaire son art, se mit à écumer les ateliers, avant de s’arrimer aux galeries et musées.
Elle expérimente le figuratif (ne le trouva pas à son goût ?! Mais, ne s’en libéra pas). Enfourchant le langage passionné qui anime les œuvres des «abstraits», la peintre fait éclater une véritable exaltation de la couleur pure. De l’expressionnisme, elle retient essentiellement l’empathie avec l’humanité.
«Le choix de ses couleurs, de ses matières, n’est jamais anodin car Fatna Chanane ne se laisse jamais impressionner par un quelconque mouvement artistique en vogue. Pour elle, la peinture n’est qu’un autre langage, ouvert à toutes les interprétations», lit-on dans un communiqué.
Bloquée en Espagne, Fatna s’est retrouvée seule à errer dans l’immensité d’un complexe hôtelier à Mazagon (en Andalousie) et a décidé de faire de cette expérience, un élan de créativité. De cet exil - si l’on veut -, Fatna Chanane a créé un univers d’où nous parviennent les lamentations d’une femme retenue loin des siens.
Sur ce, Fatna Chanane a décidé d’exposer ses œuvres nées de son exil forcé, à l’hôtel où elle a élu domicile depuis plus de quatre mois. Intitulée sobrement «Symphonie Confinée», cette exposition individuelle est une invitation au voyage, dans une conjoncture où le voyage n’est pas permis.
D’autant qu’elle brode sur le thème des scènes intimistes. L’artiste a très bien joué ses partitions. Les trente-deux toiles aux couleurs chaudes et froides, sourdes et vives, souvent irréelles semble préserver un secret. Le monde est figé, le temps suspendu. Mais le regard aimanté. Il aimerait pénétrer à l’intérieur des espaces et des êtres.
Ceux-ci sont insaisissables, bien qu’ils consistent en formes non-minimales, avec âmes et beaucoup de flamme. De pures merveilles, dont la genèse est trempée dans multiples sources : mer, vague, coquillage, beauté humaine, entre autres. De là, elle n’essaie ni à plaire ni à déplaire, elle s’évertue plutôt à représenter ses sentiments tels qu’elle les ressente.
Nous sommes tombés sous le charme envoutant de cette peinture captivante, et réjouissante parce que justement «guidée par ses introspections, ses intuitions, mais aussi par un regard spécial sur les ‘choses’ de la vie, un regard où chaque sentiment revêt une couleur et où chaque mouvement du corps se transforme, le temps d’une vie, en une complainte figée».
A elles seules, les œuvres offertes à voir ne suffiraient pas à exprimer l’ampleur du talent de Fatna, mais elles disent la passion d’une femme pour la couleur pure et son plaisir contagieux à faire naître de l’extrême banalité des éclairs d’une gravité chatoyante.
Les œuvres portés par l’ambition d’une artiste qui veut représenter la vie ; la destinée ; l’être ; l’existence ; le destin ; le sort ; le temps par le désir, l’amour et l’émotion. Une ambition se situant loin, très loin, au-dessus de celles qui enfantent les croûtes vulgaires et bavardes, auxquelles nous avons généralement droit.
Par R.K.H