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Un jour, une œuvre : «Dos de femme, dos de mulet» de Hicham Houdaïfa

Un jour, une œuvre : «Dos de femme, dos de mulet» de Hicham Houdaïfa

Précarité, fragilité, exploitation et angoisse, sont des situations communes des femmes «oubliées». Ce livre en dit long sur ce qu'on ne sait toujours pas sur le «Maroc profond».

Par R. K. H.

«Dos de femme, dos de mulet» (Editions En toutes lettres) est le premier livre dédié à la collection Enquêtes qui donne la parole à «celles et ceux dont la voix peine à se faire entendre». Il marque, de la façon la plus nette, une solidarité sans faille vis-à-vis des femmes en situation précaire, à la fois surpuissantes et martyrisées.

Tout au long des enquêtes qu’il mena   -en soi, ce n’est pas anecdotique, tant il est un journaliste animé par le besoin impérieux de témoigner et tellement à l’écoute de notre société- Hicham Houdaïfa affirme avoir connu «les différentes formes d’injustice et d’exploitation dont sont victimes les femmes du Maroc, que ce soit en milieu rural, ou dans les petites villes et les périphéries des grandes agglomérations».

Dans cette investigation, qu’est «Dos de femme, dos de mulet», Hicham jette à la face de la société ses défaillances, à coup de reportage-missiles. Il y restitue «le plus fidèlement possible» les situations de précarité dans lesquelles se débattent les femmes de ce pays, et mène «une lutte contre l’indifférence».

Hicham donne, à-vrai-dire, à voir le Maroc profond, celui qui apparaît rarement dans les journaux. Car, le nez rivé sur la grande politique, la presse a parfois tendance à produire de stériles enquêtes, loin des préoccupations réelles de la population. Journaliste d’investigation, un as, Hicham a mis à profit son expérience personnelle pour nous faire découvrir les maintes facettes inexplorées de ce Maroc profond.

Il démontre par cette enquête «l’importance de réformer les lois», car les femmes sont toujours marginalisées et subissent «une double exploitation, économique et sexuelle».

La Moudawana qui marqua une avancée dans la protection des droits des femmes, présente toujours des failles car «le mariage des mineurs existe encore».

Le code pénal «considère par exemple les prostituées comme des criminelles et des débauchées, alors que notre travail du terrain fait apparaître, sans ambiguïté aucune, qu’elles sont des victimes, le plus souvent à la merci de réseaux mafieux. Ce code pénal qui nous régit encore a été fait dans une logique qui vise à protéger la moralité publique plutôt que les droits humains et la dignité de toutes et de tous».

Hicham estime avoir «effleurer un sujet aussi vaste que complexe» en posant son regard sensible sur «les ouvrières clandestines de Mibladen», qui descendent ramasser les miettes de plomb et de cristaux sans aucune protection et au péril de leur vie ; «les torturées de Ksar Sountate», filles et épouses de ceux qui ont été arrêtés et exécutés lors des événements de mars 1973 dans le Moyen Atlas ; les «femmes Ninja de Berkane», saisonnières exploitées professionnellement et sexuellement ; «les femmes (mineures)prêtées de Kalaat Sraghna» sous contrat ; «les sans-papiers de l’Atlas», proies du mariage coutumier ; «les barmettate (barmaids )de Casablanca» ; «les victimes de la traite dans le Golfe», captées par les réseaux de prostitution...

«Dos de femme, dos de mulet» constitue un témoignage déchirant, poignant, sur «les oubliées du Maroc profond», à lire d’un trait.

 

« Dos de femme, dos de mulet : les oubliées du Maroc profond » (Editions En toutes lettres), de Hicham Houdaïfa, 2015, 112 p., 65 DH

 

 

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