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Super-héros: des peoples comme les autres ?

Super-héros: des peoples comme les autres ?

Que peut-il se passer dans le quotidien des super-héros une fois qu’ils se retrouvent sans pouvoirs magiques ?

Vraie-fausse illustration, parodie de comic book, fresque désenchantée : Grégory signe «Super Heroes in Morocco», une série des plus originales.

 

Par R. K. Houdaïfa

 

Beaux, jeunes et invincibles. Ils étaient les pourfendeurs du mal, les gardiens de la paix. Ils faisaient régner la justice à Manhattan. Au premier signal, Batman enfilait sa combinaison de latex, faisait rugir le moteur de sa Batmobile et allait régler son compte à quelque crapule sévissant dans la ville… Gent lectrices, gens lecteurs de Finances News Hebdo, oyez, attendez-vous à voir de folles aventures ?

On peut dire que l’intitulé de son travail, «Super Heroes in Morocco», ne manque pas d’air. Carrément gonflé, même. Jusqu’ici inconnu au bataillon (habitué à dessiner des personnages étranges et loufoques – doodbles -), cet illustrateur et directeur artistique franco-libanais à la quarantaine pimpante nous livre l’inimaginable. Chez Grégory, les ex-justiciers ont quitté le grand écran pour vivre dans le réel. Ils ont donc été imaginé (e) s dans un contexte marocain, avec un zest d’humour satirique et une touche d’ironie décalée. Ils ont pris leur retraite, sont devenus des peoples comme les autres.

Les réalisations de Grégory, fin connaisseur de la BD et marqué par la société marocaine, se veulent chargées de références et de messages critiques. On y trouve quelques situations que tout le monde a vécues ou rencontrées : le ramadan, l’aïd, le mendiant dans la rue, la police qui nous arrête... Le mec cool et déjanté s’évertue à raconter ce que vivent la majorité des Marocains avec dérision, tout en s’éloignant des clichés  : couscous, tarbouche et babouches.

«Je me sers du caractère et des caractéristiques physiques des supers héros, avant de leur injecter de la marocanité d’une manière subtile», explique l’illustrateur. Un Deadpool sur une motobécane; Spiderman grimpant le Twin Center pour se faire un selfie; Superman attendant un grand taxi casablancais; Batman arrêté par un policier marocain pour excès de vitesse; Captain America intervenant sur 2M pour appeler les Marocains à rester chez eux; Thor, l’estomac gonflé, tenant la soupière de Harira… Chaque personnage a un lien avec le cadre ou le lieu où il se situe, selon ses spécificités et son pouvoir.

Hulk, qui est colérique et qui explose  sous la pression, on le voit sortir  d’un arrondissement administratif hyper énervé avec son papier à la main. La raison de son mécontentement  ? Ceux-là demeurent perceptiblement des lieux effarouchant de par leur odeur aigre, leurs murs pisseux, leurs portes de bureaux aussi grises que rébarbatives… Et ne parlons pas de l'œil torve du cerbère de service qui nous en dissuade; les occupants des bureaux qui, absorbés dans leur lecture de feuilles de turf, nous ignorent ou d'un ton agacé et d'un geste las nous désignent une chaise branlante et nous oublient.

Pis encore, si ce n’est que pour nous refiler à un de leurs collègues – qui n’y est pas… «Super Heroes in Morocco» pourrait n’être qu’une simple série - une parodie potache et très drôle -, ce qui serait déjà très bien. Il se trouve qu’elle est aussi, et surtout, une critique de la société marocaine, de ses codes, de ses contradictions rendues plus apparentes que jamais.

 

 

 

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