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Rififi autour du soutien accordé aux acteurs culturels

Rififi autour du soutien accordé aux acteurs culturels
 
En dévoilant, par devoir de transparence, la liste des attributaires du soutien exceptionnel pour l'année 2020, le ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports a créé une belle polémique.
 
«La transparence de l'action publique est toujours préférable et les citoyens ont un droit d'accès à l'information. C'est pourquoi les résultats de l'appel à projet 2020 ont été entièrement publiés sur le site du ministère pour préserver la clarté sur l'usage du denier public», a souligné Othman El Ferdaous, ministre de tutelle.
 
De son côté, le Syndicat artistique des droits voisins (SADV), le Syndicat artistique des producteurs et auto-producteurs (SAPA), ainsi que le Syndicat des auteurs et compositeurs indépendants marocains (SACIM) ont été surpris par les résultats «décevants» dudit soutien, qui ne répond pas aux circonstances exceptionnelles dans lesquelles le secteur passe depuis près de huit mois.
 
À cet égard, ces syndicats mettent à l’index la faible couverture allouée au secteur de la musique, sachant que ce secteur englobe un grand nombre de professionnels (artistes, musiciens, techniciens, administrateurs ...) qui se sont retrouvés (es) sans moyens, par l’annulation des festivals, soirées, cabarets et théâtres….
 
Ils pointent du doigt aussi le déséquilibre du soutien et les montants frivoles alloués aux projets bénéficiant du soutien. En conséquence, les SADV, SAPA et SACIM déclarent leur refus absolu de mépriser l'artiste marocain à travers des solutions provisoires et partielles.
 
De fait, ils exigent l’ouverture des lieux et espaces culturels dans les zones non touchées pour atténuer l'impact de la pandémie sur le secteur; la protection et le soutien des artistes et des professionnels socialement; le soutien des œuvres artistiques et la production culturelle de manière à permettre la continuité de la vie culturelle et artistique, et (r)amener la culture aux citoyens durant la pandémie, tout en respectant les conditions de sécurité sanitaire.
 
«Les artistes ont bénéficié de ce soutien en tant que porteurs de projets. Ce qui signifie, hormis les frais de réalisation, que les sommes seront dépensées dans la production d'œuvres dans lesquelles tout un écosystème (auteurs, musiciens, interprètes, techniciens et administrateurs) participe. Ceci dit, les montants alloués sont très faibles et insignifiants par rapport à ceux fournis aux autres secteurs», précisent les syndicats dans une déclaration.
 
 
14 millions de DH accordés à 146 projets 
 
Après la publication du programme de soutien du domaine artistique, nombre de chanteurs se sont insurgés contre une distribution jugée «arbitraire». Les conditions imposées par la commission pour bénéficier de l’aide sont jugées trop contraignantes, et ceux qui n’ont pas reçu d’allocation, n’ont pas déposé de dossier ou ont été écartés à cause de projets peu convaincants.
 
Latefa Raafat, célèbre chanteuse, à travers son compte Instagram, a pointé du doigt la répartition «injuste» des 14 millions de DH alloués aux promoteurs de 146 projets relatifs au domaine de la musique, de la chanson, des arts de la scène et chorégraphiques. Car, selon elle, des centaines de milliers de dirhams ont été octroyés à des personnes n’ayant aucun rapport avec l’art.
 
Abdelaziz Stati,  chanteur Chaâbi, a critiqué le fait que «la liste du soutien est la même que celle de l’année dernière et au profit des mêmes bénéficiaires». 
 
L’artiste Nouaâmane Lahlou, l’un des bénéficiaires du soutien du ministère, a quant à lui décidé d’arrêter le processus de production et de s’abstenir de bénéficier de cette aide, demandant ainsi à la tutelle de «verser la somme qui lui a été attribuée au fonds Covid-19».
 
A l’instar de Nouaâmane Lahlou, Said Mosker a décidé de ne pas accepter de percevoir la subvention qui lui a été attribuée. 
 
Il a plutôt demandé au département d’El Ferdaous de consacrer cette donation au «soutien et à la promotion de la création d’infrastructures nécessaires et vitales au profit des régions qui en ont le plus grand besoin».
 
Sur les réseaux sociaux, plusieurs artistes de renom ont critiqué la décision du ministère, estimant que les subventions ont été allouées à des individus méconnus de la scène artistique ou encore des artistes qui en bénéficient chaque année au détriment d’autres, qui eux sont en difficulté à cause de la pandémie.
 
Le ministère riposte 
 
Honni soit qui mal y pense. Le ministre de la Culture, de la Jeunesse et des Sports admet que «le coup très dur porté par la pandémie à l'activité culturelle laisse beaucoup d'artistes et de collectifs culturels sans carnet de commande ni perspective de mécénat ou de sponsoring».
 
Ainsi, les dispositifs transversaux mis en place grâce au Fonds Covid-19 ont certes permis à plus de 3.700 détenteurs de cartes d'artistes (anciennes ou nouvelles) de bénéficier des dispositifs «TadamonCovid (Ramed et informel)», soit un taux d'acceptation des dossiers de 70%. 
 
«Mais l'ampleur des dommages portés au secteur artistique par le coronavirus a conduit le ministère à mobiliser le Fonds national pour l'action culturelle pour lancer un appel à projets artistiques», souligne Othman El Ferdaous. Néanmoins, il apporte des précisions concernant l'opération de soutien exceptionnel aux arts.
 
«Le cahier des charges publié au mois de juin 2020 a clairement explicité deux priorités de sélection pour les trois commissions (théâtre, musique, arts plastiques). A savoir : un intérêt particulier accordé en premier lieu aux projets auxquels participent un nombre important de détenteurs de cartes d’artistes qui ne sont pas fonctionnaires. Avec une moyenne d'une dizaine de bénéficiaires pour chaque projet musical ou théâtral, dont au moins 70% doivent être détenteurs de la carte d'artiste (ou candidats à son obtention) pour être éligibles, ce sont plus de 2.400 détenteurs de cartes d'artistes qui devraient bénéficier des 459 projets retenus en 2020. Secundo, un intérêt particulier accordé en second lieu aux porteurs de projets n’ayant pas bénéficié de soutien : plus de 80% des 459 porteurs de projets retenus en 2020 n'ont pas bénéficié du soutien 2019», indique-t-il.
 
Par ailleurs, le ministère «travaille activement à la dématérialisation du processus d’appels à projets afin d'améliorer la communication avec l’ensemble des parties prenantes, de réduire le volume de papier échangé et de faciliter l'accès au soutien».
 
La tutelle reconnait néanmoins que «la politique de soutien aux arts est perfectible et le ministère demeure à l’écoute des propositions constructives. Mais les appels à projets ne peuvent pas remplacer la généralisation de la protection sociale annoncée par Sa Majesté le Roi, que Dieu l’assiste, le 29 juillet dernier».
 
le ministère promet ainsi de lancer dans les prochaines semaines «une consultation avec ses différents partenaires pour préparer la mise en œuvre de ce chantier stratégique et structurant».
 
Bref, la culture ne pourrait rester l'apanage d'une élite sociale, elle représente un patrimoine auquel tout le monde a droit. Par ailleurs, pendant ce temps, ceux qui profitent indûment de grâces et de privilèges dorment comme des bienheureux. Par cette bizarrerie, on touche du doigt notre exception culturelle.

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