L'intégration des peines alternatives dans le système judiciaire national s'est imposée comme une revendication centrale des juristes et défenseurs des droits de l'Homme. Le projet de loi vise, entre autres, à trouver des solutions à la petite délinquance selon une approche privilégiant la réhabilitation et l’intégration. Entretien avec Me Omar Mahmoud Bendjelloun, docteur en droit international du développement, avocat aux Barreaux de Marseille et Rabat et expert associé en droit et science politique.
Propos recueillis par M. Ait Ouaanna
Finances News Hebdo : La Chambre des conseillers a récemment adopté à la majorité le projet de loi n° 43.22 relatif aux peines alternatives. Quels sont les principaux objectifs de ce projet de loi et quelles sont les différentes formes de peines alternatives prévues par ce texte ?
Me Omar Mahmoud Bendjelloun : L'esprit de cette réforme est positif. Il triomphe à la nouvelle école pénale, celle de ses théoriciens fondateurs que sont Lombrozo et Beccaria, qui instaure un système de punition inscrit dans la réinsertion, par son éloignement le plus possible de la peine privative de liberté. Ce projet de loi contient les mesures classiques qui remplacent le temps d'incarcération par le travail d'intérêt général, le bracelet électronique ou encore les amendes journalières. Ces mesures ne sont pas valables pour les crimes majeurs et sont encadrées par des sanctions en cas de manquement par les accusés bénéficiaires.
F.N.H. : Comment ce projet de loi va-t-il contribuer à la modernisation de la politique pénale au Maroc ?
Me O.M.B. : Il y a eu une dynamique des droits humains au Maroc aussi bien au niveau de la société civile et politique que de l'Etat, qui s'y est joint à la fin des années 80 et de manière explicite et assumée depuis la nouvelle ère. Toutes les recommandations des ONG nationales et des institutions constitutionnelles adoptent la voie de la nouvelle politique pénale qui est dans la réinsertion, la rééducation, la réadaptation, plutôt que la punition et le châtiment aveugles des comportements anti sociales. C'est plus qu'une modernisation, c'est la voie royale vers une certaine idée de la civilisation, à l'instar du débat relatif à l'abolition de la peine de mort.
F.N.H. : Ce projet de loi va-t-il vraiment permettre de résoudre la problématique de la surpopulation carcérale ?
Me O.M.B. : S'il est appliqué de manière rationnelle, il contribuera à cette problématique importante de «l'application des peines», qui doit être traitée comme une réforme de justice et d'humanité, et non comme une simple manipulation statistique. D'ailleurs, la peine alternative liée à l'amende journalière doit être pensée de façon à ce qu'elle ne soit pas perçue et exécutée comme une mesure en faveur des criminels riches, ce qui en l'espèce est une inquiétude légitime, mais d'une mesure équitable qui honore une nouvelle philosophie judiciaire.
F.N.H. : A votre avis, quels sont les prochains textes législatifs à adopter pour compléter ce projet de loi, notamment en ce qui concerne le code pénal et le code de procédure pénale ?
Me O.M.B. : Dans le Code de procédure pénale, il faudrait une restriction à l'extrême de la détention préventive afin de ne pas punir avant de juger, et maintenir cette mesure d'exception que pour les crimes et délits majeurs prouvant le dommage et la menace sociale réelle. Cette mesure d'exception doit également être le propre d'un juge des libertés et de la détention, indépendant du procureur et du juge d'instruction, permettant dans la foulée de réguler le risque d'abus, d'arbitraire et d'expédition. Pour ce qui est du Code pénal, il faudrait désormais avoir le courage de dépénaliser certains délits pouvant être résolus différemment que par la détention, notamment provisoire, qui grippent l'institution judiciaire de l'enquête au jugement dernier, alors qu'elle devrait se dédier et se concentrer sur la régulation du pays et la paix civile.