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Maroc : «hub de production cinématographique certifié»

Maroc : «hub de production cinématographique certifié»

 

Discussion au long cours avec Said Andam, directeur de la Commission du film chargée de la promotion des tournages des films à Ouarzazate.

Propos receuillis par : R.K.Houdaifa

 

Finances News Hebdo : Pourquoi Ouarzazate attire-telle tant les tournages de films étrangers ?

Said Andam : La région de Ouarzazate a toujours été un bastion du cinéma marocain tant estimé par les réalisateurs de films en particulier étrangers. Plusieurs atouts confortent cette position de leader : La disponibilité des studios de tournages (trois Studios à savoir : Oasis, Atlas et CLA Studios fournissant une infrastructure logistique moderne); les moyens humains (figurants à diversité ethnique et artisans qualifiés, techniciens bien formés); climatologie (diversité des paysages, soleil généreux et lumière exceptionnelle); des coûts de production inférieurs de 50% à ceux pratiqués aux États-Unis; mesures d’incitation et d’accompagnement (Facilité d'importation temporaire des armes et des munitions utilisées pour les films d’action, exonération de la TVA pour tous les biens et services acquis au Maroc, le dédouanement du matériel de tournage est assuré dans la journée, les visas de tournage délivrés via le  Centre cinématographique marocain (CCM) sont obtenus en un temps record); plateforme d’accueil (Aéroport international pour faciliter la desserte aérienne et une multitude d’unités hôtelières et structures d’accueil); structures de formation (Faculté Polydisciplinaire et Institut de formation aux métiers du cinéma).

 

 

F. N. H : Depuis 2014, nous constatons une hausse du nombre de projets de tournage. Les productions étrangères se déversent à flots sur Ouarzazate. Comment pourriez-vous l’expliquer ?

S. A. : L’explication relève d’une logique toute simple. Il s’agit de la déclinaison de la stratégie nationale en termes de promotion de la production cinématographique notamment dans son volet à l’international.

Globalement, le Maroc dont notre région, bénéficie des effets de sa stabilité politique, l’engagement de l’Etat et de l’administration pour soutenir l’accueil des tournages, la variété des sites de tournage, et l’expertise des assistants de production.

Ouarzazate, en position de locomotive de développement de la production cinématographique a su, également, tirer profit de la signature des différents traités de co-production.

Cet engouement est conforté par la subvention d’investissement de tournage de 20% pour les étrangers, entrée en vigueur en octobre 2017 dont les productions américaines ont eu une part conséquente du gâteau.

 

F. N. H : Ceci rapporte-t-il plus en termes de recettes ?

S. A. : Pour la région, l'enjeu est donc considérable. Plus de quatre-vingt-dix mille personnes - artisans, figurants, techniciens, hôteliers, commerçants - vivent de cette manne.

Le tournage des productions étrangères génère annuellement un chiffre d'affaires de plusieurs millions de dollars et crée des milliers d’emplois.

 

 

F. N. H : Comment assurer la continuité de la dynamique opérée depuis 2015 ?

S. A. : La question renvoie sans conteste au contexte actuel marqué par l’avènement de la crise sanitaire. Ainsi, parmi nos objectifs, c’est d’encourager davantage les producteurs marocains à venir tourner à Ouarzazate. Dans ce sens, dans le cadre du raccommodage de la demande, la création d’un fonds régional servira à attirer les productions nationales à filmer leurs projets dans la région de Ouarzazate.

L’objectif d’une telle action étant de permettre une meilleure relance de tout l’écosystème en rapport avec le secteur cinématographique (Hôtellerie, restauration, location de voitures, location de matériel...) et garantir l’emploi des travailleurs dans le domaine (Techniciens, figurations, acteurs). L’effet souhaité reste la promotion touristique interne de la région de Ouarzazate à travers les projets nationaux.

 

F. N. H : En 2016, l'acteur de la série Prison Break a été victime d'un accident survenu lors du tournage de la saison 5, à Ouarzazate. Pour être soigné, il a été transféré à Casablanca dans un hélicoptère par Fox Production. Dominic Purcell a fustigé à travers une interview pour le magazine américain Deadline, l’état lamentable (pis encore, le manque) des infrastructures sanitaires à Ouarzazate et région… racontez-nous.

S. A. : A cette époque, le constat était flagrant surtout en termes de manque d’infrastructures sanitaires. L’acteur était en droit de reprendre le déroulement de l’incident. L’issue d’un transfert immédiat de l’acteur était la solution ultime offerte aux équipes. Parallèlement, l’apprentissage fut immédiat faisant que l’industrie cinématographique est un ensemble complexe aux éléments variés en interaction dont le volet sanitaire est essentiel. Du chemin a été parcouru depuis.

 

F. N. H : Ouarzazate s’est dotée de la plus grande Centrale solaire au monde, mais pas d’installations dignes d’une ville où ont été tournées de grosses productions… À ce niveau aussi, il y a léthargie de l’État. Qu’en pensez-vous ?

S. A. : Le statu quo fait état d’une reprise, lente certes, mais plutôt positive et évolutive. La crise sanitaire actuelle se portant en déclencheur contraint, la refonte du système de santé s’accélère. Le Maroc a mis les bouchées doubles pour accroître sa capacité hospitalière. La région de Ouarzazate en a tiré sa part et s’est vu offrir des structures adaptées qui serviront à adosser les différents secteurs d’activités porteurs ou en promotion sur la région dont l’industrie cinématographique. Nous réitérons ici nos propositions de réinvestir une partie des recettes issues des activités dans les infrastructures de base sur la région de Ouarzazate.

 

F. N. H : L’accident de Purcell n’a pas découragé les autres productions ?

S. A. : En aucun cas. Cet incident isolé est à dissocier du reste des atouts qui restent toujours de mise afin d’initier et consolider l’attractivité de la région pour les productions nationales ou étrangères.

 

F. N. H : Le Maroc a adopté, en 2017, le décret concernant la subvention aux productions étrangères. De quoi s’agit-il ?

S. A. : Il s’agit du décret n°2.17.373 modifiant et complétant le décret n° 2.12.325 du 28 Ramadan 1433 (17 août 2012) fixant les conditions et les procédures d’aide à la production cinématographique, à la numérisation, la rénovation et la création de salles de cinéma et à l’organisation des festivals de cinéma.

En vertu des dispositions, et en sus des opérations soutenues à la base, un soutien financier est attribué à la production étrangère au Maroc d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques.

Les conditions et les critères d'octroi de ce soutien et les modalités de versement sont fixés par arrêté conjoint du ministre de la Communication et du ministre des Finances.

Le soutien a pour objectif d’encourager la production étrangère au Maroc d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques. Mais également, promouvoir et renforcer les capacités de la production cinématographique nationale à travers l’échange avec les expériences internationales.

Le soutien à la production étrangère au Maroc d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques est accordé dans le cadre des textes législatifs en vigueur relatifs à l’industrie cinématographique et des cahiers des charges spécifiques préparés à cet effet, ainsi que dans le cadre des dotations allouées par le Budget général de l’Etat au Fonds institué par l’article 44 de la Loi de Finances n°8.96 de l’exercice 1996-1997.

Il s’agit d’une subvention ou d’un «cash rebate» dont le montant est fixé à 20% de la totalité des dépenses effectuées au Maroc et éligibles au soutien.

Les conditions et les critères d'octroi du soutien à la production étrangère au Maroc et les modalités de versement sont fixés par arrêté conjoint du ministre des Finances et du ministre de la Communication.

 

F. N. H : Vous pensez que cette mesure a connu un impact positif ?

S. A. : Comme prévu initialement à travers l’instauration de ce mécanisme, on constate une augmentation (par le triple) du nombre de productions étrangères au Maroc. Parallèlement, par effet boule de neige l’industrialisation dans le domaine cinématographique s’est accentuée à travers le regain d’activité de plusieurs métiers dont les structures sont attirées par une éventuelle installation sur le territoire marocain. Les transactions y afférentes sont facturées en dirhams marocains afin de bénéficier de l’aide à 20%.

 

F. N. H : Comment cet impact s’est-il illustré ?

S. A. : En adoptant les systèmes d’aide, le CCM entendait tripler les investissements des productions internationales et nationales par effet d'entraînement. L’atteinte de la barre du milliard de dirhams de production à la fois marocaine et étrangère illustre pleinement la cadence portée. De ce fait, le Maroc a fait un bond considérable en passant d’un investissement par les productions étrangères de 280.041.554,81 DH en 2016 à 796.487.164,69 DH en 2019.

 

F. N. H : Parlez-nous un peu de la commission du Film, chargée de la promotion des tournages des films à Ouarzazate…

S. A. : L’initiative de la création de la Commission du film à Ouarzazate s’inscrit dans le cadre de la stratégie du Conseil régional visant la promotion de l’industrie cinématographique dans la région de Ouarzazate. Sa mission est de développer l’industrie cinématographique à Ouarzazate à travers la mise en place d’une plateforme incitant à la multiplication des tournages nationaux ou internationaux sur site.

Selon les termes de la stratégie, cette commission aura pour objectif de faciliter l’accueil des tournages en intégrant le territoire commun (Erfoud, Ouarzazate, Tata, Zagora), et promouvoir le lieu et les ressources locales auprès des producteurs via la création d’un label Ouarzazate, des road shows dans les festivals internationaux les plus prestigieux, des sites Internet …. L’étape suivante sera la création d’une base de données d’images qui comprendra un recensement précis des sites de tournage (localisation Gps, illustration, catégorisation), et la mise en valeur de la variété des décors. Le développement des outils de communication est également à l’ordre du jour avec la création d’un label Ouarzazate invoquant l’expérience et la légitimité cinématographiques.

 

F. N. H : Quel est sa vision ?

S. A. : Une vision bien définie : «Eriger Ouarzazate en véritable leader pour l’accueil des tournages cinématographiques en Afrique à l’horizon 2025, garantir des retombées économiques et sociales pour la région et ses habitants, d’autant qu’une grande partie de la population vit grâce à cette industrie».

Il s’agit, en effet, du développement d’un concept de «one stop shop» à l’instar de Warner Bros Studios à Hollywood et de Dreamworld Film City à Cape Town.

 

F. N. H : Comment procède-t-elle en termes de promotion des tournages ?

S. A. : La politique publique de soutien aux filières de l’industrie cinématographique, à savoir la filière de la production cinématographique, la filière de promotion du cinéma, et la filière de l’exploitation et la distribution cinématographique, est structurée autour de programmes de promotion basés principalement sur des incitations financières, à destination des sociétés de production; des activités de promotion du cinéma, et des infrastructures cinématographiques.

 

F. N. H : Quel regard portez-vous sur le secteur ?

S. A. : A priori, la visibilité du secteur ne peut être que collégiale s’inscrivant dans une logique d’ensemble par rapport à tous les intervenants de la filière cinématographique et des filières connexes.

Dans un premier temps, le respect du guide des règles sanitaires des tournages permettra d’amorcer la reprise à travers la présentation d’une offre nationale de qualité.

Parallèlement, la réflexion devrait pencher vers la recherche d’autres moyens de distribution dont l’exemple probant est la création d’une plateforme numérique pour la présentation des films nationaux à l’instar des actions similaires opérées à l’international.

Signalons, à titre de rappel, que la période du confinement a été une occasion en or pour plusieurs plateformes pour bien se positionner. Cette situation inédite est à l’origine d’un manque énorme en termes de contenu, ce qui atteste d’un post-covid économiquement prometteur pour la destination Maroc puisque notre pays est parmi les destinations internationales prisées par les producteurs internationaux en tant que hub de production cinématographique certifié.

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