Une commission dédiée a été créée pour accompagner et encadrer les journalistes.
Plusieurs remarques ont été formulées par des acteurs de la société civile.
Par : Charaf Jaidani
Pour son premier événement officiel public, le Conseil national de la presse (CNP) a choisi de présenter la charte de déontologie. Entrée en vigueur en août dernier, cette charte, vivement sollicitée par les intervenants dans le secteur, veille à ce que le citoyen dispose d’une information libre, diversifiée et crédible.
Dans une salle archi comble regroupant des journalistes, des acteurs de la société civile ou d’organes officiels, Younes Moujahid, président du CNP, a souligné que «cette charte est un acquis pour les journalistes et pour tous les adeptes de la liberté d’expression».
Il a ajouté que «cette rencontre est une occasion pour échanger avec les professionnels du secteur et pour qu’ils puissent s’approprier la charte».
Pour assurer une bonne assimilation des clauses de ce document, le CNP s’engage à assurer des ateliers de formation. Pour leur part, les sociétés de presse sont tenues de respecter la charte et de ne ménager aucun effort pour promouvoir les meilleures pratiques. L’avenir du secteur est intimement lié à l’existence d’organes de presse sérieux et respectables.
Outre les lois et les réglementations en vigueur, le CNP devrait accompagner et encadrer les journalistes sur la durée.
«Nous avons ouvert le débat avec les journalistes et les éditeurs afin de mener une campagne nationale pour promouvoir la charte. C’est un travail qui s’inscrit dans la durée. Le CNP a une responsabilité sociale. Nous sommes pour défendre la liberté d’expression mais nous allons lutter contre les mauvaises pratiques qui causent des dommages collatéraux et les fake news en font partie. C’est un chantier sur lequel nous travaillons pour arriver à des résultats tangibles», rapporte Moujahid.
Dans le cadre de la mise à niveau du secteur, plusieurs mesures sont au programme comme le plan national pour le développement de la lecture et aussi une étude pour s’enquérir de la situation des employés opérant dans l’activité.
«Le Maroc peut être fier de cette charte qui n’a rien à envier à ce qui existe à l’international», affirme Noureddine Miftah, modérateur de la rencontre. Il a insisté sur le fait que ce document ne comporte pas uniquement des droits pour les journalistes mais il s’agit aussi d’obligations qu’ils doivent observer. Il est question par exemple de respecter le droit à l’image et les particularités des personnes.
Le CNP a choisi Mohamed Selhami, directeur de publication de Maroc Hebdo, pour présider la commission d’éthique. Ce vétéran de la presse marocaine a indiqué que «le Conseil privilégie l’approche de la sensibilisation et de la responsabilisation des journalistes. Il a le droit de prononcer des sanctions mais ce n’est pas notre principal intérêt. Nous voulons à travers la charte, promouvoir les bonnes pratiques et l’esprit d’éthique».
Cet événement a connu l’intervention de plusieurs participants dont certains ont formulé des remarques concernant la charte, à l’image de Abdelwahab Rami, enseignant chercheur à l’Institut supérieur de journalisme et de la communication (ISJC). «Il faut élargir la notion d’éthique, qui ne doit pas être du ressort uniquement du directeur de la publication. La responsabilité incombe aussi au directeur de la rédaction. Le professionnalisme tant souhaité du métier ne peut aboutir qu’à travers la fermeté absolue au niveau de la déontologie», préconise Rami.
Pour sa part, Jamila Siouri, présidente de l’Association Adala, a elle aussi avancé quelques remarques: «L’image de la femme dans les médias laisse à désirer. Certains clichés impactent sa dignité et ne donnent aucune valeur ajoutée en matière d’information. Il est temps de remédier à ces lacunes».
Encadré : S’inspirer des meilleures pratiques à l’international
L’élaboration de la charte a nécessité beaucoup de temps pour son élaboration. Le CNP a privilégié l’approche participative dans laquelle il a impliqué des instances et des personnalités de différents horizons (académiques, médiatiques et droits de l’homme...).
Ses dispositions sont inspirées des expériences de certains pays développés, mais également des nouveaux concepts introduits dans les conventions internationales, liées essentiellement à l’essor des technologies de l’information. Il faut noter que la charte ne peut se substituer aux lois et textes en vigueur.
Certains éléments sont déjà encadrés et sanctionnés par la loi comme la diffamation, l’incitation à la haine ou l’apologie de la violence, mais son objectif est d’instaurer un ensemble de règles de bonne conduite pour le travail des journalistes.