Depuis avril 2024, Yasmine El Kerouani occupe la fonction de directrice des contenus et de l’innovation chez Medi1. Hôte du podcast «Femmes d’aujourd’hui et sa version Homme», elle explore les enjeux liés à l’innovation dans le secteur audiovisuel. Entretien
Propos recueillis par Ibtissam Z
Finances News Hebdo : Vous êtes à l’origine du lancement de Medi1 podcast et vous dirigez les contenus et l’innovation chez Medi1. Mais vous êtes surtout connue en tant qu’animatrice du podcast Femmes d’aujourd’hui. Pourquoi cette facette est-elle plus mise en avant ?
Yasmine El Kerouani : Grâce à la vision de notre management, nous sommes trois femmes à porter le cœur de métier chez Medi1. Il y a Mariam Mrabet, directrice d’antenne, qui gère tout ce qui est production et diffusion technique du contenu ; Majdouline Benchrif, directrice des rédactions de Medi1 ; et moi-même, en charge du développement de nouveaux concepts d’émissions et podcasts afin d’accompagner les avancées de notre pays et de notre continent.
Pour revenir à votre question, vous avez raison, mais je n’avais jamais pris le temps d’y réfléchir auparavant. Je dirais que ce sont surtout les produits que je développe en coulisses qui retiennent l’attention. Voir mes équipes épanouies, les voir développer de nouveaux projets et explorer de nouveaux concepts me nourrit pleinement. Et puis Femmes d’aujourd’hui est une belle plateforme.
C’est le podcast de la femme marocaine par excellence, avec plus de 400 épisodes, des histoires vraies, des témoignages et une vraie communauté. Donc, je suis doublement nourrie.
F.N.H. : En tant que directrice des contenus et de l’innovation chez Medi1, comment définissez-vous l’innovation dans le secteur des médias ? Quelles actions concrètes mettez-vous en place pour la promouvoir au quotidien ?
Y. E. K. : L’innovation, pour moi, consiste à créer un dialogue constant entre tradition et modernité pour répondre aux attentes évolutives des audiences. À Medi1, l’innovation passe par l’audace de questionner les formats établis et de s’adapter aux nouveaux usages digitaux. Nous avons la chance d’avoir une histoire en tant que média, un capital de crédibilité, de sérieux et de compétences. Partant de ce socle solide, l’innovation se fait aussi de façon structurée et réfléchie.
Aujourd’hui, il est facile de se laisser duper par des solutions faciles pour « récolter » de l’audience linéaire ou digitale, mais lorsqu’on est un média avec 44 ans d’histoire, on a une réputation à préserver et un avenir à honorer. Ce n’est pas toujours simple, mais quand on est alignés et enracinés, on s’accroche à ses principes.
Concrètement, nous testons régulièrement de nouveaux concepts. En matière d’innovation, nous avons été précurseurs en lançant Medi1 podcast en décembre 2020. Aujourd’hui, nous avons une plateforme qui met à disposition des utilisateurs du contenu exclusif, pas forcément sur nos ondes. Nous produisons des podcasts natifs tout en veillant à préserver et à cultiver notre crédibilité dans tous les aspects de l’innovation.
Par exemple, avant de lancer Medi1 podcast, nous avons cherché à comprendre, de façon structurée et scientifique, la différence entre un rendez-vous radio et un podcast, surtout quand le format audio était encore dominant. Puisque nous sommes une radio, l’audio est notre spécialité. Nous aurions pu tout simplement rebaptiser nos émissions radio en podcasts, mais c’est précisément cette notoriété construite sur des décennies qui nous pousse à aborder l’innovation avec sérieux et méthode.
Aujourd’hui, nous continuons à évoluer avec d’autres formats, notamment la vidéo, car le monde des médias est en mutation. Pour nous, ces changements sont des opportunités de développement plutôt que des défis. Nous sommes un jeune média de 44 ans !
F.N.H. : Si l’on remonte le temps, quel a été l’élément déclencheur de votre passion pour les médias et quels ont été les moments clés qui ont façonné votre parcours ?
Y. E. K. : J’aurais aimé vous répondre de façon poétique et romantique, mais c’est véritablement un concours de circonstances qui m’a amenée chez Medi1 pour un stage d’été en 2003. Un an après, à la fin de mes études universitaires, je signais mon contrat d’animatrice. Ensuite, chaque étape a renforcé mon engagement envers ce métier et m’a permis de voir les médias comme un espace d’impact, de connexion et de transformation.
F.N.H. : Vous vous définissez comme une spécialiste des médias, plutôt qu’une journaliste. Est-ce une façon de préserver une certaine liberté ? Quelles raisons vous ont poussé à opter pour ce choix ?
Y. E. K. : Pour moi, les choses sont simples. On est médecin quand on sort de la faculté de médecine, architecte quand on sort de l’école d’architecture, et bien sûr journaliste quand on sort de l’école de journalisme. Je n’ai pas fait l’Institut de journalisme, mais un bachelor en communication à l’Université Al Akhawayn, un master en médias à Kingston University London, et je termine actuellement mon MBA à l'École des Ponts. Je ne suis donc pas journaliste, mais un profil polyvalent dans les médias, qui apporte une perspective différente.
Grâce à ce parcours professionnel et académique, j’ai développé différentes compétences qui me donnent cette liberté de polyvalence. Mon expérience me permet d’aborder le média dans une perspective plus large et intégrée, alliant créativité, stratégie et vision globale.
F.N.H. : Votre thèse sur les différences entre la conception d’un podcast et d’une émission radio influence-t-elle votre approche actuelle du contenu médiatique ? Comment gérez-vous l’équilibre entre vos rôles créatifs et stratégiques tout en restant fidèle à votre vision ?
Y. E. K. : Absolument. Quand on passe six mois à décortiquer les différences entre podcast et émission radio, ces différences deviennent naturelles et évidentes. Elles s’imposent d’elles-mêmes lors de la conception, comme une sorte de sélection naturelle. Le créatif respecte alors de lui-même le stratégique et se met au service de la vision, car elle est claire.
F.N.H. : Le podcasting connaît une forte expansion. À partir de votre propre expérience avec Histoires de parents, Femmes d’aujourd’hui et sa version Homme d’aujourd’hui, quelles tendances clés observez-vous dans ce domaine ? Ce type de contenu génère-t-il un réel engagement des audiences ?
Y. E. K. : Ce contenu va au-delà de la notion d’audience et crée de véritables communautés, ce qui intensifie l’engagement. En préparant ma thèse, j’avais pu observer cette tendance dans les écrits, mais depuis 2020, je la vis dans la pratique. Le podcast est puissant dans ce sens.
Il est également devenu un outil de communication institutionnelle, car de nombreux organismes développent leurs propres podcasts. Cependant, le podcast ne génère pas encore de bénéfices financiers, en grande partie parce que l’écosystème reste traditionnel dans son approche marketing, passant à côté de clusters d’audience uniques générés par le podcast.
F.N.H. : Votre Executive MBA vous a permis d’acquérir une vision stratégique élargie. Comment cette formation a-t-elle influencé, voire structuré votre approche des médias et de la création de contenu ?
Y. E. K. : Cette formation m’a permis d’aborder les projets médias avec une approche plus intégrée, alignant objectifs éditoriaux et enjeux commerciaux. Elle a enrichi mes compétences en gestion de projets complexes, en stratégies d’innovation et en leadership, des aspects essentiels dans un secteur aussi évolutif que les médias.
F.N.H. : Allier une carrière exigeante à une vie personnelle épanouie est un défi. Comment parvenez-vous à maintenir cet équilibre entre vos responsabilités professionnelles et votre vie privée ?
Y. E. K. : Je pars du principe que l’équilibre parfait n’existe pas, tout simplement. Je suis pragmatique : chaque sphère de ma vie a sa place, et chaque moment mérite d’être pleinement investi. J’essaie de vivre chaque instant dans la sérénité.
F.N.H. : Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes souhaitant poursuivre une carrière dans le domaine journalistique ?
Y. E. K. : Formez-vous, soyez vraies et authentiques. Vous allez tomber, vous allez vous relever, et ainsi de suite... Il faudra l’accepter, mais ne laissez personne vous amoindrir. Pour cela, je reviens à la formation : étudiez !
F.N.H. : Enfin, quel est votre plus grand souhait pour l’avenir ?
Y. E. K. : C’est un secret pour l'instant...