Dans ses gestes, Taoufiq Izediou sculpte l'espoir, unissant les corps en une danse, brisant les liens du désespoir. «Hmadcha» bat au rythme des battements du cœur, la danse devient un chant, une symphonie d'une nouvelle vigueur, une symphonie de mouvements. Secouant.
«La pièce Hmadcha vient combler le vide créé dans l’espace et le temps de notre existence de danseur et d’humain qui s’est trouvée menacée par l’invisible. Un invisible virus tout à fait inconnu au début et qui prend forme et se matérialise au fond du corps de chacun et simultanément dans le monde entier, intime et universel à la fois.
Cet inconnu immobilisant nos âmes et nos corps, nous mettant face au mur et nous poussant vers une certaine léthargie. La léthargie n’appartenant pas au lexique d’un danseur ni d’un chorégraphe, j’ai attisé la flamme qui couvait pour au contraire abattre le mur, faire face à l’invisible et au vide.
Ce mur qui peut être parfois aussi de lumière, capable d’éclairer jusqu’au fond de chacun, au point de nous aveugler, de nous détacher de notre existence contingente, de nous éclairer de sa signification particulière pour chacun : est-ce un père, un pouvoir, une société invisible qui dirige le monde, un inconnu, l’Inconnu…? Cet inconnu universel à qui l’universalité de la danse peut donner une forme, un sens, voire une âme. Oui, c’est cette âme que j’ai cherché à faire sentir aux autres et à moi-même avec la création de la pièce Hmadcha.
La pièce Hmadcha est inspirée par les célébrations spirituelles de la confrérie soufie du même nom fondée par Sidi Ali Ben Hamdouche à la fin du XVIIème siècle aux environs de Meknès au Maroc et s’étendant aujourd’hui dans tout le Maghreb. Les membres de cette confrérie, regroupés en troupe traditionnelle, dansent et célèbrent autour d’instruments à vent et de percussions, alliant musique, poésie, rythme et transe dans une quête spirituelle individuelle et collective.
C’est la quête de la transe qui a guidé au cours de l’année 2020 ma réflexion sur la création de Hmadcha, dans laquelle je mets en présence l’univers des Hmadchas avec d’autres univers spirituels, tels que Zar, Derviches, Vaudou.… Ces influences en synergie avec l’épuisement du corps par la danse aboutissent à une véritable acmé, la transe. J’ai cherché à faire de Hmadcha à la fois une pièce chorégraphique à caractère très plastique et une pièce emblématique du ‘’sauvetage’’ de la danse contemporaine au Maroc dans une époque à l’arrêt.
Montrer avec cette création de groupe impliquant plusieurs générations de danseurs professionnels, qu’au-delà de l’arrêt du pays et de son économie imposé par la pandémie, la danse contemporaine a survécu au Maroc et dans le monde, quoi qu’il en coûte».