Le week-end dernier, Fnideq a été le théâtre de tentatives massives de passage vers Sebta. Des centaines de jeunes, attirés par des appels sur les réseaux sociaux, ont tenté de franchir la frontière.
Par Y. Seddik
C'est une histoire qui n’est pas nouvelle, mais cette fois-ci, elle a malheureusement pris des allures tragiques. Les espoirs, tout comme la frustration, montaient, alors que ces jeunes - dont beaucoup de mineurs - aspiraient à passer de l'autre côté de la frontière. Ce week-end là, la situation a même dégénéré en émeutes, malgré un renforcement significatif des mesures sécuritaires par les autorités.
Résultats : des blessés graves des deux côtés et un climat tendu. Aujourd'hui, et quelques jours après ces événements, la tension reste palpable, tandis que les interrogations s'accumulent sur les causes profondes et le silence des autorités face à cette crise. Les affrontements de ces nuits-là ne sont pas nés du hasard. Il y a un déclencheur, un fil conducteur bien réel : les réseaux sociaux.
Sur Facebook et TikTok, des messages circulaient, incitant les jeunes à foncer vers Sebta, à tenter leur chance malgré les dangers. La campagne était orchestrée, bien ficelée. Mais les autorités, sous pressions, ont pu heureusement gérer la situation. Cela soulève une question troublante : comment un simple message, anonyme et virtuel, a-t-il pu provoquer une telle flambée de violence dans le monde réel ? Où s'arrête la liberté d'expression sur ces plateformes, et où commence la responsabilité de ceux qui y délivrent des messages ?
La jeunesse à la dérive, des autorités muettes
Ce qui frappe également dans ces événements, c’est l’âge des protagonistes. Ils sont jeunes, trop jeunes. À peine 15 ans pour beaucoup d’entre eux. Ils viennent de Fnideq, mais aussi d’autres régions du Maroc; et même de plus loin, des pays voisins et des pays de l’Afrique subsaharienne. Pour ces jeunes, l’Europe est le mirage qui attire. Derrière ces visages juvéniles, se cache cependant un échec patent : celui des parents, dépassés par la pauvreté, incapables de protéger leurs enfants du désespoir. Celui aussi du système éducatif marocain, absent là où il devait être un rempart contre l’errance et l’isolement.
Que faire quand des jeunes, déscolarisés, se retrouvent happés par des discours trompeurs sur les réseaux sociaux, faute d’un cadre pour les guider ? Le silence des autorités durant ces incidents du week-end est peutêtre l’aspect le plus déroutant de cette affaire. Aucun communiqué, aucune déclaration n’a été émise pour rassurer, prévenir et expliquer. Ce vide de communication a laissé place à la désinformation. Pourquoi les autorités sont-elles restées silencieuses ? Craignaientelles de légitimer ces appels à l'immigration clandestine en les mentionnant ? Une chose est sûre: dans cette situation, le silence n'était certainement pas la meilleure solution. Même les médias publics marocains ont fait l’impasse sur cette crise, eux qui sont pourtant censés être la voix de la nation. Etait-ce une volonté de ne pas attirer l’attention internationale sur une situation délicate à gérer ? Toujours est-il que ce mutisme n'a fait qu'exacerber le sentiment de déconnexion entre le gouvernement et les citoyens.
Comment casser la spirale ?
La question demeure : que faire face à ce genre d’incidents ? Certes, une réponse sécuritaire est nécessaire, mais pas suffisante. Réguler les contenus incitant à la violence sur les réseaux sociaux est une priorité. Mais il faut aussi aller plus loin. Autrement dit, réhabiliter le rôle de l’éducation, renforcer l’implication des familles, et surtout, anticiper. Cette crise place à l’évidence le gouvernement face à ses responsabilités. Il est désormais urgent de mettre en place des politiques publiques efficaces, destinées à offrir à ces jeunes des perspectives d'avenir pour que de tels événements ne se reproduisent.