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Coronavirus : Le milieu associatif plus mobilisé que jamais, mais il manque de moyens

Coronavirus : Le milieu associatif plus mobilisé que jamais, mais il manque de moyens

Entre sensibilisation et apports de dons, des associations font appel aux bienfaiteurs pour aider les familles et les personnes démunies. Témoignages.

 

Par C. Abounaïm

 

Une crise sanitaire, qui a engendré une crise économique et un confinement. Du jamais vu pour le citoyen marocain qui est depuis plusieurs semaines, perturbé par cette pandémie mondiale.

Dans pareilles circonstances, la responsabilité ne peut reposer sur les seuls pouvoirs publics. La société civile doit s’organiser pour faire face à l’épidémie, décliner les mesures de précaution dictées par les pouvoirs publics, et venir en aide aux personnes touchées, notamment les plus vulnérables. C’est la première des priorités.

 Toutefois, la tâche est lourde ! Car ce changement brusque a privé les travailleurs précaires de revenus. Ils sont en majorité des journaliers, et pour quelques-uns des commerçants modestes. Les initiatives sont nombreuses et des associations s’efforcent d’attirer l’attention sur la situation de ces personnes. Des paniers, des bons d’achat ou encore des salaires maintenus font l’objet des efforts de plusieurs d’entre elles. Certaines d’entre elles nous ont fait part de leur quotidien en cette période de crise.

 

Les associations montent au front

C’est le cas de l’association Tiflet Young Leaders Network. Son président, Nabil Tlayhi, témoigne. «En cette période de crise, nous avons travaillé sur deux volets. Le premier a consisté en la sensibilisation à travers des vidéos pour inciter les citoyens à rester chez eux et respecter les mesures d’hygiène. Le deuxième avait pour but de se solidariser avec les personnes démunies et celles qui ont été affectées par cette crise. Nous avons pu collecter une somme respectable, qui nous a permis d’aider une soixantaine de familles jusqu’à ce moment».

Mohamed Jalil Sentissi, représentant l’association Ndir lkhir, affirme pour sa part que l’association «offre aux familles démunies plusieurs types de dons. Des paniers sont distribués dans les campagnes et des aides financières de 300 à 500 dirhams sont octroyées tous les 15 jours dans les villes, notamment à Casablanca. Concernant les campagnes, nous opérons avec des associations sur place, qui s’occupent de la livraison tout en respectant les mesures sanitaires convenues. Notre association travaille en trois phases : la première a fait bénéficier 1.300 familles, la deuxième, qui est en cours, concerne 2.000 familles et la troisième dépend des dons que nous allons récolter».

L’association Al Ikram, dirigée par Afaf Berrada, explique également son action. «Nous nous sommes mobilisés pour procéder à un recensement des familles les plus défavorisées de nos bénéficiaires spécifiquement ceux habitant au quartier Ben Msick. C’est ainsi que nous avons consenti une aide financière à plus de 40 mères de famille faisant partie de notre projet Dar Al Ousra par une mise à disposition à travers les guichets Wafacash. Etant donné que le nombre moyen de personnes par famille est d’environ 5 personnes, nous avons estimé que cette aide a bénéficié à 200 personnes. Mais ce n’est que le début, et nous ne nous arrêterons pas là, car nous comptons renouveler cette aide à d’autres bénéficiaires qui sont dans le besoin et qui attendent de l’aide».

 Les conséquences dramatiques en termes sanitaires font que le Covid-19, par le confinement qu’il impose, est un facteur et un démultiplicateur d’inégalités et d’exclusion. Les personnes vulnérables, en situation précaire, victimes de violences conjugales et parfois sans domicile fixe, ne doivent pas être oubliées. De nombreuses initiatives, associatives et citoyennes, ont ainsi vu le jour pour y remédier.

De même, plusieurs associations ont choisi de poursuivre sur le terrain, dans la mesure du possible, leurs activités de première nécessité.

Myriam Benzakour, directrice de l’association Jood, nous parle elle aussi de la forte mobilisation pour les sans-abris. «Face à l’épidémie du coronavirus, plusieurs centres de confinement ont été ouverts au profit des sans-abris. Vu l’urgence de la situation, le dispositif lancé s’est fortement accéléré en coordination avec l’INDH, l’Entraide nationale et les autorités pour augmenter la capacité d’hébergement. Pour garantir que toutes les opérations se déroulent dans les meilleures conditions, Jood a pu assurer, grâce aux contributions de tous les Joodeurs, bénévoles, donateurs, partenaires, pour plusieurs centres des cabines de douche avec chauffe-eau, des matelas, couvertures, vêtements, produits d’hygiène ainsi que des repas tous les jours. En parallèle, pour une autre catégorie de population qui s’est retrouvée sans ressources pendant cette période de confinement, nous avons pu assurer un montant de 1.000 dirhams par famille, en collaboration avec Cash Plus et grâce aux dons de nos partenaires. Depuis le début du confinement, nous avons ouvert 3 centres à Casablanca, d’une capacité d’hébergement totale de 400 personnes. Un centre à Marrakech et un autre à El Jadida ont vu le jour, en attendant l’ouverture d’autres centres de confinement que nous sommes prêts d’accompagner de la même manière. Nous avons aussi octroyé des subventions de 1.000 dirhams aux 550 familles démunies jusqu’à maintenant, et le chiffre est susceptible d’augmenter dans les prochains jours, selon les fonds reçus».

Pour l’Association Bayti qui prend en charge les enfants orphelins et les sans-abris, sa directrice Malih Amina nous confie son quotidien. «Bayti possède deux structures d’hébergement, dont une à Casablanca et l’autre à la ferme école de Sidi Allal Tazi ainsi que 2 structures de jour à Casablanca et à Essaouira. Pour protéger les enfants, nous avons fermé la structure de jour à Essaouira et avons soutenu les familles pour les aider à surmonter leur difficulté financière par des dons en nature. Nous travaillons actuellement en étroite collaboration avec les autorités pour leur allouer des bourses financières durant toute la période de confinement, tout en gardant le lien avec les enfants sur la question du soutien scolaire et le soutien moral. A Casablanca, nous avons gardé le centre de jour ouvert pour subvenir aux besoins des familles en denrées alimentaires et produits d’hygiène. Nous soutenons la scolarité à distance avec les enfants tout au long de la période de confinement. Au niveau des structures d’hébergement à Casablanca et à la ferme école de Sidi Allal Tazi, les enfants ne sortent pas des structures. Les éducateurs, assistantes sociales et les femmes de service se sont portés volontaires et sont confinés avec les enfants 24 h/24 et 7j/7 durant toute la période. Un programme éducatif, des activités pédagogiques et ludiques sont mises en place ainsi que le soutien psychologique via Skype sont assurés par notre psychologue 2 fois par semaine. Bayti travaille également dans la rue avec les enfants et les jeunes (Marocains et subsahariens) en leur apportant soutien moral, sensibilisation, nourriture et hygiène en étroite collaboration avec les autorités pour trouver des abris à cette population vulnérable et plus exposée au Covid-19».

Même son de cloche chez l’association Riayat Ibn Assabyl comme le souligne  Houda Sefiani, responsable de la communication de l'association : «L'association Riayat Ibn Assabyl qui œuvre dans la protection et dans l'éducation de 120 enfants abandonnés à travers la gestion de deux établissements de protection sociale nommés Dar Lmima. L'aide à distance aux familles a porté sur la protection de 120 enfants qui hébergent dans les centres Dar lmima à travers des campagnes de sensibilisation face à cette pandémie, la désinfection des lieux par la préfecture de Médiouna et la mise à disposition au profit des enfants de gel antiseptique, gants… Nous aménageons aussi les salles d'informatique afin que nos enfants bénéficient de l'accès à la plateforme de l'école en achetant des téléphones portables pour communiquer avec les professeurs via WhatsApp. Vu que nos enfants suivent leurs études dans des écoles privées, nous recrutons des éducateurs/éducatrices afin d'assurer un bon suivi scolaire et d'être en contact permanent avec les responsables pédagogiques des écoles. Nous prenons en compte aussi la psychologie de nos enfants en réalisant un planning d'activité hebdomadaire afin qu’ils ne s’ennuient pas (atelier cuisine, bricolage, peinture, séances de yoga...) tout en faisant leur suivi à distance avec des coachs pour les enfants qui ont besoin d'un suivi psychologique ainsi que pour le personnel afin de les accompagner, les écouter et les encourager dans cette période de crise».

L’association Insaf est également sur le terrain, au chevet des plus démunis. Sa présidente, Meriem Othmani, affirme «depuis le début de la pandémie, nous avons appris que les villages dans le monde rural étaient dans une profonde détresse, la sécheresse a fait des ravages, les paysans ont déjà tout vendu pour survivre, et maintenant les souks sont fermés. Nous avons donc décidé de les aider, les autorités locales nous ont remis les listes de 150 familles. Nous avons fait appel à des donateurs pour financer les denrées alimentaires et avons préparé les colis que nous avons acheminés vers les 2 zones des 2 provinces du Haouz et de Chichaoua. Pour respecter les mesures sanitaires, les colis sont restés 48 h en quarantaine avant d’être envoyés. Jusqu’à présent, nous en avons distribué 330 et nous finalisons notre plateforme logistique Covid-19 pour pouvoir travailler de façon plus professionnelle».

Les associations insistent sur un point crucial : il est temps de penser à l’après-pandémie. Le mouvement associatif, comme il le fait depuis des années, appelle à une profonde transformation des approches économiques et sociales, pour bâtir une société plus durable, plus juste et plus solidaire. Les associations ont un rôle fondamental à jouer dans ces transformations. Actrices d’une économie non lucrative, sociale et solidaire, elles seront un acteur central indispensable pour la réparation des dégâts humains et sociaux que la crise sanitaire a engendrés. ◆

 

Appels solennels à la solidarité

L a crise sanitaire que nous vivons et ses différents impacts rappellent à quel point la solidarité, l’entraide, l’intérêt général sont des valeurs primordiales dans nos sociétés. Des valeurs que ces associations continuent de porter et de diffuser, malgré le lourd impact de la crise sur leurs activités sociales et économiques. Ce travail nécessaire ne doit pas cacher les lourdes conséquences de la crise sur les associations, car certaines d’entre elles ont dû arrêter leurs activités pour faire face à cette crise.

Pour quelle raison ? Les réponses vont dans le même sens : Le manque de ressources issues des dons, une société beaucoup plus occupée par son propre intérêt. Quelques unes se sont confiées à nous, et tirent la sonnette d’alarme : «Notre message est simple, nous ne faisons pas de la charité. Aujourd’hui, nous vivons dans un état de crise, la solidarité est devenue une obligation plutôt qu’une valeur morale. Les Marocains sont connus depuis la nuit des temps pour leur générosité et solidarité pendant et en dehors des moments de crise».

Association Ndir lkhir : «Malheureusement, nos seules ressources actuellement proviennent des personnes proches que nous sollicitons».

Association Bayti : «Nous traversons actuellement une crise financière aiguë, ce qui met la pérennisation de ces activités en danger et la situation devient plus grave dans ces conditions qui impactent le monde car nous risquons de perdre nos bailleurs de fonds étrangers, qui couvrent 50% de notre budget annuel. Nous avons besoin de soutien pour pouvoir toucher plus d’enfants et de familles en détresse durant et après cette période de confinement. Nous comptons sur le soutien des citoyens».

Association Al Ikram :  «Nous traversons une période délicate où chacun de nous a besoin de l’autre. Il est utile de faire actionner la chaîne de solidarité qui peut aller de l’aide alimentaire, à celle des produits d’hygiène et du don de sang, à celle encore de faciliter les moyens de communication pour accéder aux cours scolaires. La solution encore à cette maladie est collective ! Soyons solidaires, nous y gagnerons tous !»

Association Riayat Ibn Assabyl :«Notre association lance un appel aux dons à tous les grands cœurs, pour nous aider et par la même occasion permettre à tous nos enfants, éducateurs et éducatrices... restés confinés dans les deux centres de l'association de poursuivre leurs activités de manière normale. D’un autre côté, l'association souhaite maintenir ses actions actuelles et inhabituelles et lancer d'autres actions de solidarité telles que la distribution de 60 autres paniers alimentaires au profit des familles nécessiteuses. A cet effet, nous sollicitons la générosité de nos citoyens afin de nous aider à mener à bien cette initiative».

 

 

 

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