Hanan s’échappe du quotidien où la normalisation prédomine, et brille sur des toiles lumineuses.
«Aux artistes comme aux saints nous demandons la grâce, affirmait Elsa Morante, difficile de répondre à nos questions les plus désespérées et les plus confuses, mais ce n’est que certains d’entre eux qui semblent nous promettre la réponse, comme des parents à nous qui, au-delà des frontières et des dates, nous parlent dans notre langue maternelle».
Pinceau acéré et toile singulière, depuis ses premières œuvres, une évidence s’impose : Hanan Bouanani est une artiste inclassable. Dans ses toiles une orgie de couleurs vous happe. Vos yeux, une fois dessillés, discernent une farandole de silhouettes composant un théâtre de figures mystérieuses où le spectateur est progressivement saisi d’un sentiment d’ «arrière-rêverie».
Hanan Bouanani, c’est plutôt la femme. La femme comme motif. La femme qui circule entre ses différentes toiles. Les sujets de Hanan rôdent. Ils vous hantent. Ils sont plusieurs, une armée même, entretenant entre eux une étrange ressemblance. Tous, préservent un secret, à vrai dire, le mieux enfoui chez l’artiste. Leur regard est baissé, fuyant. Parfois, leurs yeux sont lardés dans les nôtres. Hanan jette à la face du public un motif lacéré, contorsionné, distordu, trituré, criant, donnant à voir un abrégé noir de la condition féminine. L’œuvre n’est pas cependant toute entière apologie du corps et jouissance du regard. La fatigue, la dévotion et la passion se voient à nu dans leur attitude avachie et regards comme absents. Dans sa peinture, Hanan se préoccupe le plus souvent de ses semblables. Aucun paysage, aucune nature, nulle trace de bestiaire dans son monde. Seule la femme la hante et la poursuit.
Sa passion pour la peinture se mesure au nombre fou de carnets, dessins à l’ecoline, encre de chine sur papier, gouache sèche sur kraft, technique mixte sur toile, formes qui représentent la femme, figures complètes ou incomplètes, seules ou en groupe, nues ou vêtues. La plupart du temps à l’aquarelle, parfois à l’acrylique, les portraits de Hanan sont tout autant composés de vide que de plein. Le blanc, en réserve de la feuille ou de la toile, est à peine traversé de la ligne tremblante d’un contour, de l’application d’un lavis venant troubler la forme plutôt que circonscrire ses contours au moyen de pleins et de déliés. On trouve chez l’artiste des toiles aux couleurs chaudes et froides, sourdes et vives, où le monde est figé, le temps suspendu, mais le regard aimanté. Il aimerait pénétrer à l’intérieur des espaces et des êtres.
Le dessin et la couleur sont mobiles, lignes étirées et filées, couleurs jaillissantes et virevoltantes. La main de l’artiste danse. Hanan danse. Ainsi elle peint, et fait éclater une véritable ivresse de la couleur pure. Ses « heureuses » sont séduisantes et entêtantes. Sensuelles et jouissives, elles titillent nos préceptes de pureté. Pour y voir clair, il faut s’approcher. Voilà un art faisant de l’effet !
Par Reda K. Houdaifa