Voici deux ouvrages, au trait philosophique, d’actualité, pour réfléchir autrement, s’ouvrir à d’autres modes de pensées et élargir le champ de nos connaissances.
La question qui fait écho à un dilemme fondamental : «Maroc, de quoi avons-nous peur ?»
Intrigué par une chronique de Nancy Houston qui s’attache à prouver que la peur est constitutive de l’humain, Et-Tayeb Houdaïfa enfonça le clou par une chronique, parue en 2013, dans laquelle il affirme que «bien que nous nous voilions la face, refusions de l’admettre, parce que cela nous fait honte, la peur y est omniprésente. Si omniprésente en nous que nous négligeons d’en tenir compte (…) nous sommes constamment en proie à la peur, qui nous glace, fige, pétrifie, ce qui explique notre inertie… mais ne la justifie pas».
Réalisé sous la direction d’Abdelhak Najib et Noureddine Bousfiha, «Maroc, de quoi avons-nous peur ?», préfacé par Faouzi Skalli, président du festival de Fès de la culture soufie, est un échappé châtié dans lequel 54 auteurs, penseurs, analystes et artistes, déclinent leurs réflexions sur «la peur» dans une société contemporaine ayant connu «une formidable évolution» mais aussi «un énorme bouleversement».
«Cet ouvrage montre parfaitement qu’aujourd’hui le Marocain est perdu. Il rêve d’un Etat-providence, qui aurait les moyens d’assurer une couverture sociale à 100%, le plein-emploi, la vie pas chère et la gratuité totale des services publics (…) Ces auteurs savent et mesurent à quel point la population a des raisons de désespérer, et ils ne veulent le taire, car ils savent également qu’au Maroc, nous avons aussi de nombreuses raisons de nous réjouir, il faut le dire (…) Finalement, nous devons nous accorder sur le principe qu’avoir peur, c’est reconnaître le danger. En parler, c’est le combattre. L’avenir se dessine ainsi et à cette occasion !», lit-on dans le préambule de Jean-Marie Heydt, docteur en sciences de l’éducation, auteur, universitaire et chercheur.
«Coronavirus, la fin d’un monde»
Ecrit, par Abdelhak Najib et docteur Imane Kendili, sur un mode synthétique et simple, il s’adresse aux jeunes comme aux plus âgés(es) pour les mener vers une pensée illuminée et les faire sortir de l’ignorance et/ou du désespoir. Car les y attendent des clés pour réussir leur vie et retrouver la joie de vivre.
Vivre c’est se mettre au monde plusieurs fois : la première naissance est évidente, physique, les autres passent parfois inaperçues. Une vie, avec ce qu’elle nous donne et nous inflige, suppose de chercher profondément en soi les ressources, s’adapter, faire naître en nous, à chaque étape, un être renouvelé, amélioré, plus mûr, plus dense.
Une vie pour se mettre au monde, c’est une vie pour apprendre à faire corps avec ce qui advient, les joies et les drames; une vie pour faire de son existence un tout, décousu parfois mais unique, une vie surtout pour apprendre à rester dans l’émerveillement. On sort de cette lecture extrêmement positif et joyeux, quel que soit son âge.
«De par le passé, le monde a connu des bouleversements systémiques. Avait-on tiré des leçons ? Non. Comme si les protagonistes n’appartenaient pas moins à leur époque. On n’avait fait qu’accuser l’ambivalence de deux attitudes. D’un côté, la rhétorique de la provocation et de l’arrogance, et de l’autre, celle du fatum où l’on accepte dans la résignation, l’horreur. Triomphe de la pensée monolithique qui protège autant qu’elle opprime. A l’origine de toutes les catastrophes, il était aisé de les attribuer au «Mektoub», au lieu de les expliquer par l’anomie dans une société qui perdait chaque jour un peu plus ses repères. Nous avions confié à des simples le soin de nous guider», souligne Noureddine Bousfiha dans l’avant-propos.
Bienvenue dans un livre où philosophie s’interpelle pour offrir, chacun à sa manière, quelques éléments de réponse à la question : liberté, dites-vous ? Dans «coronavirus, la fin d’un monde», nous y découvrons également l’enjeu de l’après pandémie; un monde à la dérive, déjà éclaté, entre prédiction et nihilisme, sérénité et résilience, discordance et frustration; un monde tiraillé par les dérives des continents et celle humaines, des tics et des tocs…
D’une forme d’humour empruntant à l’absurde sans s’y laisser emprisonner, recouvrant aux inversions logiques sans en faire un système, «Coronavirus, la fin d’un monde» nous invite à réfléchir. De quoi, en somme, donner un sens à «la vie normale».
Prenant leurs plumes, comme on tire une épée, les auteurs ont essayé de donner une réflexion de fond sur l’asile, l’identité, la compensation, la catharsis, la sexualité, le couple, le digital.
Les œuvres picturales qui accompagnent cette réflexion sont signées Nadia Chellaoui. Elles ont été pensées et conçues pour cet ouvrage. L’artiste exprime la vision du peintre de ce monde actuel et de celui qui se profile. Une réflexion en ligne et en formes sur le passé, le présent et le futur.
Par R.K.H