Les Marocains sont de plus en plus enclins à utiliser le m-banking pour gérer leurs finances.
Les banques de la place rivalisent pour développer leur présence dans la sphère mobile.
Par Y. Seddik
Au Maroc, comme partout dans le monde, la relation banque/client connaît de nouveaux standards. Les applications mobiles sont devenues beaucoup plus qu’une simple extension électronique de la banque. Plus la peine pour le client de se déplacer et d’attendre des heures pour effectuer un virement ou un dépôt. Tous les services bancaires sont accessibles 24/7 sur smartphone. Une disponibilité qui fait aujourd’hui la force du mobile-banking.
«Au Royaume où le taux de pénétration atteint les 124% (43 millions de mobiles pour une population de 36 millions d’habitants), les réflexes de consulter son compte bancaire sur smartphone, ou encore celui de réaliser ses paiements de factures via son mobile, ne cessent de prendre de l’ampleur d’une année à l’autre», témoignent les responsables de Al Barid Bank (ABB).
L’accès à la banque à distance - à ne pas confondre avec la banque en ligne, qui concerne les établissements bancaires ayant fait le choix d’opérer uniquement en ligne, par le biais d’une agence virtuelle - fait désormais partie des services de base de tous les jours, pour une bonne partie de Marocains. En 2018, le nombre total des transactions de paiement effectuées au niveau national via le canal m-banking s’est élevé à 7,7 millions d’opérations.
Le taux d’utilisation, par les clients bancarisés, des canaux digitaux (Internet, application mobile) atteint aujourd’hui près de 40%, avec d’ailleurs une proportion plus importante d’utilisation des applications mobiles que des services Internet classiques, communément appelé l’e-banking. A titre de comparaison, ce taux était d’à peine 15% au Maroc il y a 3 ans et se situait à 60% en France en 2017, selon une étude réalisée par le cabinet Ailancy.
L'évolution de la fréquence d'utilisation des différents canaux de relations banque/clients a tout autant changé. L’étude en question relève à ce titre une baisse de la fréquentation des agences bancaires. Ainsi, la proportion de clients déclarant se rendre au moins une fois par mois en agence au Maroc est passée de 80% en 2014 à 60% en 2017.
Il est vrai que les raisons d'aller en agence ont tendance à se réduire. Si l’on considère les opérations de caisse par exemple, il faut savoir que seul 1 retrait sur 10 environ se fait aujourd’hui en agence contre 9 sur 10 sur des GAB, et que les banques accélèrent leur équipement en automates pour les dépôts d’espèces, de chèques, etc.
Si l'agence reste le canal privilégié pour les démarches plus complexes, comme l’ouverture d’un compte, elle diminue toutefois en fréquentation. Internet et le mobile sont désormais utilisés par un quart des clients. La digitalisation bancaire est décidément en voie d’intégrer les habitudes des Marocains.
Chez Al Barid Bank, en 2018, plus de 9 millions d’opérations de paiements Barid Bank Mobile (BBM) ont été effectuées, contre 3 millions une année auparavant. Autre chiffre sur cette tendance en 2019 : plus de 3 millions d’opérations BBM enregistrées à fin mars 2019, contre 1,7 million en 2018.
Attijariwafa bank, plus discrète sur son activité digital, ne cesse de rafler des parts de marché grâce à sa banque en ligne «L’bankalik». A fin 2018, le groupe compte environ 450.000 clients actifs en ligne ainsi que plus de 7 millions de connexions par mois.
Attijariwafa bank recense également près de 6 millions de transactions réalisées sur le digital en 2018. La part de la banque du digital dans les transactions du Groupe s’est ainsi consolidée de 24,6 points en une année.
Chez Crédit du Maroc, pour qui «le mobile banking constitue un champ d’investissement continu», ce sont pas moins de 10.000 transactions qui sont effectuées chaque mois sur le portail de le banque en ligne. Un chiffre amené à «progresser très rapidement» avec le lancement, dès cette année, d’une nouvelle application mobile et d’un nouveau web banking.
«Cette tendance dénote du degré de maturité du canal digital qui constitue, sans nul doute, un gisement de croissance et de compétitivité pour les banques, dans un contexte où conquérir et fidéliser ses clients n’a jamais été aussi primordial», constate la direction d’Al Barid Bank.
Ce «gisement de croissance» pousse les banques de détail à faire la course pour développer leur présence dans la sphère mobile. Elles rivalisent d'inventivité pour satisfaire ces nouveaux besoins. Pour elles, le recours au mobile dépasse évidemment le périmètre des services de paiement.
Pour ABB, «fournir une expérience mobile positive est devenue, au cours des dernières années, la clé de recrutement et de fidélisation de la clientèle, en particulier auprès des jeunes».
Pour parvenir à cette finalité, les approches adoptées divergent. Les réseaux historiques se servent des outils digitaux comme un moyen pour permettre aux conseillers clientèle de se focaliser sur des services à plus forte valeur ajoutée. Pour d’autres, l’enjeu de proximité client est d’autant plus important, reposant notamment sur une logique «Consumer-centric» (centrée-client).
Pour l’heure, peu ont élaboré des Business Case clairs sur le sujet. L’approche d’Al Barid Bank en la matière s’avère néanmoins complète. «Barid Bank Mobile est aujourd’hui adoptée par une majorité de clients, qui ont vite saisi la valeur ajoutée des services proposés dans notre offre de mobile banking, qui, par ailleurs, a gagné en maturité avec les années, et ce essentiellement en raison de la commodité d’usage et une tarification avantageuse», explique le top management.
Depuis 2014, date à laquelle ABB a investi le canal mobile, la part du digital dans les transactions du groupe est en constante évolution. Les réalisations enregistrées à fin mars 2019 montrent que 16% du total des transactions réalisées par Al Barid Bank passent par le canal mobile contre 2% en 2016.
Ce succès grandissant s’explique par la fluidification du parcours client, ce qui offre, in fine, une expérience client optimisée. En effet, ABB a pu capitaliser sur le déploiement d’une offre cohérente, qui réinvente de bout en bout le parcours client. La banque a lancé un grand chantier de digitalisation des parcours clients qui concerne une quarantaine de process, allant de l’entrée en relation jusqu’à l’octroi du crédit.
«L’amélioration du parcours client en ligne s’accompagne d’une expérience au niveau des agences. En ce sens, la stratégie digitale d’Al Barid Bank est basée sur une démarche omnicanal, qui offre aux clients une expérience fluide et une meilleure qualité de service matérialisée principalement par l’instantanéité et la disponibilité à tout moment. A l’ère du «phygital», le but de l’omnicanalité étant de permettre au client de démarrer une opération sur un canal et la conclure sur un autre canal, y compris en agence», soulignent-ils. ◆
Les récentes évolutions de l’écosystème de paiement mobile initiées par la Banque centrale et l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) donnent des marges importantes de progrès pour le m-banking et le m-paiement. «La nouveauté réside dans l’utilisation du téléphone comme moyen de paiement électronique entre le client final et le commerçant (BtoC), mais également entre le commerçant et son fournisseur (BtoB). La dématérialisation de l’argent et la possibilité de pouvoir faire ses achats par paiement mobile vont certainement encourager les clients à se servir du mobile, même pour les micro-paiements, du fait de la gratuité du service», analyse le management de ABB.
De quoi peser davantage sur les habitudes de consommation, et suivre l’exemple de plusieurs pays africains où le paiement mobile s’est avéré une vraie opportunité d’inclusion financière. Qui sait, peut-être que le changement de paradigme et la promesse d’une économie «Cashless» émaneraient de nos smartphones !
A l’analyse de la pyramide des âges au Maroc, nous relevons que 26% de la population ont moins de 15 ans contre 19% pour la France. Cette structure laisse présager l’arrivée d’une nouvelle génération de consommateurs dont le profil se caractérise par une meilleure familiarité avec le digital, d’où l’expression «digital native». Une cible particulièrement juteuse pour les banques marocaines.
Ces dernières, et depuis deux ans, lancent leurs offensives commerciales à destination de ces générations pour se faire remarquer. Sur la plupart de leurs portails Internet, une icône est parfois exclusivement réservée à cette catégorie de la population, à l'instar des professionnels ou des entreprises. Elles proposent même la gratuité des services pour ces «digital natives». En France, cette génération représente pas moins de 6 millions de nouveaux clients pour les banques et 4 millions pour les sociétés d’assurance !