- Le secteur des hydrocarbures risque de subir de profonds changements.
- La réflexion est engagée pour un plafonnement des prix des carburants.
- Le Conseil de la concurrence pourrait renaître de ses cendres.
Ça sent vraiment le gaz dans le secteur des hydrocarbures. Et ce, depuis le rapport de la mission parlementaire présenté récemment, qui a pointé du doigt, entre autres, les pratiques commerciales des professionnels du secteur.
En toile de fond de ce rapport : le pouvoir d’achat des ménages marocains. C’est devenu, depuis la campagne de boycott de certaines marques, un terrain sur lequel les politiques aiment s’exprimer, dans une approche parfois très démagogique. Particulièrement pour tenter d’apaiser la masse contestataire.
Cela légitime certainement qu’on veuille remettre en cause la libéralisation du secteur des hydrocarbures, initiée en 2015. Car, ce que semble dire le rapport, c’est qu’elle n’a pas produit tous les effets d’entrainement escomptés, au regard notamment du déficit des investissements consentis par les professionnels, de la qualité de certains produits et de certaines pratiques illicites…
Et, surtout, cette libéralisation a induit une augmentation substantielle des marges des distributeurs… sur le dos des consommateurs. Et dans un contexte marqué par l’augmentation du cours du baril de pétrole, qui flirte avec les 80 dollars actuellement, les prix à la pompe vont inévitablement s’inscrire en hausse. Et rogner encore davantage le pouvoir d’achat des ménages.
C’est ce que veut justement éviter le gouvernement. Une réflexion profonde semble être entamée pour redéfinir les règles du jeu dans le secteur des hydrocarbures. Mardi au Parlement, majorité et opposition ont parlé d’une même voix pour réclamer des mesures de plafonnement des prix des carburants. Plus clairement dit, le gouvernement a libéralisé, mais veut réguler en même temps.
D’ailleurs, le groupe PAM (Parti authenticité et modernité), qui a imputé au gouvernement la responsabilité de l’impact sur le pouvoir d’achat des citoyens, insiste sur la mise en œuvre de la loi sur la concurrence et la révision des lois encadrant ce secteur. Objectif : permettre au gouvernement d'intervenir chaque fois que les prix augmentent.
Conseil de la concurrence, le revenant
Plus surprenant encore, c’est la première fois que les députés demandent ouvertement l'activation du Conseil de la concurrence (CC). Il y a encore quelques jours, évoquer le nom de ce Conseil semblait même relever du tabou. Ignoré et snobé depuis plusieurs années, le CC est subitement mis en orbite. Comme par miracle, les politiques se rendent compte qu’il existe et du rôle éminemment important qu’il peut jouer dans ce contexte précis. Mais c’est uniquement parce qu’il y a des tensions sociales et que la masse populaire râle.
Même l’actuel chef de gouvernement, Saad Eddine El Othmani, qui, dans sa déclaration gouvernementale, avait pourtant promis de lui apporter son soutien pour qu’il puisse accomplir ses missions essentielles, s’est fait par la suite tout petit sur le sujet.
C’est le porte-parole du gouvernement, Mustapha Khalfi, qui est monté au front récemment pour… tacler le Conseil de la concurrence, lequel, selon lui, «doit jouer son rôle et remplir sa mission, même si elle a fait l’objet de réformes du point de vue organisationnel».
Justement, qu’est-ce qui empêche le renouvellement des membres du CC, dont le mandat a expiré depuis octobre 2013 ? Normalement, cette tâche incombe au chef du gouvernement. Cela fait donc presque 5 ans que cette instance est devenue une coquille vide.
On ne doute pas que maintenant qu’il est au pied du mur, le gouvernement va se secouer pour faire renaître le CC de ses cendres. Et il en a tout intérêt. Rappelons en effet que dans un entretien qu’il nous a accordé en avril 2017 (www.fnh.ma), Abdelali Benamour, président du Conseil de la concurrence, nous révélait qu’il avait «reçu une saisine il y a un peu plus d’un mois relative au problème des hydrocarbures au Maroc. Y a-t-il concurrence ou pas et comment se fait-elle ? Les rapporteurs sont en train d’éplucher ce dossier, mais quand ils auront fini, il faudrait que le Conseil soit opérationnel». Il le sera certainement bientôt (sic !). ■
D. William