Modérateur de contenu: ces «éboueurs» du web

Modérateur de contenu: ces «éboueurs» du web

Si les internautes peuvent aujourd’hui surfer tout peinard sans être confrontés aux affronts du web, c’est grâce aux modérateurs de contenu.

 

Par K. A

 

Modérer une plateforme où des millions d’internautes se rendent régulièrement au quotidien, n’a rien d’un long fleuve tranquille. Il suffit d’un commentaire déplaisant pour salir l’e-réputation d’une entreprise. C’est là qu’interviennent «les éboueurs du web», à savoir des gens payés pour vérifier des contenus signalés comme équivoque. De la violence, de la pédophilie, du contenu pornographique, les modérateurs de contenus sont confrontés au pis d’Internet. Ont recours à ce type de service de grandes entreprises telles que Facebook, Twitter ou encore YouTube.

D’ailleurs, la firme de Mark Zuckerberg ne comptait que 12 personnes pour modérer ses publications en 2009, quand le réseau comptait 120 millions d’utilisateurs. En 2017, ils étaient 4.500, et cette année ils sont plus de 15.000 qui examinent tous les jours des millions de messages, dans une centaine de langues, partout dans le monde.

Outsourcing de la modération

Pour des raisons de coûts, l’externalisation de la modération de contenu vers des pays low cost, comme en Afrique ou en Asie, est devenue la norme. Avec le salaire d’un modérateur aux Etats-Unis, il est possible d’en avoir des dizaines en offshore, notamment au Maroc où les salaires ne dépassent pas une moyenne de 4.000 DH/mois, selon nos informations.

Selon le rapport 2020 du NYU Stern Center for Business and Human Rights, Facebook, de loin, externalise le plus grand nombre de modérateurs de toutes les plateformes technologiques dans le monde. Telles des machines, les modérateurs de contenu affirment également que les entreprises ne fournissent pas un soutien adéquat pour faire face aux conséquences psychologiques du travail.

Un métier à lourd tribut psychologique

«À la fin de mon travail, mon esprit est tellement épuisé que je ne peux même pas penser», nous déclare Alaa, 28 ans, modérateur de contenu dans un centre d’appels basé à Casablanca. Il dit qu'il rêvait parfois d'être victime d'un attentat suicide ou d'un accident de voiture, son cerveau recyclant des images qu'il revoyait pendant son travail.

«C’est très difficile sur le plan physique et mental. Nous rencontrons des problèmes de sommeil, des difficultés pour nous alimenter et très peu de vie sociale en dehors du travail, ce qui nous mène parfois à une légère de dépression», ajoute-t-il. Malgré l’anonymat, les modérateurs de contenu craignent des poursuites judiciaires.

Et ce, même après avoir quitté l’entreprise. «Mon contrat stipule que même si je ne travaille plus comme modérateur, je ne suis pas encore autorisé à partager des informations concernant mon activité ou mon entreprise», explique un ancien modérateur de contenu pour Facebook. Par ailleurs, pour limiter les charges et modérer le plus grand nombre de contenus, notamment en cette période de crise sanitaire où la désinformation s’est accentuée, ces entreprises misent de plus en plus sur des programmes à base d’intelligence artificielle.

Toutefois, cette technologie révolutionnaire n’a réellement pas encore fait ses preuves. En effet, un grand nombre de contenus générés par les utilisateurs, y compris des articles de presse et des informations conformes sur la pandémie Covid-19, ont été supprimés de Facebook pour avoir prétendument enfreint les règles de spam de la communauté. 

 

 

 

 

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