Entretien avec Abdou Kabbaj, consultant senior au sein du cabinet Ailancy
Abdou Kabbaj, consultant senior au sein d’Ailancy, nous parle des points particuliers à prendre en compte par les futurs opérateurs pour bien démarrer l'activité. Ce spécialiste de la gestion d'actifs est intervenu au sein de plusieurs banques de premier plan. Il a eu l’opportunité de piloter des projets d’envergure principalement sur des sujets en lien avec les fonds alternatifs, dont l’OPCI.
Il a également animé un groupe de travail avec les sociétés de gestion en immobilier au sein de l’ASPIM (Association des sociétés de professionnels de l’immobilier en France) sur la dématérialisation des ordres de mouvement non cotés via l’utilisation d’un registre décentralisé.
Propos recueillis par A. Hlimi
Finances News Hebdo : Comment voyez-vous le futur du marché des OPCI au Maroc ? Quel potentiel ?
Abdou Kabbaj : L’OPCI n’est plus un nouveau sujet pour les opérateurs marocains. Cela fera bientôt 3 ans que la loi 70-14 relative aux OPCI a été promulguée et que les opérateurs se préparent au lancement de ce nouveau véhicule d’investissement. Il n’y a donc plus de doute sur le potentiel du marché au Maroc. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le ministère des Finances a déclaré que les actifs immobiliers éligibles à l’OPCI représentent 200 milliards de DH, donc oui le potentiel est là.
Nous avons également beaucoup parlé des bénéfices liés à l’investissement dans la «pierre-papier» : un investissement à long terme garantissant une rentabilité stable et élevée, une fiscalité attractive, une liquidité importante et la possibilité de diversification du patrimoine immobilier.
Cependant, il existe aussi des risques liés à cet investissement : la conjoncture immobilière est de nature cyclique; en période défavorable cela peut mener à la baisse de la valeur du placement. La diminution des revenus locatifs représente également un risque, car cela impacterait grandement la performance de l’OPCI.
Avec une mutualisation des risques et une gestion immobilière active, il sera possible de contenir l’impact sur le rendement. Enfin, la liquidité peut aussi représenter un risque, dans le sens où, en plus de son investissement (direct ou indirect) dans les actifs immobiliers, le gérant doit se prémunir en investissant dans des actifs plus liquides pour satisfaire les demandes de rachats d’actions/parts d’OPCI par les épargnants.
La maîtrise des risques, la diversification et l’allocation du portefeuille d’actifs, la qualité de l’actif et du locataire sont des paramètres essentiels à considérer pour réussir sa stratégie d’investissement.
Interview de Abdou Kabbaj sur Boursenews.
F.N.H. : Comment doivent se préparer les opérateurs pour ce marché ?
A. K. : Avec la publication de la circulaire 02/2018 relative aux sociétés de gestion d’OPCI, les opérateurs commencent à préparer leurs dossiers d’agrément – pour la société de gestion et pour l’OPCI – à déposer auprès de l’AMMC avant le démarrage de leurs activités. Ladite circulaire fixe les conditions d’agrément des sociétés de gestion d’OPCI, les moyens nécessaires à l’exercice de leur activité, les règles déontologiques et les modalités d’informations financières pour les investisseurs.
Au-delà des éléments constitutifs du dossier d’agrément, nous sommes convaincus que les opérateurs doivent considérer trois points en particulier dans leurs réflexions :
• Les opérateurs doivent capitaliser sur les actifs immobiliers de leur groupe en logeant leurs immobilisations dans les véhicules OPCI transparents. Cela garantirait un bon démarrage des fonds OPCI au vu de la qualité des actifs immeubles (bureaux) et du faible risque d’absence des revenus locatifs.
• Les opérateurs doivent se doter de moyens humains avec le bon niveau d’expertise pour la gestion des opérations d’investissement, de valorisation des actifs et de reporting aux investisseurs.
• Les opérateurs doivent s’équiper d’outils performants et spécialisés. Au démarrage de l’activité, on peut croire que la faible volumétrie des opérations et la fréquence de valorisation des fonds (a minima mensuelle) peuvent justifier le choix des opérateurs de ne pas investir dans des outils informatiques. Cependant, il y a un enjeu important d’historisation et d’uniformisation des données immobilières, problématique propre à l’activité non cotée, que les acteurs ne doivent pas négliger.
F.N.H. : Quels sont les défis que peuvent rencontrer les opérateurs ?
A. K. : Cela va sans dire que l’un des défis les plus importants que rencontreront les opérateurs sera la promotion et la distribution de ce produit auprès de leur clientèle institutionnelle, dans un premier temps, et de leur clientèle «grand-public», dans un second temps. L’absence de «Track record» sur cette activité rendra difficile la promotion du produit et donc la collecte de souscriptions lors des premiers mois d’activité. Il faudra alors trouver la bonne formule pour attirer les investisseurs, tout en leur promettant une rentabilité stable et élevée.
L’autre défi que nous considérons être essentiel, est l’uniformisation des données immobilières. La multiplicité des acteurs (investisseurs, Asset manager, Property manager, Facility manager, experts immobiliers et dépositaires) et les différents formats de données rendront la tâche difficile aux acteurs pour échanger, stocker, traiter et restituer l’information aux investisseurs.
Nous pensons que l’un des rôles de la future association des professionnels de l’immobilier (OPCI) sera de proposer un format de données unique, qui rendrait facile et fiable les échanges entre les acteurs.
F.N.H. : Quel rôle joue / veut jouer Ailancy auprès des opérateurs ?
A. K. : Nous avons un intérêt particulier pour le marché des OPCI au Maroc. Par le passé, nous avons eu l’occasion d’intervenir pour différents acteurs de l’industrie immobilière. Ces expériences nous ont livré des enseignements et des bonnes pratiques que nous souhaitons partager avec les acteurs marocains pour les aider à développer ce marché et à faire de ce produit un succès auprès des clients institutionnels et particuliers.
Plus concrètement, nous sommes disposés à accompagner les sociétés de gestion dans la définition de leur organisation cible et la préparation de leur dossier d’agrément de société de gestion et d’OPCI. Cet accompagnement s’inscrirait dans la durée afin d’aider les opérateurs à déployer leurs organisations cibles et à atteindre leurs objectifs. Nous sommes également capables d’aider les dépositaires à préparer l’On-boarding des fonds OPCI et à mettre en place l’organisation nécessaire pour gérer, entre autres, la tenue de position des actifs en transparence, la tenue du registre des investisseurs et le calcul de la valeur liquidative des fonds.
Enfin, en tant que cabinet de conseil indépendant, nous avons pour vocation d’animer des réflexions au sein de groupes de travail regroupant plusieurs acteurs de l’industrie immobilière afin de les aider à faire évoluer les standards de ce marché et à apporter des réponses concrètes à leurs problématiques.◆
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