Fiscalité en Afrique : Un potentiel de 100 Mds de dollars capturables

Fiscalité en Afrique : Un potentiel de 100 Mds de dollars capturables

 

La moitié de ce potentiel est liée à la croissance des revenus et l’autre moitié à l’optimisation des dépenses, indépendamment de toute décision de politique fiscale.

Les programmes visant à améliorer l'efficacité des dépenses publiques pourraient générer entre 40 et 60 milliards de dollars par an.

 

Par M.D

 

Pour peu que l’on s’intéresse aux défis macroéconomiques des pays africains, notamment ceux inhérents aux finances publiques, il est assez aisé de constater la sous fiscalisation des secteurs productifs, due en partie à l’étroitesse de l’assiette fiscale, qui est un véritable obstacle à la hausse des recettes publiques.

La consolidation fiscale est aujourd'hui le plus grand risque (ou obstacle à la croissance) auquel font face les pays africains dont les besoins en infrastructures se sont chiffrés à plus de 100 milliards de dollars par an.

Cette donne prévaut dans un contexte où le continent verra sa population doubler en 2050 pour atteindre près de 2 milliards de personnes. C’est dire l’importance des besoins d’investissement au cours des décennies à venir.

 

Doublement du déficit budgétaire moyen

Les chiffres et le constat mis en avant par les experts du cabinet McKinsey sont édifiants à plusieurs égards et confortent l’urgence pour les pays africains de mettre au point des stratégies allant dans le sens de la rentabilité fiscale.

En effet, le ralentissement économique sur le continent s’est accompagné d'une forte augmentation des déficits publics. Pour preuve, le déficit budgétaire moyen en Afrique situé à 2,5% du PIB en 2010, a presque doublé en huit ans pour atteindre 4,8% du PIB en 2018.

A l’origine de ce niveau de déficit, une croissance plus rapide des dépenses publiques qui ont systématiquement dépassé les recettes ces dernières années.

Pour avoir un ordre de grandeur, les dépenses publiques de l’Afrique se sont élevées à 555 milliards de dollars en 2018, pour des recettes publiques limitées à 443 milliards de dollars (19% du PIB africain), en baisse par rapport au niveau de 23% du PIB en 2010.

Le benchmark international montre également que le ratio des recettes publiques/ PIB dans la plupart des pays émergents non africains se situe entre 25 et 35%. Ce ratio pour un pays émergent comme le Brésil est de 30%.

 

Les raisons de la non rentabilité fiscale

Pour ce qui est de l’incapacité des pays africains à mobiliser suffisamment de recettes fiscales, McKinsey évoque six raisons explicatives, notamment la persistance du secteur informel, le manque de processus digitalisé en matière de déclaration et l’existence d’accords d’exonération de taxes souvent plus favorables que dans les pays développés.

A cela s’ajoutent les moyens à la fois technologiques et humains limités en matière de contrôle et l’insuffisante connectivité entre les organismes publics (Douanes et Impôts) limitant la possibilité d’effectuer des recoupements automatiques.

Enfin, la dernière raison a trait aux processus insuffisamment stricts et une trop grande complaisance de certaines autorités fiscales en matière de collecte de la dette.

Tout en soulignant les progrès significatifs réalisés par certains pays d’Afrique en matière d’amélioration de la collecte fiscale et de redressement des comptes publics, la société de conseil souligne qu’un potentiel d’environ 100 milliards de dollars est capturable à travers des leviers purement opérationnels.

La moitié de ce potentiel est liée à la croissance des revenus et l’autre moitié à l’optimisation des dépenses, indépendamment de toute décision de politique fiscale.

Notons que les programmes visant à améliorer l'efficacité des dépenses publiques pourrait générer entre 40 et 60 milliards de dollars par an grâce à des économies de coûts, telles que la mise en œuvre des meilleures pratiques d’investissements, la refonte des procédures d’achat et de passation des marchés publics, ou encore l'élimination des emplois fictifs. Ces économies représentent entre 8 et 12% du budget total des gouvernements africains.

 

Mettre l’accent sur le recouvrement

Il ressort de l’analyse de McKinsey que les programmes visant à améliorer les résultats en matière de recouvrement de taxes et de droits de douane en Afrique peuvent générer entre 45 et 65 milliards de dollars supplémentaires de collecte annuelle de taxes et de douanes en trois ans.

Concrètement, ce potentiel équivaut à des recettes supplémentaires comprises entre 2% et 3% du PIB, sans modification des taux d’imposition ni des droits de douane, susceptibles d’augmenter la pression fiscale qui pèse sur les ménages et les entreprises.

 

Un cas d’école

Les recommandations préconisées par McKinsey ont déjà été mises en œuvre partiellement par bon nombre de gouvernements africains. Ces derniers ont enregistré des progrès importants dans la collecte de recettes grâce à une refonte de leur système fiscal et une réforme des méthodes de contrôle, tandis que d'autres pays ont mis l’accent sur les économies budgétaires (marchés publics, dépenses d’investissement etc.).

Concrètement, les pays pionniers ont ainsi enregistré une amélioration de leurs revenus annuels allant de 1 à 5 milliards de dollars, ou des économies budgétaires d’au moins 5% du budget annuel, ou les deux.

L’un des exemples les plus significatifs est ce pays d’Afrique de l’Ouest qui a augmenté ses recettes fiscales et douanières de 23% en seulement six mois. Cet Etat a presque doublé le taux de conformité fiscale, tout en multipliant par cinq le taux de recouvrement des créances des contribuables défaillants.

Pour atteindre ces résultats, l’Etat en question a procédé à la refonte des procédures douanières, notamment les contrôles, la conformité et la création d’un groupe de travail centralisé et axé sur le recouvrement des créances en défaut. ◆

 

PPP, la panacée ?
Au Maroc, le gouvernement mise sur le partenariat public-privé afin de préserver l’équilibre des finances publiques, tout en palliant les déficits en infrastructures par la mobilisation de l’investissement privé. Du côté de McKinsey, l’on suggère que les PPP offrent l’accès à un levier financier du secteur privé aux pouvoirs publics mais aussi la possibilité de déléguer certains risques, notamment ceux liés à l’exécution, et un moyen d’introduire dans certains cas de nouvelles innovations. «Les PPP permettent dans la plupart des cas d’offrir un service public de meilleure qualité et plus efficace aux usagers», souligne-ton du côté de l’entreprise de conseil. Néanmoins, cette dernière alerte sur le fait que les PPP ne sont pas applicables à tous les projets d’infrastructure et peuvent, s’ils sont mal conçus, déboucher sur un surcoût pour le contribuable en raison du coût de la dette ou pour les usagers (autoroute à péage).

 

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