Il est impératif de refonder et d’adapter la gouvernance des finances publiques aux nouveaux risques complexes.
Par M. Diao
La résolution de l’équation budgétaire constitue un véritable cassetête à la fois pour les pays développés et ceux en passe de le devenir. L’élaboration de budgets équilibrés relève de plus en plus de l’ordre de l’exceptionnel. Pour cause, les Etats sont de plus en plus confrontés à la contraction des marges de manœuvre fiscales, couplée à la hausse des besoins de la collectivité. A titre illustratif, rappelons que depuis 1975, la France n’a pas enregistré un équilibre budgétaire.
Jusque-là, l’Hexagone aurait respecté les critères de Maastricht qu’une année sur deux. Le Maroc n’est pas mieux loti, puisque l’histoire récente renseigne que le pays a enregistré seulement deux exercices budgétaires excédentaires en 2007 et 2008. L’irruption de la Covid-19 a accru la fébrilité des finances publiques de plusieurs Etats, qui ont recouru massivement à l’endettement, pas toujours générateur de croissance et de relance.
C’est dans ce contexte que le ministère de l’Economie et des Finances et la Fondafip (Association pour la fondation internationale de finances publiques) ont organisé récemment à Rabat la 14ème édition du Colloque international sur les finances publiques, portant sur les grands défis des finances publiques du 21ème siècle. La toile de fond de l’allocution de Nadia Fettah Alaoui, argentière du Royaume, renvoie au challenge pour le Royaume de générer suffisamment de ressources pour financer l’immense chantier social qui concerne plusieurs secteurs (santé, éducation, personnes en situation d’handicap, généralisation de la protection sociale, prise en charge des séniors, etc.).
Une gouvernance remise en cause
Le professeur Michel Bouvier, président de la Fondafip, partage également l’idée d’une pression montante qui continuera de s’exercer sur les finances publiques des Etats. Et ce, eu égard à la nature et l’ampleur des chocs qui sont de plus en plus violents et liés (réchauffement climatique, boom démographique, migration, vieillissement de la population, fractures sociale et numérique). Bouvier est formel. Il est impératif de refonder et d’adapter la gouvernance des finances publiques aux nouveaux risques.
En clair, les Etats doivent privilégier un modèle de gestion décentralisé, lequel s’appuie sur la responsabilisation des acteurs concernés. Bouvier explique aussi que les problèmes découlent, entre autres, du fait qu’à l’échelle des Etats, très souvent les techniques utilisées pour la gestion des finances publiques ont évolué. Ce qui n’est pas toujours le cas pour l’Administration. Outre ce constat, la pertinence de l’analyse de Noureddine Bensouda, Trésorier général du Royaume, tient à la mise en exergue des causes profondes du manque de rentabilité du système fiscal marocain.
«A mon sens, les deux grands défis qui se posent aux finances publiques ont trait à la hausse de l’endettement public et à la baisse tendancielle des recettes fiscales», assure le TGR du Royaume. Au Maroc, l’écart entre les recettes ordinaires et les dépenses ordinaires est passé de 1,2% du PIB en 2008 à plus de 8% du PIB en 2020. L’enjeu est de taille, surtout si l’on sait que les besoins de financement du nouveau modèle de développement devront passer de 3% du PIB dans un premier temps pour atteindre à terme 10% du PIB.
Les multiples débats fructueux ont permis de rappeler la nécessité de lever un handicap majeur pour les collectivités territoriales, fébriles en matière d’exécution des dépenses. Celles-ci éprouvent des difficultés pour mener à bien les projets d’équipement, avec un taux d’exécution qui tourne autour de 30%. C’est dire l’ampleur du déficit en matière d’ingénierie, de programmation et d’exécution des projets d’équipement à l’échelle locale.