- Le dispositif Tahfiz promotion de l’emploi peut constituer une véritable bouffée d’oxygène les sociétés nouvelles créées.
- Des professionnels alertent néanmoins sur certaines pratiques qui risquent de travestir l’esprit de ce dispositif.
Huit mois après l’entrée en vigueur du dispositif Tahfiz visant à promouvoir la création d’emplois de la part des jeunes entreprises et des start-up, il ne serait pas dénué de sens de se pencher sur son attrait pour les sociétés nouvellement créées et ce, dans un contexte particulier en proie au chômage de masse des jeunes diplômés et à la progression continue du taux de mortalité des sociétés.
D’ailleurs, les derniers chiffres du haut-commissariat au Plan (HCP) sont édifiants. Si entre le deuxième trimestre de 2017 et la même période de 2018, le taux de chômage est passé de 9,3% à 9,1% au niveau national, celui des détenteurs de diplôme a culminé à 16,5% au deuxième trimestre 2018. C’est dire l’ampleur de la tâche en matière de lutte contre le chômage.
C’est dans ce contexte que Tahfiz a été lancé, via la Loi de Finances 2018, proposant une série d’incitations fiscales censées faciliter l’embauche (voir encadré). Interrogé sur la pertinence et l’utilisation de Tahfiz par les jeunes entreprises, Mehdi Baghdadi, expert-comptable et commissaire aux comptes au cabinet Firec & associé, expose son retour d’expérience du terrain qui révèle des aspects pour le moins surprenants.
Une mesure utile mais encore peu connue
«Il faut savoir que le fait de décider d’embaucher des salariés constitue un poids assez lourd pour une jeune entreprise ou une start-up en phase de démarrage. D’où la pertinence de la mesure Tahfiz qui permet au nouvel employeur de songer à créer plusieurs postes de travail dans la limite du nombre autorisé par ce dispositif de la Loi de Finances 2018», constate le commissaire aux comptes.
Et d’ajouter : «Avec notre retour d’expérience du terrain, nous constatons que certains opérateurs avisés souhaitent profiter des avantages offerts par ce dispositif». Toutefois, d’après notre source, ce sont les fiscalistes qui sont au fait de ce genre de mesures bénéfiques à l’entreprise, tandis que les jeunes patrons n’en ont qu’une connaissance assez vague.
Et pour cause : lors de la phase de démarrage, les sociétés se concentrent généralement sur le développement du cœur de métier. En conséquence, les autres questions, notamment fiscales (réductions d’impôts et de charges sociales, exonérations, etc.) deviennent subsidiaires.
A cette donne s’ajoute le manque d’informations qui pénalise les TPE et PME. Ainsi, faute d’être bien conseillées par des professionnels, bon nombre d’entreprises passent à côté des avantages fiscaux et des mesures incitatives non négligeables. En clair, les jeunes entreprises méconnaissent pour la plupart les avantages offerts par le dispositif Tahfiz.
Gare au péril de la fraude !
Ce dispositif de nature à promouvoir la création d’emplois au Maroc par la baisse des charges pourrait constituer une bouffée d’oxygène pour les entreprises qui demarrent. Ceci dit, notre interlocuteur alerte sur les menaces qui pèsent sur l’efficacité de Tahfiz. «Il est important de savoir que dans l’optique de tirer profit de cette mesure, certains patrons d’entreprises malhonnêtes créent une nouvelle entreprise afin d’y transférer une partie de leurs salariés», révèle l’expert-comptable.
A l’évidence, ce genre de pratiques fausse les règles du jeu et travestit l’esprit de ce dispositif fiscal rendu plus attractif par la LF 2018. Car pour rappel, la LF 2015 avait institué une exonération du salaire mensuel brut plafonné à 10.000 DH, pour une durée de 24 mois à compter de la date de recrutement mais dans la limite de 5 salariés seulement.
Le succès de Tahfiz dépend donc de sa vulgarisation auprès des jeunes entreprises et des porteurs de projets. Le fisc doit également être très vigilant, veiller à ce que ce dispositif ne soit pas dévoyé et sévir à l’encontre des fraudeurs. ■
Ce que prévoit le dispositif
Consacré par la Loi de Finances 2018, Tahfiz exonère de l’impôt le salaire mensuel brut plafonné à 10.000 DH. La durée de l’exonération est de 24 mois à compter de la date de recrutement du salarié. Les entités concernées sont les entreprises, les associations et les coopératives créées durant la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2022 dans la limite de dix salariés. A préciser que l’exonération est accordée au salarié dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée (CDI). Le recrutement doit être effectué dans les deux premières années à compter de la date du début d’exploitation de l’entreprise, de l’association ou de la coopérative. Par ailleurs, l’autre avantage est que Tahfiz prévoit pour les entreprises, les exploitations agricoles ou forestières ainsi que les associations qui recrutent des demandeurs d’emploi en CDI, le bénéfice de la prise en charge par l’Etat, pour une durée de 24 mois, de la cotisation due par l’employeur au profit de la CNSS et de la taxe de formation professionnelle.
M.Diao