- Le service de centralisation des chèques irréguliers démarrera d'ici la fin d'année.
- Le coût du service est de 10 DH par consultation.
- Sidimohamed Abouchikhi, directeur Afrique francophone de Creditinfo Group, analyse les implications de la délégation de l’exploitation du service de centralisation des chèques irréguliers.
Dans le but de renforcer la lutte contre l'émission de chèques impayés, Bank Al-Maghrib (BAM) a signé une convention de gestion déléguée avec CreditInfo Checks, pour la gestion du Service de centralisation des chèques irréguliers (SCCI), jusqu’à présent assuré en interne par la Banque centrale mais sans possibilité de consultation en ligne via la Centrale des incidents de paiement (CIP).
Ce nouveau dispositif a pour vocation de permettre aux entreprises abonnées de s’assurer directement de la régularité des chèques qui leur sont remis avant leur acceptation. Mais sur ce point BAM nuance : «la consultation de ce service n’assure pas la garantie des paiements. C’est plutôt un outil d’aide à la décision pour les commerçants», ont longuement insisté les superviseurs du projet.
Les entreprises et commerçants patentés pourront ainsi savoir si le tireur n'est pas interdit de chéquier (interdiction bancaire ou interdiction judiciaire) et si le chèque ne fait pas l'objet d'une opposition pour perte, vol, utilisation frauduleuse ou falsification.
Selon les chiffres exposés par BAM, plus de 10.000 oppositions sont déclarées mensuellement par les banques et près de 42.000 comptes sont clôturés mensuellement par ces dernières. Le nombre de rejets de chèques, tous motifs confondus, lui, s’est élevé à 430.000 à fin 2017, dont 25% régularisés.
Par ailleurs, l’ouverture aux entreprises du service de consultation de base est prévue avant la fin de cette année, en attendant la finalisation des prérequis techniques et organisationnels par le délégataire.
D’autres services à valeur ajoutée viendront compléter cette offre de base, notamment un service de notation (scoring) des comptes bancaires. «Un compte très bien noté signifiera qu’il n’a jamais eu d’incident», nous explique l’Institut. Un autre service de blocage de provision en ligne est également prévu.
Un marché qui s’ouvrira à d’autres opérateurs
BAM compte par ailleurs ouvrir ce marché à d’autres opérateurs. «Sur ce service, nous ne comptons pas rester sur le monopole de CreditInfo Cheks. Une fois la vitesse de croisière atteinte et un premier retour d’expérience, d’autres acteurs pourront prendre place sur ce marché», explique la Banque centrale
Creditinfo Checks créée il y a 3 semaines de cela, avec un capital de démarrage de 15 MDH, payera une redevance de 250.000 DH annuellement à la Banque centrale. Cette convention de délégation s’étalera sur une durée de 10 ans sans obligation de monopole. Enfin, le coût du service est de 10 DH par consultation, indique-t-on auprès de BAM.
Finances News Hebdo : Bank Al-Maghrib a délégué l’exploitation du service de centralisation des chèques irréguliers à Creditinfo. A quoi faudrait- il relier cette initiative et quelles seraient ses implications sur la réduction des impayés ?
Sidimohamed Abouchikhi : Le chèque est le moyen de paiement le plus utilisé au Maroc, avec plus de 53% des valeurs des transactions enregistrées en 2016. C’est donc un moyen qui doit assurer un niveau de confiance satisfaisant aux différents agents économiques, et tout doit être mis en place afin de renforcer le dispositif de prévention et de lutte contre l’émission de chèques irréguliers.
L’initiative de la Banque centrale s’inscrit parfaitement dans ses prérogatives, dans la mesure où elle veille au bon fonctionnement et à la sécurité des systèmes et moyens de paiement.
Pour le Service de centralisation des chèques irréguliers (SCCI), Bank Al-Maghrib entend renforcer la crédibilité du chèque comme instrument de paiement et réduire le risque d’impayé auquel sont confrontés au quotidien les entreprises et les professionnels.
Le Groupe Creditinfo est fier d’avoir été sélectionné par Bank Al-Maghrib pour la mise en place et la gestion de cette centrale, et engagera toute son expertise pour que ce projet voie le jour dans les meilleurs délais.
F.N.H. : Compte tenu de vos derniers rapports de solvabilité, quel regard portez-vous sur le surendettement et l'évolution du risque des impayés au Maroc ? Et quelles sont les proportions ?
S. A. : Sur la base des déclarations des établissements que nous gérons depuis bientôt dix ans, nous avons constaté une évolution continue de la production des crédits, conjuguée à une baisse en nombre de la proportion des contrats impayés, surtout chez les particuliers.
Le taux moyen des contrats enregistrant des impayés avoisinait 5% des contrats actifs à fin 2017; ce taux varie selon les types d’établissement et la catégorie de la clientèle.
Cette baisse est due à la bonne politique de gestion des risques des établissements de crédits de la place qui s’appuie, entre autres, sur les informations que Creditinfo leur fournit.
Cela leur permet ainsi de mieux connaître le niveau d’endettement de leurs clientèles.
Il est à noter qu’en tant que partenaire de référence en risk management, Creditinfo accompagne plusieurs établissements de la place sur l’ensemble de la chaîne de crédit en utilisant nos solutions de scoring, alerting et monitoring de portefeuille. Ce qui contribue ainsi à une meilleure efficience des processus d’octroi et de suivi des engagements, surtout à l’ère de la digitalisation.
F.N.H. : Un pan du tissu entrepreneurial national réclame l'accès des entreprises aux infos des Bureaux de crédit, ce qui leur permettrait d'avoir une meilleure opinion sur le comportement des clients et des donneurs d'ordres. Quel est votre avis sur la question ?
S. A. : Certes, l’ouverture des Bureaux de crédits aux entreprises devrait instaurer un climat de confiance mutuelle entre les partenaires commerciaux et, par conséquent, avoir un impact positif sur le volume des transactions commerciales tout en réduisant le niveau d’impayés. Une telle ouverture nécessitera une concertation entre les différents acteurs en vue d’une réadaptation du cadre réglementaire régissant l’activité des Bureaux de crédit. Ceci dit, il est toujours possible aux entreprises désireuses d’avoir plus de visibilité sur l’endettement de leurs partenaires de demander à ces derniers de leur fournir une copie de leurs rapports de solvabilité qui sera très prochainement accessible en ligne et via l’application mobile «Mycreditinfo». Ce service permettra le partage direct du rapport de solvabilité avec des tiers.
F.N.H. : Enfin, BAM et le ministère de l’Economie et des Finances se penchent sur l’évolution de la réglementation du Crédit Bureau afin de l’étendre aux autres sociétés pourvoyeuses de données non financières (régies, opérateurs télécoms, etc.). Quels seraient les apports d'une telle évolution ?
S. A. : L’intégration des données non financières (télécoms, régies de distribution d’eau/électricité…) est une évolution inévitable pour tous les Bureaux de crédit. Cette ouverture renforcera le partage d'informations sur le marché et aidera les prêteurs à développer de nouvelles offres de financement à des catégories qui en sont actuellement exclues ou qui y ont accès à des conditions désavantageuses.
Cette dynamique contribuera, à terme, à une amélioration de l'inclusion financière et de la fintech au Maroc.
Notons au passage que Creditinfo exploite déjà les données non financières dans la majorité de ses Crédit bureaux gérés à travers le monde, y compris l’Afrique, notamment en Afrique de l’Ouest. ■
Par Y.S et M. D