Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib, lors de la conférence de presse du 20 mars 2018. Sohaib Zefri/Fnh.ma
- Le successeur de Abdellatif Jouahri serait un grand banquier de la place.
Il paraît certainement incongru, voire déplacé de spéculer sur le départ du gouverneur de Bank Al-Maghrib, alors qu’il est toujours en fonction. Pourtant, ce sujet ne doit pas être tabou. En effet, quand bien même il reste un fringant… jeune homme, qui s’exprime toujours avec panache, Abdellatif Jouahri fêtera ses 79 ans le 10 juin courant. Et après avoir dirigé la Banque centrale avec autorité et rigueur pendant 15 ans, il va forcément falloir passer la main.
Mais qui pour diriger une institution aussi importante ? Qui peut être le digne épigone de Jouahri ?
Il y a quelques temps, beaucoup de noms ont fuité dans la presse, dont celui de Hassan Bouhemou, Noureddine Bensouda ou encore Salaheddine Mezouar, l’actuel patron des patrons (sic !). Mais selon nos toutes dernières informations, le successeur de Jouahri serait un grand banquier de la place. Information ténue, mais de laquelle nous avons réussi à faire sortir un nom.
Comme nous l’écrivions dans ces colonnes il y a quelques mois, un banquier très au fait du fonctionnement et de la gouvernance de l’institution nous confiait que «trois critères sont déterminants pour diriger la Banque centrale :
• le gouverneur de la Banque centrale ne doit pas avoir de casquette politique, ni maintenant ni par le passé;
• il est préférable qu’il soit passé par le ministère des Finances. Une carrière dans le milieu bancaire serait un plus;
• c’est un poste taillé davantage pour un économiste que pour un financier».
Les noms qui sortent du lot
Forcément, quand on parle de grand banquier, on a d’abord tendance à penser aux dirigeants des grands établissements bancaires. Sauf qu’on ne saurait faire fi des banques de taille moins importante, surtout si elles sont dirigées par des compétences reconnues. Dès lors, quelques noms sortent du lot : Mohamed El Kettani, PDG de Attijariwafa bank, Brahim-Benjelloun Touimi, administrateur-Directeur général exécutif du Groupe BMCE Bank et président de Bank of Africa, Tarik Sijilmassi, président du Directoire de Crédit Agricole du Maroc, Ahmed Rahhou, PDG de CiH Bank, et Mohamed Benchaaboun, PDG du Groupe Banque Centrale Populaire.
El Kettani et Benjelloun-Touimi sont pratiquement dans les mêmes dispositions : ils ont fait l’essentiel de leur carrière dans leur banque respective (33 ans pour le premier et 28 ans pour le second) et sont très imprégnés… de la culture maison. Et que l’on sache, ils n’ont pas fait de passage au ministère des Finances.
C’est aussi le cas du polyglotte Sijilmassi (il parle danois, anglais, arabe et français); un pur banquier et ancien collègue de El Kettani à la Banque commerciale du Maroc (devenue Attijariwafa bank). Mais également de Rahhou qui est passé, entre autres, par Royal Air Maroc, Crédit du Maroc et Lesieur, avant d’atterrir au CIH Bank.
Il reste donc Mohamed Benchaaboun, qui semble avoir le profil-type pour assurer la relève au sein de Bank Al-Maghrib. Il a une expérience probante dans les secteurs privé et public. Après un passage remarqué au Groupe Alsthom Maroc, il a été nommé directeur à l’Administration des douanes et impôts indirects en 1996 et s’est notamment chargé de coordonner des projets transversaux pour le compte du ministère des Finances. En 1999, Benchaaboun rejoint la BCP en tant que DG adjoint, avant d’être nommé par le Souverain DG de l’Agence nationale de régulation des télécoms (ANRT) en 2003. Il retrouvera le monde bancaire quelques années plus tard, en 2008 notamment, le Roi l’ayant nommé PDG de la BCP.
En plus de répondre aux critères déjà énoncés, Benchaaboun a d’autres atouts non négligeables : c’est un homme posé, bon orateur, concis et très structuré, mais surtout un banquier très respecté au sein de la profession. Des qualités très importantes quand ses interlocuteurs seront le gouvernement, pour ne pas dire des hommes politiques (avec tout ce que cela englobe), le Groupement professionnel des banques du Maroc, qu’il va falloir gérer et rappeler à l’ordre s’il le faut, et la presse avec laquelle il faudra mieux communiquer. Mieux ne signifiant pas davantage, mais seulement quand il le faudra.
A 57 ans, c’est surtout du sang jeune et neuf qui sera injecté dans cette institution.
Ce sont donc autant d’arguments qui plaident en sa faveur. Mais rien n’est acquis, d’autant que des personnalités comme Mohamed Berrada (74 ans), économiste et ancien ministre des Finances, ou encore Driss Jettou, actuel Premier président de la Cour des comptes ont tout autant le profil nécessaire pour faire le job. ■
Banques : Qui va où ?
Si effectivement Benchaaboun se retrouve à la tête de la Banque centrale, se posera inéluctablement la question de sa succession au sein de la BCP. A moins d’une promotion interne, il va falloir piocher ailleurs.
Et qui a le même profil que Benchaaboun dans le milieu bancaire ? Il s’agit de Ahmed Rahhou, même s’il n’est pas passé par les Finances. Tous les deux ont cet esprit cartésien qui fait qu’ils captent leur auditoire quand ils s’expriment. Ce n’est peut-être pas un hasard : Ahmed Rahhou est diplômé de l’école polytechnique (1980) et de l’Ecole nationale supérieure des télécommunications de Paris (1982), de laquelle est aussi sorti diplômé Benchaaboun deux ans plus tard (1984).
Par ailleurs, Rahhou, qui a passé 9 ans à la tête de CIH Bank, a mené avec brio le processus de restructuration de la banque. Si tant est que sa mission était de redresser cet établissement vacillant pour en faire ensuite une banque universelle, sa mission est maintenant terminée. Il a fait de CIH Bank une banque bénéficiaire, avec de bons fondamentaux. Un établissement multimétier qui a bousculé les codes bancaires avec ses services inédits, mais qui se signale surtout par sa stratégie digitale innovante et agressive. Ce chantier digital sera d’ailleurs bouclé d’ici fin 2018, l’objectif étant, comme aime à le dire Rahhou, «que le client puisse se balader avec sa banque dans sa poche».
Maintenant que CIH Bank est sur les rails de la croissance, la BCP pourrait donc être l’opportunité pour Rahhou de relever de nouveaux challenges. ■
D. William