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Omar Seghrouchni : «Pour vivre digital, il faut respirer protection des données à caractère personnel»

Omar Seghrouchni : «Pour vivre digital, il faut respirer protection des données à caractère personnel»

Pour Omar Seghrouchni, président de la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel, la crise sanitaire a permis une avancée majeure dans la perception de la protection des données à caractère personnel au Maroc.

Une prise de conscience qu’il faudra entretenir pour consolider la confiance numérique, préalable indispensable à la transformation digitale du pays.

 

Propos recueillis par F.Z.O

 

Finances News Hebdo : La pandémie du Coronavirus a-t-elle intensifié l'activité de la CNDP dont l'accord est nécessaire pour la mise sur le marché d’applications inhérentes au traçage des citoyens et à la notification de contamination ?

Omar Seghrouchni : Oui, l’activité a été intensifiée par le fait, d’une part, que nous recevons de nouvelles demandes dont la typologie est liée au contexte de l’état d’urgence sanitaire, d’autre part, que ces nouvelles demandes doivent être traitées en urgence.

Concernant l’étude préalable au déploiement d’une application appuyant la gestion de la pandémie du COVID-19, elle a été menée de façon intense entre le 27 avril 2020, date à laquelle la CNDP a été saisie, et le 10 mai 2020, date à laquelle la Commission a décidé de l’autoriser du point de vue de la protection des données à caractère personnel. 

Mais ce travail n’est pas terminé, car nous devons, pour assoir la nécessaire confiance numérique qui doit accompagner ce type d’applications, rester à l’écoute et mener des contrôles permanents.

 

FNH : Quels sont les principaux critères sur lesquels la CNDP se base pour accorder son autorisation au déploiement de solutions de traçage dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 ?

O.S: Nous les avons précisés au sein de notre communiqué du 12 mai 2020. Les hypothèses sur lesquelles nous nous sommes basées sont :

• Utilisation de l’application sur la base du seul volontariat.

• Appui au dispositif sanitaire, en particulier pour rationaliser l’affectation des ressources en vue de renforcer la politique de dépistage et l’information des citoyens.

• Contrôle par les autorités sanitaires des paramètres des algorithmes de calcul d’alerte.

• Utilisation du «tracing» sans mécanisme de «tracking».

• Informations de l’utilisateur.

• Limitation des accès aux données aux seules personnes habilitées.

• Engagement à ne pas utiliser les données pour d’autres finalités que celle autorisée.

• Engagement à détruire les données collectées et générées à la sortie de l’état d’urgence sanitaire, sauf celles pouvant alimenter, de façon anonymisée et réglementaire, la recherche scientifique.

• Déclaration de non utilisation de boite noire (black box).

• Engagement à rendre le code accessible pour des fins d’audit et de vérification.

Nous nous sommes également entendus, avec l’équipe projet, sur un suivi et des contrôles réguliers.

 

F.N.H: Pendant cette période de crise particulière, quel regard portez-vous sur le respect de la protection des données personnelles de la part des entités publiques et privées et des citoyens ?

O.S: Nous sommes devant une situation assez inédite. Nous percevons, avec joie, que le sujet est pris très au sérieux. Par l’opinion publique, par les entreprises et par les administrations publiques. Et parfois, au-delà du simple point de vue réglementaire, mais souvent, également,du point de vue de l’engagement citoyen. Ce qui représente une avancée majeure dans la perception de la protection des données à caractère personnel dans notre pays.

Il est certain que nous avons quelques ilots de résistance, ou d’incompréhension. Mais nous comptons sur le temps pour les estomper… Nous considérons que s’il y a incompréhension, c’est que nous n’avons pas encore suffisamment expliqué. 

Nous comptons nous saisir, encore plus que par le passé, de nos missions de sensibilisation et de formation.

Concernant la protection des données à caractère personnel, il y a deux familles de pays :

• La première famille est constituée des pays qui ont eu un acte fondateur, un évènement, qui a provoqué une très large prise de conscience et la mise en place ou le renforcement d’un dispositif réglementaire. Nous pouvons citer, à titre d’exemple parmi d’autres, la France, dans les années 70, et la mise en place de la loi Informatique et Libertés et d’une autorité dédiée à cette problématique, la CNIL. 

• La seconde famille est constituée des pays qui se sont alignés aux standards internationaux par décision des autorités.

Le Maroc a fait partie de cette dernière catégorie. Avec la pandémie, il est en train d’avoir son acte fondateur… et de rejoindre la première catégorie.

 

F.N.H: La crise actuelle a-t-elle fait émerger de nouveaux défis pour la CNDP ?

O.S: Oui, la CNDP doit renforcer ses outils de travail. La tâche est énorme. Son travail doit se déployer sur tout le territoire national et intervenir en profondeur dans tous les secteurs. Nous veillons à décliner cela. 

Si nous souhaitons réussir la nécessaire digitalisation dans notre pays, nous devons créer l’incontournable préalable lié à la confiance numérique. 

Nous avons un autre objectif : celui de contribuer à ce que la protection des données à caractère personnel soit une offre de service de l’entreprise marocaine. 

Avec un tel objectif, notre écosystème pourra mieux s’inscrire au sein de la chaîne de valeur de l’économie mondialisée et digitalisée. Comme je m’aventure à marteler ici et là : «Pour vivre digital, il faut respirer protection des données à caractère personnel».

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