La société marocaine de médecine d’urgence (SMMU) et la Société marocaine d’anesthésie, d’analgésie et de réanimation (SMAR) viennent d’émettre de sérieuses réserves par rapport à la décision récente du ministère de la Santé relative à la prise en charge des cas de Covid-19.
La lettre adressée par la SMMU et la SMAR au ministre de la Santé.
«Dans le cadre de la lutte contre la pandémie COVID-19 et aux vues des nouveaux clusters récemment identifiés causant une ascension drastique des cas actifs et des décès ces derniers temps, le ministère de la Santé a publié aujourd’hui le 13 août 2020 une circulaire n° 064 DHSA/2020, visant à organiser la prise en charge en ambulatoire des cas suspects et des cas confirmés de la COVID-19, avec comme objectif principal l’augmentation de la capacité de détection du virus par l’implantation des activités de dépistage des cas au niveau des établissements de soins de santé primaires (ESSP).
Cette circulaire fut le sujet d’une polémique nationale et a suscité beaucoup de discussions parmi les experts et intervenants directs sur le terrain, quant à sa non rationalité en rapport avec les données scientifiques et la réalité socio-culturelle des Marocains.
Notre première lecture a relevé les points suivants :
- Contrairement à l’avis des experts de la SMMU et la SMAAR publié le 1er août (…) organisant la riposte à la nouvelle vague COVID-19 après le début du déconfinement national, le ministère de la Santé a recommandé l’utilisation des tests rapides IgM/IgG pour le diagnostic des cas suspects, alors que dans nos recommandations nationales, les réservaient exclusivement à la surveillance épidémiologique et en complément aux tests PCR (ou tests virologiques). Orienter des malades à domicile sur la base de tests sérologiques, négatifs dans la phase virale de la maladie, sans tenir compte de l’état clinique exposera à des retards de prise en charge et par conséquent à de la surmortalité.
- Les tests sérologiques rapides ne sont pas validés pour le diagnostic positif à l’échelle mondiale, vu le pourcentage élevé de faux négatifs d’une part, et le retard d’apparition des anticorps au-delà du 10ème jour d’infection d’autre part.
Un test rapide négatif dans la phase précoce, méconnait les porteurs du virus, sources de transmission de la maladie, d’explosion épidémiologique et d’apparition de formes graves au pronostic sombre, nécessitant l’hospitalisation dans les services de réanimation.
- La priorité doit être donnée à la précocité de l’initiation du traitement selon le protocole national, seul garant d’une évolution favorable des patients selon notre expérience nationale propre.
Ceci implique donc un diagnostic précoce, une prise en charge urgente et un suivi rapproché des cas actifs et des cas contacts.
- L’implication les ESSP dans le dépistage est nécessaire, mais leur intégration dans la prise en charge de la maladie Covid-19 selon le modèle proposé dans la circulaire sera à l’origine d’éclosion de clusters par multiplication des parcours et des lieux de rassemblement.
- Nous sommes convaincus que le rôle du ministère et des intervenants médicaux est de démystifier la pathologie, tout en adoptant des démarches claires, répondants aux dernières données scientifiques internationales, prenant en compte l’avis des experts nationaux et des intervenants directs sur le terrain, en impliquant et faisant confiance à tous les praticiens (publics et privés) avec libération de la prescription médicamenteuse selon le protocole en vigueur».