Malmené par la crise sanitaire liée à la pandémie du nouveau coronavirus, le secteur de l'immobilier traverse aujourd'hui une des situations les plus difficiles de son histoire, avec une baisse de 65% du chiffre d'affaires depuis mars dernier.
La crise induite par la Covid-19 a, en effet, grippé tous les rouages du secteur.
Des promoteurs immobiliers en passant par les bureaux d'études, les architectes, les ingénieurs topographes, les maîtres d'œuvre, les notaires... aucun acteur n'a été épargné.
Selon une enquête menée par la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), ce secteur qui emploie plus d'un million de personnes, a perdu près de 70% des emplois.
Sur le plan des transactions, le volume des contrats traités, durant le confinement, n'a guère dépassé 7.000 actes, soit environ 3.500 contrats par mois contre 40.000 en 2019, ce qui représente une baisse de 91%.
Quant aux ventes du ciments, principal baromètre du secteur BTP, elles ont plongé de 50,5% en mai, après -54,9% en avril et -28,2% en mars.
Ainsi, les livraisons de ciment se sont repliées de 25,1% au terme des cinq premiers mois de 2020, après une augmentation de 2,2% il y a une année, selon les dernières données publiées par la Direction des études et des prévisions financières (DEPF).
Toutefois, aujourd'hui et après environ trois mois de mise à l'arrêt, les professionnels du secteur se sont mobilisés et engagés pour une reprise durable de l'activité.
Plusieurs d'entre eux voient même en cette crise une opportunité de relance et une occasion pour repenser le modèle actuel et enclencher des ruptures.
"Nous avons mis en place toutes les procédures sanitaires convenues avec le ministère de l'Habitat et la CGEM en vue de la reprise des activités", a indiqué à la MAP, Karim Amor, vice-président de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI).
"La reprise est notre première préoccupation durant tout le temps de confinement, car elle constitue à elle seule un lourd dossier d'ingénierie stratégique pour tous les projets engagés ainsi que ceux en passe de l'être.
La pandémie qui est survenue subitement va prendre son temps pour disparaître et il va falloir vivre avec dans une démarche précautionneuse", affirme de son côté, le président de la Fédération marocaine d'Essai et de contrôle (Fedec), Abdelmajid El Hor.
La FEDEC, la partie qui forme la maîtrise d'œuvre dans l'acte de construire, s'est préparée à la reprise par la mise à niveau pour l'ensemble des ressources humaines et outils du travail, a précisé El Hor.
Il assure que le personnel du secteur s'ouvre plus à la sécurité, non plus seulement des ouvrages projetés, mais aussi durant tout le phasage de leur réalisation où l'humain est l'objet d'une protection adéquate.
"Nos outils se sophistiquent davantage pour permettre l'intervention à distance et la mobilisation de l'intelligence artificielle", a-t-il soutenu.
Par ailleurs, le président de la FEDEC a relevé que la maîtrise d'œuvre est prise entre les deux principaux pôles économiques de la construction, qui sont la maîtrise d'ouvrage en tant que génératrice d'ouvrages, et les acquéreurs/exploitants qui en sont les destinataires.
Cette machine économique ne peut fonctionner qu'à la capacité minimale du plus déficient des deux pôles précités.
Ainsi, a t-il poursuivi, le souci majeur aujourd'hui est d'attirer l'attention sur la nécessité de doper temporairement la capacité des acquéreurs/exploitants par des mesures d'incitation, et d’aider la maîtrise d'ouvrage à s'orienter vers une production mieux adaptée aux nouveaux besoins par des mesures d'encouragement.
La Fédération est appelée, de son côté, à redoubler d'efforts pour répondre dans les temps et la qualité requis par toute stratégie de reprise.
Toutefois, ces efforts sont lourdement entravés notamment par "nos situations/factures impayées par nos clients publics comme privés, l'absence de priorité en accès à l’aide étatique, la lourdeur et l'inadéquation des procédures administratives, l'indéfinition de la responsabilité professionnelle au regard de l'implication individuelle, la pluralité de tutelle en matière d'organisation professionnelle", déplore le président de la Fedec.
"Il est temps d'entamer une révision concertée des textes de lois et de règlements du cadre bâti pour tenir compte de l'évolution de nos secteurs d'activité", a t-il proposé.
Parmi les contraintes qui pèsent sur l'activité, El Hor a cité également le sous paiement, doublé des retards de perception, qui handicapent lourdement l'évolution attendue du secteur, surtout en matière de recherche et de créativité.
"Il ne nous est pas seulement demandé de reprendre l'activité, mais de changer en profondeur et par anticipation notre façon de faire", note-t-il.
Pour assurer une reprise solide, le président de la FEDEC estime nécessaires les encouragements de l'État, "la mutualisation de nos charges de mise à niveau avec nos co-intervenants dans l'acte de construire, la démocratisation de l'accès à la commande et la révision des textes d'organisation de nos professions".
(MAP)