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Stress hydrique : un changement de paradigme s’impose

Stress hydrique : un changement de paradigme s’impose

L’avenir de l'eau au Maroc dépend d'une gestion optimisée des ressources, d'un changement de comportement collectif et d'une action concertée entre tous les acteurs.

 

Par Désy M.

Le Royaume fait face à une situation hydrique sans précédent. Dans son discours à l’occasion de la 25ème année de son accession au Trône, le Roi Mohammed VI a placé la problématique de l’eau en tête des défis auxquels le pays est confronté. Il s’agit d’«un défi majeur qui ne cesse de se complexifier du fait de la sécheresse, de l’impact du changement climatique et de la croissance naturelle de la demande…», a déclaré le Souverain. Et d’appeler à la mobilisation de toutes les ressources disponibles pour prévenir la pénurie d’eau, en accélérant les chantiers stratégiques relatifs à la gestion des ressources en eau.

En effet, la variabilité géographique des précipitations au Maroc est, entre autres, l’un des phénomènes accentuant cette crise. Alors que certaines régions du nord enregistrent des précipitations supérieures à 800 mm par an, d’autres, comme celles de l’Atlas du sud ou du Sahara, peinent à atteindre les 50 mm annuels, selon le ministère de l’Equipement et de l’Eau. Cette répartition inégale entraîne une grande disparité en termes d’accès à l’eau, exacerbant les tensions sociales et économiques. Face à ces défis, des mesures à court, moyen et long terme s’accentuent pour garantir une gestion durable des ressources en eau, tout en assurant la sécurité alimentaire et économique du pays.

 

Politique des barrages : un plan nécessaire mais pas suffisant

L’une des mesures prises par le gouvernement est la poursuite de la politique des barrages, qui demeure importante, notamment dans les régions où la pluviométrie reste encore suffisante. Cependant, cette politique bien qu’efficace, n’est plus suffisante à elle seule pour répondre à l’urgence actuelle. En effet, le taux de remplissage des barrages ne dépasse pas aujourd’hui 28% au niveau national. Certains barrages sont dans un état d’assèchement et d’autres subissent des pressions dues à la demande croissante des populations.

«Les barrages ont été conçus pour stocker 3 ans, 4 ans, 5 ans de pluie. Aujourd'hui, on est véritablement dans des épisodes de sécheresse qui sont beaucoup plus longs. Par conséquent, il y a un déséquilibre entre ce qui est stocké et ce qui doit être utilisé», affirme Mohamed Jalil, expert en climat et ressources en eau. Evoquant la problématique du gaspillage de l’eau dans le secteur agricole, urbain et dans le transport de l’eau, l’expert déplore le manque d’effectivité de la police de l’eau dans la répression de ce phénomène. Pour ce dernier, il est impératif de revoir l’approche de la gestion de l'eau.

«Nous ne pouvons plus aborder cette question comme à l'aube de l'indépendance dans les années 60. Aujourd'hui, nous devons développer une nouvelle vision, axée à la fois sur l'offre et la demande en eau» a-t-il dit. Sur le plan de l'offre, l’expert statue sur la diversification des sources d'eau, conventionnelles et non conventionnelles, tout en encourageant l'investissement dans des infrastructures modernes de traitement et de distribution d'eau. Pour cela, des partenariats publics-privés innovants doivent être mis en place, ainsi que des mécanismes de financement solides afin d'assurer la durabilité de ces projets. Du côté de la demande, il est crucial de lutter contre le gaspillage. Pour Mohamed Jalil, des mesures légales, réglementaires, et coercitives doivent être mises en place pour inciter à une consommation plus responsable. Cela passe par l'introduction d'une tarification de l'eau plus dissuasive à l'égard des comportements de surconsommation. Plaçant la sensibilisation au cœur de cette démarche, l’expert affirme qu’ «il est essentiel de mobiliser les Marocains, en particulier à travers les écoles, les lieux de culte, la télévision et la radio, afin qu'ils prennent conscience de la gravité du stress hydrique auquel le pays est confronté», recommande Jalil.

 

L’eau : Une propriété collective et une responsabilité partagée

En parlant de sensibilisation, le ministère de l’Equipement et de l’Eau avait lancé en avril dernier une large campagne incitant les citoyens à la préservation de la ressource hydrique pour une utilisation plus rationnelle. 4 mois après, bien que la réalité du stress hydrique soit connue de la population, les habitudes de rationalisation dans l’utilisation de cette denrée rare restent tendancieuses. D’un côté, la mesure prise par les maires de certaines villes à l’instar de Casablanca au sujet de la fermeture pendant 3 jours ouvrables des hammams et stations de lavage automobiles, conduit à une meilleure application de cette rationalisation par les acteurs desdites structures et aussi par les citoyens qui s’y rendent. 

«Le lavage de voitures consomme beaucoup d'eau, c'est certain. Nous avons été obligés de réduire nos jours d'ouverture à trois par semaine. Cela affecte directement nos revenus, mais nous n'avons pas le choix. Nous devons tous faire un effort pour préserver l'eau, sinon la situation pourrait empirer.», déclare Karim Lahlou, responsable d'une station de lavage automobile situé dans le quartier Oulfa à Casablanca. D’un autre côté, le citoyen lambda dans son environnement restreint, semble négliger l’ampleur de la crise. Le comportement quotidien reste souvent inchangé : longues douches, arrosage des jardins, etc. Par conséquent, cette utilisation irrationnelle contribue à l’augmentation de la demande en eau, et met une pression sur les réserves d’eau. Cette situation a poussé Nabila Rmili, maire de Casablanca, a alerté sur l’éventualité de coupures d’eau dans certains quartiers du sud de la ville.

 

Deux projets aux potentiels salvateurs

De jour en jour, le Maroc redouble d’efforts en accélérant les travaux de réalisation de deux grands projets ayant pour objectifs d’apporter une solution efficace et efficiente à cette urgence hydrique. Il s’agit en premier lieu de la généralisation du transfert d’eau des bassins hydrauliques via le projet de l’autoroute de l’eau. Un plan qui permettrait d’éviter la déperdition d’1 milliard de m3 d’eau qui vont dans la mer et dans les océans chaque année. Le projet d'interconnexion des bassins hydrauliques du Sebou et du Bouregreg mis en œuvre pour répondre aux besoins grandissants en eau de la zone côtière Rabat-Casablanca en est un exemple palpable. Grâce à ce transfert des eaux, environ 340 Mm3 de ressources hydriques, qui se perdaient dans la mer au cours de l’année hydrologique 2022-2023 sont désormais utilisées pour approvisionner cette zone côtière.

En second lieu, le projet de dessalement de l’eau de mer est un plan ambitieux à l’horizon 2030. Il devra assurer l’approvisionnement du pays en eau potable et en eau d’irrigation à hauteur de 50% avec une moyenne annuelle de 1,7 milliard de m3. A titre d’exemple, la station de dessalement d’eau de mer de Safi joue un rôle vital dans l’approvisionnement de la ville en eau potable. Ce projet a, en effet, permis de fournir 40 millions de m3 d’eau par an, dont 15 millions de m3 pour la ville, lui assurant ainsi l’approvisionnement progressif en eau depuis août 2023, et la satisfaction à 100% de ses besoins à compter de février 2024. A l’horizon 2026, le volume d’eau dessalée à l’échelle de la ville de Safi devrait atteindre 30 millions de m3 par an et 20 millions de mètres cubes pour l’usage industriel, dans la perspective d’approvisionner l’ensemble de la région de Marrakech-Safi dans les années à venir. D’autres stations de dessalement sont en cours de construction dans plusieurs villes, notamment celle de Casablanca avec, à terme, une capacité annuelle de production de 300 millions de m3 d’eau, qui sera la plus grande station de dessalement d’eau de mer en Afrique. 

 

 

 

 

 

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