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Marché carbone régional : Le Maroc à l’aube d’une transition verte ambitieuse

Marché carbone régional : Le Maroc à l’aube d’une transition verte ambitieuse

Au-delà de ses avancées en énergies renouvelables, le Royaume veut aujourd'hui franchir une nouvelle étape : la création d'un marché carbone à portée régionale.

 

Par Désy M.

À l’heure où la pression mondiale pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) ne cesse de croître, l’urgence de renforcer les efforts pour respecter les objectifs climatiques de l’Accord de Paris n’a jamais été aussi forte. Le Maroc, en ligne avec ses contributions déterminées au niveau national (CDN), vise une réduction ambitieuse de 45,5% de ses émissions de GES d'ici 2030.

Au-delà de ses avancées en énergies renouvelables, le Royaume veut aujourd'hui franchir une nouvelle étape : la création d'un marché carbone à portée régionale. Ce projet avant-gardiste a pris forme grâce à un protocole d’accord entre la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) et Casablanca Finance City (CFC). Fondé sur le principe de «pollueur-payeur», ce mécanisme vise à accélérer la transition écologique, encourager les investissements dans des technologies propres et soutenir la compétitivité des exportations nationales, notamment face au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE. Mais avant de se projeter à l’échelle régionale, le Maroc doit d’abord s’assurer de la maîtrise de son propre marché carbone.

 

Un potentiel à manier avec prudence

Pour le docteur Saïd Guemra, expert et consultant en énergie, il est nécessaire de garder des attentes mesurées. «Il faut modérer les ambitions de leader de la finance durable, d’acteur régional clé. Si nous réussissons à créer un marché carbone marocain fonctionnel, ce serait déjà un grand pas», affirme-t-il. Actuellement, les principales sources de certificats carbone au Maroc proviennent des projets d’énergies renouvelables, représentant environ 21% du mix électrique, ce qui équivaut à 6,67 millions de tonnes de CO2 évitées.

Un chiffre qui, malgré sa portée, reste modeste comparé aux 120 millions de tonnes de CO2 émises annuellement par le Maroc en 2023. Un marché carbone repose sur un système de quotas d’émissions de gaz à effet de serre attribuées à des entreprises et institutions. «Si une entreprise réduit ses émissions de 100 à 60 tonnes de CO2 grâce à un projet renouvelable, elle peut utiliser les 60 certificats carbone générés pour compenser sa taxe carbone. A l’inverse, si l’entreprise génère 140 TCO2/an, elle sera en mesure de vendre les 40 tonnes excédentaires», détaille l’expert. Ces certificats, reconnus à l’international, permettraient aux entreprises marocaines de se conformer aux exigences européennes. Cependant, le manque de volume de certificats et la nécessité d'une certification crédible restent des obstacles à surmonter pour la crédibilité de ce marché à l'échelle mondiale.

Le FCCM : Un précédent à méditer

En 2008, le Maroc avait déjà tenté de lancer un marché carbone avec la création du Fonds capital carbone Maroc (FCCM), sans succès. Selon Guemra, cet échec s’explique par un démarrage trop précoce, dans un contexte où les énergies renouvelables étaient encore peu développées. Aujourd’hui, le contexte a évolué avec la montée en puissance des grands projets renouvelables en haute tension et très haute tension qui génèrent du CO2 évité, et dont les certificats de ces projets peuvent être vendus en quelques heures. Le défi se situe au niveau de l’étroitesse du marché. «En dehors de ces grands projets renouvelables, il est essentiel de travailler avec les entreprises industrielles en moyenne tension. Mais le système actuel limite drastiquement la part des renouvelables pour cette catégorie à 2,4% de la production nationale, pour ne pas dire à rien», analyse l’expert. Il souligne également les défis liés à l’autoproduction sur site, qui reste restreinte par les surfaces disponibles pour les installations photovoltaïques. Toutes ces restrictions freinent la dynamique du marché, réduisant le nombre de certificats disponibles et, par conséquent, la fluidité des échanges.

Pour que ce projet prenne son essor, le Maroc devra repenser sa réglementation en matière de renouvelables. «Le taux de décarbonation national à 6% est un indicateur qui montre le grand retard que nous avons en matière de transition énergétique, mais aussi le formidable potentiel qui reste à mettre en valeur», estime Guemra. En atteignant une taille critique de certificats carbone, le pays pourrait non seulement répondre à ses propres besoins de décarbonation, mais aussi se positionner comme un acteur clé sur le marché africain, voire au-delà. 

 

 

 

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