L’interconnexion électrique Maroc-Mauritanie s’inscrit dans une dynamique de coopération stratégique qui dépasse les considérations énergétiques. En renforçant ses réseaux avec des partenaires régionaux et internationaux, le Maroc continue d’affirmer son rôle de leader énergétique en Afrique. Entretien avec Anas El Bouyousfi, CEO de SunCorp.
Propos recueillis par Désy M.
Finances News Hebdo : Quel est l’objectif d’une interconnexion entre le Maroc et la Mauritanie ?
Anas El Bouyousfi : La récente signature d’une convention d’interconnexion électrique entre le Maroc et la Mauritanie s’inscrit dans une vision stratégique visant à renforcer la coopération énergétique régionale. Cette initiative vise à stabiliser l’approvisionnement électrique des deux pays, particulièrement en cas de déficit ou de surcharge d’un réseau. Elle facilite également l’intégration des énergies renouvelables, permettant au Maroc, fort de son potentiel en énergie solaire et éolienne, de devenir un fournisseur régional tout en gérant mieux les fluctuations de production. Par ailleurs, ce projet contribue au développement d’un réseau électrique interconnecté en Afrique de l’Ouest, en ligne avec les ambitions de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). En somme, cette interconnexion est un levier clé pour l’intégration énergétique et économique entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne, renforçant la stabilité et la durabilité des réseaux électriques des deux pays.
F.N.H. : Quel bilan peuton faire des interconnexions électriques passées du Maroc, notamment avec celle de l’Algérie qui n’est plus fonctionnelle, et l’Espagne ?
A. E. B. : Le Maroc dispose d’une expérience riche en interconnexions électriques. Avec l’Algérie, cette interconnexion, bien qu’historiquement destinée à faciliter des échanges d’électricité, est aujourd’hui hors service en raison des tensions diplomatiques. Cependant, elle a marqué un précédent en matière de coopération régionale. Avec l’Espagne, les deux lignes sous-marines traversant le détroit de Gibraltar, d’une capacité combinée de 1.400 MW, constituent un véritable succès. Elles permettent des échanges dans les deux sens, comme en 2022, où le Maroc a importé de l’électricité depuis l’Espagne, renforçant ainsi la sécurité de son approvisionnement tout en réalisant des économies de coûts. Ces interconnexions mettent en évidence le rôle stratégique du Maroc comme pont énergétique entre l’Europe et l’Afrique, tout en contribuant à diversifier les sources d’approvisionnement et à optimiser l’utilisation des ressources.
F.N.H. : Quelle est l’utilité de ces interconnexions pour le secteur électrique et énergétique marocain ?
A. E. B. : Les interconnexions électriques apportent plusieurs bénéfices au Maroc. Elles diversifient les sources d’énergie, réduisent la dépendance énergétique et augmentent la résilience face aux variations de production et de demande. En outre, elles permettent de valoriser les surplus d’énergie renouvelable issus des infrastructures solaires et éoliennes, rendant ainsi ces investissements plus rentables. Elles sécurisent également l’approvisionnement en électricité, notamment lors de pics de consommation ou de défaillances internes, en permettant l’importation rapide d’électricité. Enfin, ces interconnexions accélèrent la transition énergétique en facilitant l’intégration des énergies propres dans le mix énergétique national. Sur le plan géopolitique, elles consolident le rôle du Maroc comme hub énergétique reliant l’Europe à l’Afrique.
F.N.H. : Comment le Maroc peut-il tirer pleinement profit de ces interconnexions électriques ?
A. E. B. : Pour maximiser les avantages des interconnexions, le Maroc doit renforcer ses infrastructures existantes, à l’image du projet de troisième interconnexion avec l’Espagne, qui augmentera la capacité d’échanges avec l’Europe. Diversifier les partenariats, notamment en explorant de nouvelles interconnexions avec des pays comme le Portugal ou d’autres États d’Afrique de l’Ouest, élargira également le champ d’action du Royaume. L’adoption de technologies avancées, comme les systèmes intelligents de gestion des flux énergétiques, maximisera l’efficacité des échanges. De plus, en harmonisant les cadres réglementaires et techniques, le Maroc pourra créer les bases d’un marché régional de l’électricité. Enfin, grâce à son potentiel en énergies renouvelables, le Maroc a l’opportunité de devenir un exportateur majeur d’électricité verte, répondant aux besoins croissants en énergie propre en Europe et en Afrique, tout en stimulant les investissements étrangers pour soutenir des projets énergétiques d’envergure.