Finances News Hebdo : L’engagement du Maroc pour le développement des ER ne date pas d’aujourd’hui étant donné que la stratégie énergétique nationale a été lancée en 2009. Qu’est-ce qui explique le timing de votre visite et l’intérêt que porte votre gouvernement au marché marocain ?
Doris Leuthard : Sur le plan international, la Suisse prend le temps d’observer la mise en oeuvre des politiques et stratégies annoncées afin de s’assurer que celles-ci ne sont pas que des déclarations d'intention, des lettres mortes sur du papier, des concepts mais plutôt du concret.
Pour le cas du Maroc, nous avons été agréablement surpris de voir que les objectifs annoncés se réalisent. Le gouvernement marocain a montré clairement sa volonté d’aller au bout de ses ambitions à travers le lancement de projets palpables. C’est pour cela que nous pensons que c’est le moment opportun pour renforcer les relations bilatérales entre nos deux pays notamment dans le domaine des ER. Je tiens à préciser que les entreprises suisses ne cherchent pas à s’installer pour une courte durée, bien au contraire elles investissent avec une vision de stabilité, de durabilité et de pérennité. C’est la raison pour laquelle nous prenons le temps d’évaluer les marchés et la volonté des gouvernements à honorer leurs engagements.
F.N.H. : Il est vrai que le Maroc a fait un énorme pas dans le domaine des ER, cependant il affiche encore du retard sur le plan réglementaire particulièrement en ce qui concerne l’exportation de l’électricité générée par les énergies vertes…
D. L. : Un gouvernement doit toujours être ambitieux et avoir une vision claire même si sa réalisation peut s’avérer difficile. Plusieurs obstacles peuvent entraver les investissements notamment une réglementation non attractive ou inexistante ou encore un prix de marché bas.
En ce qui concerne l’exportation de l’électricité, il faut savoir qu’il est difficile actuellement d’exporter vers l’Europe car il y a suffisamment d’électricité, il n’y a donc pas un besoin exprimé.
Pour le Maroc, je pense qu’il faudra dans un premier temps approvisionner le marché intérieur afin d’assurer la sécurité énergétique et réduire les importations d’énergies dont le Royaume est très dépendant.
Aussi, le pays est-il un grand producteur de charbon, ce qui n’est pas sans conséquence sur l’environnement. La priorité est donc d’augmenter la production nationale et de couvrir les besoins nationaux avant d’exporter.
F.N.H. : La Suisse est la plaque tournante de l'électricité en Europe. Pensez-vous que le Maroc soit sur le bon chemin pour devenir un hub régional dans le domaine de l’électricité ?
D. L. : La Suisse a pris connaissance de la volonté du Roi Mohammed VI à faire du Maroc un acteur incontournable en Afrique. Mais pour y parvenir, il faut une stabilité économique et politique, de la crédibilité et surtout le développement du réseau électrique. Car sans le transport de l’énergie, le Maroc ne pourra jamais jouer ce rôle de hub régional.
A ce propos, nous sommes prêts à échanger avec le gouvernement marocain sur notre expérience et sur les difficultés susceptibles de se produire.
Nous aurons plus de visibilité sur la coopération entre nos deux pays après les entretiens que nous allons avoir avec les différents ministères notamment de l’Energie, de l’Environnement, de l’Eau et du Transport.
Propos recueillis par L. Boumahrou