L’efficacité énergétique est une politique qu’il faut accompagner par une réglementation ainsi que par des outils financiers, d’accompagnement, de sensibilisation et de formation.
55 millions d’euros sont mis à la disposition des PME pour financer des projets intégrant la composante de l’efficacité énergétique. L’annulation des droits de douane pour les véhicules hybrides et électriques interviendra à partir de 2017. Said Mouline, Directeur général de l’AMEE (ex ADEREE), plaide pour l'intégration de l’efficacité énergétique dans tous les projets afin de faire face aux défis énergétiques de demain.
Finances News Hebdo: La mise en œuvre de la politique d’efficacité énergétique a pris du retard. Comment expliquez-vous cela et comment l’AMEE compte-t-elle le rattraper ?
Said Mouline: Le retard intervient dans la mise en place des outils. L’efficacité énergétique n’est pas un projet à financer comme un parc éolien ou solaire. Mais une politique qu’il faut accompagner par une réglementation, des outils d’accompagnement, de sensibilisation et de formation ainsi que par des instruments financiers, lesquels sont aujourd’hui en train de se mettre en place. C’est le cas du Morseff qui accompagne, finance et accorde même des subventions aux entreprises qui intègrent l’efficacité énergétique dans leurs projets. Ce sont de tels outils qu’il faut généraliser dans tous les secteurs. Les entreprises peuvent faire appel à la ligne de financement de l’énergie durable.
F.N.H.: Concrètement, à qui est destinée cette ligne de financement et quelle est sa cible ?
S. M.: Le Morseff est une ligne de financement de l’énergie durable dotée de 80 millions d’euros, destinée aux PME dans tous les secteurs. Il y a eu un déblocage d’une première ligne de 20 millions d’euros et récemment d’une deuxième ligne de 35 millions d’euros. Ce qui prouve qu’aujourd’hui il y a une demande, qui s’explique par le coût croissant de l’énergie. Tous les acteurs cherchent à faire des économies, et surtout à ne plus gaspiller. Maintenant, il faudra chercher d’autres lignes pour aider à l’acquisition des moyens de production car dans l’efficacité énergétique le plus dur c’est d’investir au préalable. Il faut donc arriver à aider ceux qui n’en ont pas les capacités. Et c’est tout l’enjeu des lignes de crédit et des banques qui doivent accompagner ces entreprises.
F.N.H.: Ce programme accorde une subvention de 10% aux projets qui intègrent la composante de l’efficacité énergétique. A ce jour, combien de projets ont-ils bénéficié de cette ligne ?
S. M.: Plus de 20 millions d’euros ont été déjà utilisés. C’est pour cela qu’une deuxième ligne de 35 millions d’euros a été lancée. La demande commence à augmenter. Il va falloir communiquer et sensibiliser davantage quant à l’existence de cette ligne auprès des PME.
F.N.H.: Le Maroc a certes franchi un pas important en matière de réglementation dans le domaine de l’efficacité énergétique, notamment avec la loi n°47-09. Toutefois, son application laisse à désirer. Comment comptez-vous y remédier ?
S. M.: En effet, la réglementation existe et il faut la généraliser. Mais pour cela, une étape importante doit être franchie, consistant en l’accompagnement à travers notamment la formation des architectes en matière de calcul thermique (un logiciel gratuit est disponible sur le site web de l’ADEREE).
Toutes les politiques d’efficacité énergétique ne se font pas en un an, parce qu’il ne s’agit pas uniquement de changer de technologies (ce qui est relativement facile) mais de procédures et de réflexes. Les Agences urbaines et les communes ont également un rôle important à jouer en matière de contrôle, notamment lorsqu’il s’agit de délivrer les permis de construire. Il faut que la réglementation thermique soit respectée.
F.N.H.: Avez-vous une idée du temps nécessaire pour cette phase de transition avant de passer aux sanctions ?
S. M.: Nous sommes actuellement dans une phase d’accompagnement et de préparation comme je l’ai déjà dit. Vous ne pouvez pas imposer une réglementation du jour au lendemain. Et c’est pareil dans tous les pays. Toute politique requiert une phase de transition. Mais à un certain moment, elle devra être généralisée.
D’ailleurs, pour montrer que cela est réalisable, nous avons mené des projets d’accompagnement partout au Maroc, de Nador au Sud du pays. C’est aussi pour montrer qu’il y a des acteurs dans ce domaine dans les quatre coins du pays avec une technologie qui est accessible. C’est tout un marché qui est en phase de se développer. Cela dit, il faut donner du temps au temps, mais rester tout de même vigilant parce qu’il y a une loi qui doit être appliquée par tout le monde.
Un autre volet et pas des moindres concerne les projets de l’Etat qui doivent être exemplaires. Et nous sommes dans cet esprit. Dans ce sillage, l’Etat est en phase d’élaborer un contrat-programme en cours de finalisation avec les différents secteurs.
F.N.H.: Sans incitations fiscales, cette phase de transition risque d’être longue et difficile pour les entreprises. Outres ces lignes de financement, qu’a prévu l’Etat en matière de fiscalité pour inciter les entreprises à s'inscrire dans ce processus ?
S. M.: Nous sommes en phase de mettre en place des incitations fiscales, même si cela n’est pas évident. Nous avons commencé par le secteur des transports avec l’annulation des droits de douane pour les véhicules hybrides et électriques à partir de 2017.
Dans le bâtiment, nous avons des projets locaux concernant notamment le liège pour l’isolation produite localement. Il faut encourager ce qui est local. Quant aux importations des technologies visant à réduire la consommation, je pense qu’il y a déjà une fiscalité incitative. C’est le cas des panneaux solaires. Nous faisons attention pour encourager l’industrie locale, car n’oublions pas que nous avons des accords de libre-échange.
Pour conclure, il nous faut trouver d'autres instruments de financement tout en gardant à l’esprit que nous voulons développer en parallèle une industrie dans ce domaine.
Propos recueillis par L. Boumahrou