La COP22 sera l’occasion d’apporter des réponses, entre autres, aux questions liées à la protection des Océans, à la lutte contre le stress hydrique, ainsi qu’au financement. Jean-Louis Chaussade, Directeur général du groupe Suez, estime que pour permettre aux pays en voie de développement d’aller plus vite dans l’adaptation aux changements climatiques, il faudra favoriser l’innovation au Sud et réinventer le partage des technologies entre le Nord et le Sud.
Finances News Hebdo : Les entreprises ont un rôle important à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique et dans la mise en oeuvre de l’Accord de Paris. Comment se traduit l’engagement environnemental de Suez ?
Jean-Louis Chaussade : Les COP vont aujourd’hui au-delà des négociations entre Etats, en incluant les villes, la société civile, les ONGs et les entreprises. Ces dernières se sont engagées à minimiser leur impact environnemental, soit en réduisant la production des émissions de gaz à effet de serre, soit en économisant l’eau et l’énergie. Pour le groupe Suez, nous avons pris l’engagement de multiplier notamment les usages de l’eau avant son rejet dans le milieu naturel, en triplant la capacité de production d’eaux alternatives, soit par la réutilisation des eaux usées traitées, soit par le dessalement.
Au Maroc, notre filiale Lydec a économisé l’équivalent en consommation de plus d’un million d’habitants en 2014. Ces engagements se traduisent donc par la mise en oeuvre de solutions climato-responsables.
Aujourd’hui, si les Etats dessinent les contours des objectifs, les parties prenantes (société civile, ONG, secteur privé…) passent à l’acte.
La COP22 sera donc l’occasion d’apporter des réponses, entre autres, aux questions liées à la protection des océans, à la lutte contre le stress hydrique, ainsi qu’au financement.
F.N.H. : En tant qu’entreprise présente aussi bien au Nord qu’au Sud, pensez-vous que la prise de conscience des enjeux du changement climatique est-elle la même au niveau de tous les pays du bassin ?
J. L. Ch. : La majorité des pays qui étaient présents à Paris, aussi bien du Nord que du Sud, ont essayé d’apporter leur contribution dans la trajectoire «deux degrés celsius». Je pense qu’il y a un engagement global qui est de plus en plus important. Bon nombre de pays se sont rendu compte de l’urgence de s’attaquer à la problématique du climat qui menace leur population, leur croissance et leur développement. Dans ce sens, la stratégie du Maroc peut être considérée comme un exemple à l’échelle de l’Afrique.
Il faut tenir compte de cette problématique qui diffère d’un pays développé doté d’une industrie de plus de 150 ans, ou à un autre avec une histoire industrielle de 30 ou 40 ans, voire moins.
Pour permettre aux pays en voie de développement d’aller plus vite, il va donc falloir favoriser l’innovation au Sud et réinventer le partage des technologies entre le Nord et le Sud.
Ce sont des enjeux qui me paraissent essentiels pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre de l’Accord de Paris.
F.N.H. : La coopération est aujourd’hui un élément-clé pour atteindre ces objectifs. Comment contribuez-vous à renforcer cette coopération entre les deux rives ?
J. L. Ch. : La lutte contre le dérèglement climatique est un sujet qui suppose des coopérations multiformes aussi bien entre Etats, entreprises, sociétés civiles…
Je prends l’exemple de la réduction de la production des plastiques. 300 millions de tonnes de plastique sont produites dans le monde chaque année, dont 50 millions de tonnes en Europe. Malheureusement, une grande majorité n’est pas valorisée parce qu’il n’y a pas assez de dialogue entre les producteurs, les consommateurs, les professionnels du recyclage…
Deuxième exemple, il va falloir rationaliser les usages de l’eau et pour cela, il faut enclencher un débat entre les producteurs agricoles et les industriels.
A Casablanca, Lydec est en cours de discussion avec un certain nombre de partenaires sur la possibilité de réutiliser l’eau résiduelle traitée à des fins industrielles ou agricoles.
Je pense que l’économie circulaire (recyclage et réutilisation des matières premières) est non seulement une nécessité si l’on veut découpler la croissance économique de la consommation des matières premières, mais c’est aussi une obligation de coopération entre tous les acteurs de la chaîne pour plus d’efficacité.
F.N.H. : En tant qu’entreprise citoyenne engagée dans les questions climatiques, quel est le soutien financier que vous apportez à cette cause ?
J. L. Ch. : Notre contribution prend plusieurs formes.
Tout d’abord, il y a un soutien à travers l’apport de la technologie, du savoir-faire et des investissements qui permettent d’apporter des solutions concrètes à nos clients.
Je donne l’exemple de la décharge non contrôlée de Meknès que nous avons réhabilitée, avant de créer un centre de traitement et de valorisation des déchets, afin de protéger l’environnement et les citoyens. Nous avons accompagné les trieurs informels qui travaillaient dans la décharge dans la création d’une coopérative et la structuration de leur activité par la formation et l’équipement notamment. Nous avons équipé également le site d’un système de capture de méthane qui permet de produire de l’électricité, ce qui est important pour la croissance économique du Maroc. Par ailleurs, le fait de réutiliser du méthane, qui a un pouvoir de réchauffement 28 fois supérieur au CO2, permet de réduire l’empreinte de CO2 du Maroc. Nous avons estimé que l’équipement d’une décharge avec ce système permettait de réduire de 80% ses émissions de gaz à effet de serre. D’après la Banque mondiale, une bonne gestion des déchets permettrait de réduire de 18% les émissions de gaz à effet de serre.
Deuxième volet, le Fonds Suez initiatives, doté de 4 millions d’euros chaque année depuis 2011, soutient financièrement, mais également en mécénat de compétences-des actions concrètes pour développer durablement l’accès aux services essentiels (eau potable, assainissement et gestion des déchets) des populations défavorisées dans les pays émergents.
Propos recueillis par L. Boumahrou