Finances News Hebdo: Le changement climatique est un phénomène qui affecte la planète et donc tous les secteurs. Dans quelle mesure ce fléau influe-t-il la filière sucrière au Maroc ?
MohamedFikrat: Le secteur sucrier est une chaîne de valeur intégrée, de l’amont agricole jusqu’à la distribution. Du fait que la moitié de la production provient de l’amont agricole (nous sommes présents dans 5 régions irriguées avec 80.000 agriculteurs qui interagissent avec nous), nous sommes exposés de plein fouet à toutes les problématiques liées au changement climatique. C’est pour cela que nous avons mis en place, depuis plusieurs années, toute une stratégie d’accompagnement et d’encadrement des opérations agricoles, notamment par le choix des meilleures semences possibles, et l’introduction des meilleures méthodes de préparation du sol, d’entretien et de récolte de la betterave et de la canne. C’est d’ailleurs ce qui nous a permis d’atténuer les effets que nous avons eus à subir à cause des inondations, de la sécheresse, du gel...
Tout cela a été géré grâce à l’écosystème qui regroupe aussi bien les différents ministères, que les associations des agriculteurs, nos clients, nos fournisseurs, nos actionnaires…
Un écosystème qui fonctionne main dans la main dans le cadre du contrat-programme du Plan Maroc Vert signé devant SM le Roi. Je tiens à rappeler que nous étions la première Fédération interprofessionnelle à l’avoir signé en 2008, puis renouvelé en 2013. Ce fonctionnement nous a donc permis de gérer les différents risques. Preuve en est, en 2015 qui a été une année pas du tout facile sur le plan agricole, nous avons enregistré des résultats exceptionnels, avec une production de 607.000 tonnes de sucre blanc, couvrant ainsi 50% des besoins de notre pays. Ce qui est aussi très important à signaler, c’est l’amélioration du rendement. En 2015, le rendement moyen a été de 12 tonnes de sucre à l’hectare contre 5 à 6 tonnes entre 2005 et 2006. Cette augmentation de rendement s’est traduite par une augmentation des revenus des agriculteurs, dont la majorité possède de petites exploitations (entre 1 et 2 hectares).
F.N.H.: Les effets du changement climatique ne font que s’accentuer, augmentant les risques qu’encourt votre filière. Avez-vous évalué les besoins financiers nécessaires pour faire face à ce fléau naturel dans les prochaines années ?
M. F.: En fait, nous n’avons pas réalisé une évaluation sur plusieurs années, mais comme toute entreprise qui se respecte, nous procédons à des prévisions budgétaires, d’analyse et de projection sur une année ou sur 3 ans ainsi qu’un suivi en temps réel de ce que nous faisons.
C’est d’ailleurs ce qui nous a permis de suivre attentivement toutes les nouvelles technologies qui peuvent être mises au point dans notre secteur, ainsi que les risques auxquels nous sommes exposés.
Ceci nous a amenés à investir plus de 7 milliards de DH sur ces dernières années pour améliorer de manière continue notre outil de production et à faire des choix pertinents qui nous rapprochent des meilleurs standards internationaux, que ce soit pour les sucreries de betterave, de canne que pour la raffinerie de Casablanca. Cette dernière fait d’ailleurs partie du top 5 mondial du point de vue performance. Aussi, la capacité dont nous disposons nous permet-elle aujourd’hui de dégager un volume respectable que nous exportons. Nous importons du sucre brut, en admission temporaire et en dehors du système de compensation, et nous l’exportons sur plus de 25 pays. Cela est rendu possible grâce à la qualité du sucre et à la compétitivité de la filière.
F.N.H.: Le Maroc s’est engagé dans le cadre de ses NDC à réduire de 13% (et 19% conditionnés par l’appui international) ses émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030. Comment comptez-vous contribuer pour atteindre cet objectif ?
M. F.: Nous avons réalisé une étude qui nous a permis de déterminer l’empreinte carbone de notre filière. Elle est ainsi évaluée à 0,7% de l’empreinte globale du pays. La bonne nouvelle est que nous avons un bilan positif, puisque l’estimation des rejets carbone est évaluée à 0,525 kg CO2/kg de sucre, sachant que les plantes sucrières permettent l’absorption de 0,764 kg CO2/kg de sucre. Cela nous encourage à nous engager à l’horizon 2020 à mettre en place un plan pour diminuer de 20% notre empreinte carbone.
Propos recueillis par L. Boumahrou