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En mer d'Arabie, une inquiétante «zone morte» ne cesse de s'étendre

En mer d'Arabie, une inquiétante «zone morte» ne cesse de s'étendre

 

Abou Dhabi, 17 juil 2018 (AFP) - Dans les eaux de la mer d'Arabie, une "zone morte" sans oxygène de la taille de l'Écosse ne cesse de s'étendre et suscite l'inquiétude des scientifiques, qui estiment qu'elle pourrait être liée au changement climatique.

 

A Abou Dhabi, Zouhair Lachkar travaille dans son laboratoire sur un modèle informatisé du golfe d'Oman, une zone de la mer d'Arabie qui borde le sultanat du même nom et l'Iran. Des images colorées en mouvement montrent les changements de température, le niveau de la mer et, surtout, les concentrations d'oxygène.

 

Ces modèles et de nouvelles recherches dévoilées cette année montrent une tendance inquiétante.

 

La zone morte de la mer d'Arabie est la plus large au monde, assure M. Lachkar, chercheur principal à l'université NYU Abu Dhabi.

 

"Elle commence à environ 100 mètres (de profondeur) et descend jusqu'à 1.500 mètres, de sorte que presque toute la colonne d'eau est complètement dépourvue d'oxygène", explique-t-il à l'AFP.

 

M. Lachkar et d'autres chercheurs pensent que le réchauffement climatique entraîne l'expansion de la zone, ce qui soulève des préoccupations pour les écosystèmes et les industries locales, comme la pêche ou le tourisme.

 

Les "zones mortes" sont des phénomènes naturels, mais celle-ci, dont les limites s'étendent du détroit d'Ormuz au Golfe d'Aden et à l'est jusqu'à la côte indienne, semble s'être agrandie depuis un dernier relevé datant des années 1990.

 

Ce résultat a été obtenu grâce à l'utilisation de robots plongeurs déployés là où les chercheurs ne peuvent pas aller. L'opération a été menée par l'Université britannique d'East Anglia en collaboration avec l'Université Sultan Qabous d'Oman.

 

Les mesures des taux d'oxygène effectuées en 1996 avaient montré de très faibles concentrations.

 

Mais la dernière étude effectuée en 2015 et 2016 a révélé que les niveaux avaient encore chuté.

 

Et contrairement aux années 1990, lorsque les niveaux les plus bas se limitaient au coeur même de la "zone morte", à mi-chemin entre le Yémen et l'Inde, ils s'étendent maintenant bien au-delà.

 

Le niveau d'oxygène "est partout au minimum", affirme à l'AFP Bastien Queste, qui dirige les recherches engagées par les Universités britannique et omanaise.

 

 

 

 

 

A NYU Abu Dhabi, M. Lachkar explique que la "zone morte" de la mer d'Arabie semble être prise dans un cycle où le réchauffement de la mer réduit l'oxygène, ce qui à son tour renforce le réchauffement.

 

Ceci "peut être très effrayant pour le climat", affirme-t-il.

 

De Bombay, dans l'ouest indien, à Mascate, sur les rives du golfe d'Oman, plusieurs ports donnent sur la mer d'Arabie.

 

Ces zones côtières et leurs populations seront affectées par l'expansion de la "zone morte". Les poissons, importants moyens de subsistance pour les habitants de la région, peuvent voir leur habitat réduit.

 

"Quand la concentration d'oxygène tombe en dessous de certains niveaux, les poissons ne peuvent pas survivre", souligne M. Lachkar.

 

Pour mener à bien ses recherches, ce chercheur s'appuie sur un vaste et puissant centre de calcul qui a coûté plusieurs millions de dollars.

 

En 2016, les Émirats arabes unis ont rebaptisé leur ministère de l'Environnement et de l'Eau en ministère du Changement climatique et de l'Environnement, manifestant leur volonté de relever les défis dans ce domaine.

 

"C'est une question importante, non seulement pour des raisons scientifiques mais aussi économiques", dit M. Lachkar. "La pêche est une source importante de revenus et elle est directement touchée" par ce phénomène.

 

Les récifs coralliens et, par extension, le tourisme, pourraient également être affectés, selon lui.

 

Juste à côté de son laboratoire se trouve un autre centre de recherches où des scientifiques, comme Diana Francis, étudient l'impact du changement climatique à l'échelle mondiale.

 

En 2015, l'accord de Paris sur le climat a vu le monde s'engager pour réduire les émissions de CO2 dans le but d'atténuer le réchauffement de la planète. Mais le président américain Donald Trump en a retiré son pays l'an dernier.

 

Cette décisions est "décevante" juge Mme Francis. Mais "la politique change avec le temps (...), pas la science", glisse-t-elle.

 

 

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