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Croissance verte : La Banque mondiale, une alliée de taille pour le Maroc

Croissance verte : La Banque mondiale, une alliée de taille pour le Maroc

Andrea Liverani,

La Banque mondiale accompagne depuis plusieurs années le gouvernement marocain dans sa réflexion sur la mise en place d’une croissance verte et inclusive. Le Conseil d’administration de la Banque mondiale vient d’approuver l’octroi d'un deuxième prêt de 300 millions de dollars. L’institution de Bretton Woods envisage d’accompagner le gouvernement marocain dans l’organisation de la COP22. Andrea Liverani, chef du projet croissance verte à la Banque mondiale, revient sur la coopération bilatérale et l’appui des réformes visant la protection de l’environnement et la promotion d’une croissance à faible intensité de carbone.

Finances News Hebdo : Conscient des enjeux de l’intégration de la composante environnementale dans son processus de développement, le Maroc s’est inscrit, depuis quelques années, dans une démarche de croissance verte. Comment se déclinent les relations de partenariat et de coopération dans ce domaine entre le Maroc et la Banque mondiale ? 

Andrea Liverani : La Banque mondiale (BM) accompagne depuis plusieurs années le gouvernement marocain dans sa réflexion sur la mise en place d’une croissance verte et inclusive. L’objective de durabilité est largement intégré dans nos différentes domaines de collaboration tels que l’agriculture, les transports urbains ou l’énergie. 

Notre dialogue avec le Maroc sur les questions environnementales date depuis longtemps, mais il s’est renforcé depuis 2003 lorsque le gouvernement a fait appel à la BM pour la réalisation d’une étude sur le coût de la dégradation environnementale. A travers une analyse détaillée par secteur, cette étude a donné à la question de l’environnement, au-delà des priorités écologiques, environnementales et de préservation des ressources naturelles, une dimension économique. Cette dernière revêt une importance cruciale car elle vise à permettre aux décideurs, particulièrement ceux qui gèrent les deniers de l’Etat, de saisir la valeur d’une meilleure intégration de la dimension environnementale dans les politiques publiques. 

F.N.H. : Sur quelle base a été fondée cette coopération ? 

A. L. : Elle se base sur une véritable attention des décideurs sur la question environnementale. Les stratégies sectorielles lancées depuis les années 2000 (Plan Maroc Vert, Stratégie Halieutis, Vision 2010 et 2020 du tourisme, Stratégie de l’eau…) avaient déjà intégré la réflexion de la durabilité et de la soutenabilité. Ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays. Mais les discours royaux de 2009 et 2010 qui soulevèrent la nécessité d’intégrer la dimension environnementale dans toutes les politiques publiques, furent en véritable tournant. On doit saluer l’effort déployé par le gouvernement marocain pour renforcer l’arsenal réglementaire et stratégique pour assurer une croissance durable du Royaume ainsi que pour instaurer un dialogue interministériel sur les questions environnementales. Sans cette intégration des différents décideurs et cette mobilisation au plus haut niveau de l’Etat, les politiques et programmes de protection de l’environnement resteraient en effet lettre morte. La Banque mondiale a simplement accompagné une décision et un choix déjà instauré par le gouvernement marocain. 

F.N.H. : Concrètement, quand est-ce que l’appui financier de la BM dans ce domaine a réellement démarré ? 

A. L. : Le dialogue qui a mené à ce programme d’appui a démarré en 2010 à travers une série d’études sur l’intégration de la dimension climat dans différentes stratégies sectorielles: pêche, énergie, agriculture. A ce moment-là la BM publia un rapport-phare sur «La croissance verte inclusive», une réflexion sur la possibilité de conjuguer durabilité, développement économique et prospérité partagé, de percevoir les synergies, et non seulement les arbitrages, entre préservation des actifs naturels et productivité de ces mêmes actifs ; et de formuler des politiques publiques ou la soutenabilité environnementale n’est qu’un moyen pour favoriser la croissance, et vice-versa. Le fait que le Maroc avait déjà mené cette réflexion et opté pour ce choix a débouché sur la mise en place du programme de politique de développement (PPD) (600 millions de dollars sur deux tranches) pour soutenir les politiques du gouvernement en matière de croissance verte. 

Lors de la première phase de concertation avec les pouvoirs publics, nous avons identifié ensemble les secteurs inclus dans le programme, et à partir de là, les objectifs du PPD ont été tracés. 

F.N.H. : Dans le cadre plus large de votre accompagnement au Maroc sur le développement durable, quels sont les domaines prioritaires ? 

A. L. : La durabilité figure parmi les trois axes d’action de notre Cadre de Partenariat stratégique avec le gouvernement. L’un des principaux secteurs de cette collaboration est l’agriculture qui représente 15% du PIB (principal moteur de croissance de l’économie) mais qui est sujette à des contraintes naturelles importantes (pluviométrie et exploitation intensive des terres). Dans le cadre de son appui au Plan Maroc Vert, la BM a soutenu des investissements importants dans la modernisation des réseaux d’irrigation et le passage d’une irrigation gravitaire à une technologie de goutte à goutte. Un prêt de 150 millions de dollars a été accordé, en juillet dernier, qui s’inscrit dans le cadre du programme national d’économie et de valorisation de l’eau en irrigation (PNEEI) destiné à la modernisation de l’irrigation à grande échelle. 

Concernant le secteur des énergies, la Banque mondiale accompagne le Maroc d’une part, dans le programme de l’électrification rurale (PERG), et d’autre part, dans le projet de transition vers les énergies renouvelables, notamment à travers un appui de 400 millions à la mise en oeuvre du plan solaire. Le secteur du transport n’est pas en reste puisque la BM apporte un appui au programme national des routes rurales, un projet important pour favoriser l’adaptation, au sens large, des communautés rurales, mais aussi à la modernisation des transports en commun dans les villes pour alléger la pression de la pollution sur les villes. Enfin, à travers des ressources du Fonds pour l’environnement mondial GEF, la BM a accompagné le ministère de l’Environnement à mettre en place un projet pilote de gestion du littoral marocain. Outre le volet financier, la Banque mondiale accompagne le Maroc en mobilisant de l’assistance technique et des études analytiques dans le domaine environnemental; à ce titre, l’étude sur le coût de la dégradation environnementale est actuellement en cours d’actualisation et nous devrions en partager les conclusions prochainement.

F.N.H. : Pour revenir au Programme d’appui à la croissance verte solidaire, le Conseil d’administration de la Banque mondiale vient d’approuver l’octroi d’un deuxième prêt de 300 millions de dollars. Quelles sont les réformes qui seront concernées par ce prêt ? 

A. L. : Il s’agit en effet de la deuxième tranche du programme de politique de développement ; la première tranche ayant été approuvée en décembre 2013. Ce deuxième prêt appuie 3 axes importants : l’amélioration de la gestion du capital naturel; l’amélioration de la gestion environnementale du capital physique ; et le renforcement et la diversification des revenus ruraux pour une optimisation du capital humain. Le premier axe appuie l’élaboration du cadre législatif et réglementaire sur la gouvernance de la planification du littoral, la préservation des nappes ainsi que les dispositions de la stratégie Halieutis en matière de pêche illicite. Le deuxième volet appuie le développement d’un cadre réglementaire pour l’investissement privé dans le secteur des énergies renouvelables notamment avec l’ouverture de la connexion réseau, petite et moyenne tension, aux investisseurs privés ainsi que la mise en place d’un régulateur de l’électricité. Dans ce même axe, il s’agit aussi d’augmenter la dotation allouée aux programmes sociaux suite à la levée des subventions énergétiques.

Quant au troisième programme de réforme, il se décline sur trois niveaux : l’accompagnement de l’agriculture pour mieux se préparer aux aléas climatiques avec une convention cadre pour la fourniture d’informations agro-météorologiques à destination du secteur agricole; l’appui à l’Agence nationale du développement de l’aquaculteur pour la mise en place des premiers jalons du cadre qui permet d’attirer les investisseurs privés et enfin l’appui au programme national d’écotourisme rural «Qariati».

F.N.H. : Pour conclure, le Maroc s’apprête à relever un challenge, celui de l’organisation de la COP22. Quel rôle compte jouer la BM pour faire réussir cet événement ? 

A. L. : L’organisation de la COP22 au Maroc permettra au Royaume d’exporter davantage sa vision de long terme sur durabilité et croissance. Il s’agira d’une COP ambitieuse, car le succès de Paris devra être traduit par des actions concrètes à Marrakech. Nous serons ravis de pouvoir accompagner le gouvernement marocain dans l’organisation de la COP22 et nous avons déjà conduit des concertations avec le ministère de l’Environnement pour définir les axes de cette collaboration. 

Propos recueillis par Lamaie Boumahrou

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