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La BM appuie le Maroc pour drainer davantage de financement climat

La BM appuie le Maroc pour drainer davantage de financement climat

Taoufiq Bennouna

Les changements climatiques engendreraient une baisse du PIB pouvant atteindre jusqu'à 14% à l’ho­rizon 2050 pour les pays du pourtour méditerranéen. Le phénomène du changement climatique est global, mais agir au niveau local devient une priorité et une urgence. Le bassin méditerranéen s’appuie sur l’ingénierie territoriale pour consolider son développement durable. Taoufiq Bennouna, expert principal en gestion des ressources naturelles à la Banque mon­diale, revient sur les enjeux économique, social et environnemental d’une transition touristique pour les pays du pourtour méditerranéen, de plus en plus vulnérable aux changements climatiques.

Finances News Hebdo : Pourquoi le déve­loppement territorial est-il indispensable pour s’inscrire dans un développement durable ?

Taoufiq Bennouna : Le développement territorial est une dynamique visant à aider les terroirs à valoriser leurs ressources et potentiels entre autres touristiques, favoriser l’émergence d’une économie locale et permettre une meilleure répartition des produits locaux et des flux touristiques. Il s’agit donc d’une approche multidisciplinaire appelant la conjugaison des connaissances et des expertises, que ce soit au niveau du tourisme, de la recherche sociologique et ethnographique, de la géographie, du développement local et de l’ingénierie territoriale.

L’idée de cette conférence est de permettre la rencontre entre différents spécialistes de ces disci­plines, chercheurs, experts d’organisations interna­tionales, pouvoirs publics, société civile et secteur privé ... et de savoir quel regard ils portent sur le développement territorial et comment à travers cet outil assurer une transition touristique. L’objectif est de permettre une convergence entre les différents points de vue pour favoriser le développement ter­ritorial. Aussi, de se mettre d’accord sur un méca­nisme fédérateur pour appuyer cette approche et d’arriver à la COP22 avec un side event qui permet d’exposer et d’éclairer les décideurs sur les outils et moyens identifiés pour aider à réussir ce chantier.

F.N.H. : Quels sont les enjeux économique, social et environnemental d’entreprendre ce processus pour la région, d’une manière générale, et pour le Maroc en particulier ?

T. B. : L’enjeu est de mettre en avant l’importance d’une meilleure conception des programmes de développement et de veiller à assurer des revenus équitables notamment pour la population locale grâce à ses spécificités culturelles et à ses produits de terroir.

C’est l’enjeu économique, environnemental et social, c'est-à-dire celui du développement durable qui prime.

F.N.H. : Quelle relation y a-t-il entre dévelop­pement territorial et transition touristique ?

T. B. : Le développement territorial est un enjeu majeur de développement durable mais aussi de prospérité partagée, y compris pour les zones reculées. Au Maroc, par exemple, le chantier de la régionalisation permet au pays de franchir un pas important dans ce sens en accordant aux régions les prérogatives pour identifier et dévelop­per leurs propres positionnements et potentialités économiques. La question qui se pose est comment réussir ce défi ? Prenons l'exemple du secteur du tourisme comme outil de développement du terri­toire parce qu’il représente l’un des principaux sec­teurs économiques du bassin méditerranéen et en particulier pour les pays du Sud de la Méditerranée. Une région qui est certes la meilleure destination touristique au monde mais qui reste très vulnérable. Vulnérable parce que les modèles de développe­ment mis en place jusqu’à présent ont favorisé un tourisme concentré, balnéaire et de masse. Aussi, l’impact du changement climatique sur le bassin méditerranéen se faisant de plus en plus préoc­cupant, une action urgente est nécessaire pour promouvoir un développement durable, prenant en considération la préservation des terroirs et la pro­tection des ressources naturelles.

Les scénarios catastrophe du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) sont clairs : si nous n’adoptons pas des solutions durables et commençons leur mise en oeuvre effec­tive, le devenir de nos enfants est réellement remis en question.

F.N.H. : Vous avez parlé des impacts du chan­gement climatique notamment la hausse des températures, la baisse des précipitations et l’élévation du niveau de la mer, qu’en est-il de l’impact économique ?

T. B. : Selon les prévisions les plus alarmantes, les changements climatiques engendreraient une baisse du PIB pouvant atteindre jusqu'à 14% à l’horizon 2050 pour les pays du pourtour méditerra­néen. Pour la France, par exemple, cela représen­tera 7 à 8% du PIB. Quant aux pays de la rive sud de la Méditerranée, qui sont beaucoup plus vulnérables au changement climatique, l’impact serait beaucoup plus important. D’autant plus que ces pays n’ont toujours pas de politiques structurelles qui incluent les risques climatiques dans leurs politiques de développement.

Le phénomène du changement climatique est glo­bal, mais agir au niveau local devient une priorité et une urgence. C’est pourquoi agir en tant que citoyen pour économiser la facture énergétique et pour réduire la fracture climatique est indispensable pour atténuer ce changement climatique et inverser la trajectoire actuelle qui nous trace un avenir très sombre.

F.N.H. : Intégrer cette dimension de risque climatique dans notre politique est-elle une urgence pour les pays du pourtour méditer­ranéen ?

T. B. : C’est un nécessité, nous n’avons plus le choix.

F.N.H. : Le Maroc est souvent cité comme un exemple à suivre en matière d’engage­ment pour la lutte contre le changement climatique. Cet engagement est-il reflété dans notre politique touristique ? La dimen­sion climatique est-elle intégrée dans cette stratégie ?

T. B. : Le Maroc a réellement enclenché le pas, pris des décisions et mis en place des stratégies natio­nales pour s’inscrire aussi bien dans le processus d’adaptation que d'atténuation du changement cli­matique. A noter que le Royaume est l’un des rares pays à avoir levé des fonds pour pouvoir engager ce changement notamment pour l'énergie solaire, l'utilisation des eaux usées traitées, la gestion des risques de catastrophes naturelles au niveau des municipalités, etc. Le Maroc a donc pris à bras-le-corps l’importance du risque climatique. Concernant la stratégie nationale du tourisme, avec les deux programmes Qariati et Madinati, le Maroc a montré une volonté de développer une politique touristique différente de ce qui a été fait jusqu’à présent. Veiller à la mise en oeuvre réelle de ces stratégies permet­tra un développement intelligent vertueux avec un impact positif sur les populations et les territoires

Le chantier de la régionalisation permettra proba­blement d’insuffler cette dynamique qui s’appuiera sur l’expertise déjà accumulée par le Maroc en la matière.

F.N.H. : La question du financement est capi­tale pour entreprendre ce processus d’adap­tation dans lequel le Maroc s’est lancé. Est-il en mesure de drainer des financements climatiques lors de la COP22 pour relever les défis qu’il s’est fixés et mettre en place sa stratégie d’adaptation aux changements climatiques ?

T. B. : En effet, la question des financements est fondamentale. Jusqu’à présent nous avons toujours pensé à la fracture Nord-Sud désignant comme responsables du changement climatique les pays du Nord, et comme victimes, ceux du Sud. Cependant, l’Accord de Paris a introduit un nouveau mode de réflexion qui est le partage, non pas des responsabilités, mais des actions de développement durable. En réalité, ce ne sont pas les financements qui manquent mais plutôt la compréhension et la capacité des pays, notamment ceux du Sud, à comprendre l'architecture de la finance climatique et préparer des projets solides pouvant bénéficier de ces financements.

Les pays doivent combler le décalage entre capa­cités et compréhension de cette architecture des financements climat, et le Maroc souhaite d’ailleurs en faire une des thématiques sur laquelle la COP22 mettra particulièrement l’accent. La Banque mon­diale est disposée pour sa part à apporter l’appui technique nécessaire pour renforcer ces institutions et les aider à drainer ces financements.

La Méditerranée menacée par le changement climatique

Le bassin méditerranéen est le siège de profondes mutations et de changements globaux, dont le changement climatique. De nombreuses recherches traitent de ces changements sous l’angle des vulnérabilités, de l’adaptation et la résilience des res­sources naturelles et des sociétés, notamment en milieu rural où ces nouvelles vulné­rabilités liées aux changements climatiques sont particulièrement visibles. Certaines recherches s’intéressent aussi aux nouvelles opportunités de développement liées à la capacité des sociétés rurales à mettre en place des stratégies d’adaptation ou d’anticipation des risques liés à ces changements climatiques. Parallèlement à ces recherches, les politiques publiques s’adressent de plus en plus aux impacts de ces changements et aux modalités d’adaptations des sociétés. Les initiatives de la société civile essaient, non sans difficultés, de répondre à ces changements. Mais le constat qui s’impose est qu’il y a un important gap entre les connaissances acquises et la décision politique.

Propos recueillis par L. Boumahrou

Brèves

Energie : Le Maroc prend part à la CEM7

Aziz Mekouar, ambassadeur pour les négociations multilatérales au sein du comité de pilotage de la COP22, a participé (les 1er et 2 juin à San Francisco en Californie) à la 7ème réunion ministérielle sur l’énergie propre (CEM7) au panel «La route au-delà de Paris et le CEM» aux côtés de Jonathan Pershing, envoyé spécial des États-Unis pour le changement climatique et Laurence Tubiana, ambassadrice pour les négociations de la COP21 et championne de haut niveau du climat pour la France. Dans son allocution, Aziz Mekouar a souligné la nécessité d'une action concrète pour la mise en oeuvre de l'Accord de Paris. Il a également affirmé que le CEM7 offre des outils nécessaires pour y arriver.

Rappelons que le CEM est un forum lancé en 2010 par les États-Unis et composé de 23 pays membres et l'Union européenne, qui représentent 75% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) et 90% des investissements dans l'énergie propre dans le monde. Compte tenu du fait que le secteur de l'énergie représente les deux tiers des émissions mondiales de GES, les progrès réalisés au CEM7 sont essentiels pour le succès de l’objectif de l'Accord de Paris, celui de limiter la hausse de la température mondiale au dessous de 2 degrés Celsius et l'appel de la COP22 pour l’action du secteur public-privé pour la mise en oeuvre de l'Accord.

Electricité : Le Maroc et le Portugal envisagent de se connecter

Le ministre de l’Energie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, Abdelkader Amara, et le ministre de l’Economie du Portugal, Luis Miguel Morais Leitao, ont donné récemment, à Lisbonne, le coup d’envoi officiel de l’étude de faisabilité technique et économique du projet d’interconnexion entre les deux pays. Une étude qui traduit la conviction des deux pays de l’importance mutuelle que représente cette première interconnexion d’une capacité de 1.000 MW pour le développement des relations économiques. A cette occasion, Jorge Seguro Sanches, secrétaire d’Etat portugais chargé de l’Energie, a réitéré la volonté de son pays et son engagement à concrétiser ce projet et à en accélérer la cadence. A. Amara, pour sa part, a déclaré que cette interconnexion atteste du niveau stratégique du partenariat et trace les lignes de «cette belle autoroute électrique qui se dessine entre l’Europe et l’Afrique subsaharienne via le Maroc.

Marrakech abritera la 1ère édition du Forum AFER

Les 15 & 16 juillet 2016, Marrakech abritera la première édition du Forum africain des énergies renouvelables «Forum AFER 2016». Une édition placée sous le thème «Les énergies renouvelables au service du développement du continent Africain : enjeux et perspectives».

«AFER-Forum» est l’événement qui mobilise une centaine d’intervenants, tous acteurs des énergies renouvelables, en Afrique, mais aussi ailleurs. experts, responsables gouvernementaux, acteurs économiques et sociaux, se donnent rendez-vous à la ville ocre pour discuter de l’importance des énergies renouvelables dans le développement du continent africain.

La thématique retenue pour cette première édition entre dans le cadre de l’engagement du Maroc en faveur de l’environnement, mais aussi tous ses efforts pour renforcer et promouvoir la coopération sud-sud.

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